Pierre Michon

pour qui veut connaître Pierre Michon, on signale ce livre d'entretiens

Pierre Michon, Le roi vient quand il veut : propos sur la littérature
chez Albin Michel -

Il y parle de ses auteurs favoris, de ceux qui l'ont formé,

Citation :

on y trouve enlacés les souvenirs et les lectures qui m'ont constitué : le panthéon aztèque et la chasse à Dieu dans Moby Dick, « le petit roman de trente pages » de Lautréamont et le rasoir d'un théologien anglais, une écoute enfantine de Salammbô qui est ma scène primitive, des lieux et des noms. Melville et Faulkner, Beckett y voyagent parmi des toponymes limousins. Mes morts bavards, Flaubert, Rimbaud et Villon, Giono et Borges, Hugo y fréquentent des prolétaires morts sans discours

.

Michon considère les vies minuscules comme "le dernier roman du XIXe écrit après les avant-gardes", par quoi il faut comprendre le groupe "tel quel" et Roland Barthes.

Parlant de la langue, il dit avoir choisi une "langue archaïque" au sens prehistorique du terme, ie fondamentale, et qui ait une "pesanteur granitique", selon sa propre expression.

Il pense aux peintures rupestres de Lascaux, monde qu'il fait intervenir dans la grande Beune

A propos des vies minuscules , Pierre Michon !

Quand j’ai écrit les Vies minuscules, je croyais que la
littérature c’était Marcel Proust. Pour moi, la littérature
n’était pas vivante, c’était un spectre, ce n’était pas une
chose de mon temps, donc j’écrivais des phrases longues
avec des imparfaits du subjonctif, dans une langue morte
et ressuscitée.
C’était pourtant une chose du passé tout à
fait présente et efficace, puisque ce livre a été fait en même
temps pour consoler ma mère, pour faire que ma mère
meure plus tranquille, je crois que ça a eu cet effet d’ailleurs,
et ça suffit bien.

Alors qu’en écrivant Corps du roi, en particulier le dernier texte de ce livre, je ne les emploie plus, non pas que je les répudie, les subjonctifs imparfaits, je les aime d’amour, mais parce qu’il me semble qu’il faut être un peu lu. Or, il y a cent personnes à tout casser que Le roi vient quand il veut l’emploi de l’imparfait du subjonctif amuse. Les masses en ont une sainte trouille.

le nouveau Michon, c'est les onze, paru chez Verdier.

c'est l'histoire d'un tableau sur le comité de salut public (onze membres) :

Citation :

le peintre François-Elie Corentin, né en 1730, fils d'un écrivain raté et d'une mère d'ascendance noble, futur auteur des Onze, "le plus célèbre tableau du monde", portrait collectif des onze membres du Comité de salut public, trônant aujourd'hui au Louvre et dont le narrateur raconte avec virtuosité l'histoire fascinante de la commande.

précise le monde.

Citation :

J'ai essayé de respecter le ton de l'épopée

disait l'auteur ce midi sur France Culture.

un entretien avec pierre Michon sur bibliobs.

Citation :

J'ai écrit les trois premiers chapitres de la première partie en 1993. Je voulais marquer le coup de la Terreur, puisque tout le monde avait célébré la Révolution de 1789. Mais, arrivé à la fin du troisième chapitre, j'étais gavé, j'avais dit tout ce que j'avais à dire. Je pensais ne jamais le publier, puisque ça ne suffisait pas, mais ça m'était égal.

les onze, membres du Comité

Citation :

sont des gens qui s'adoraient et qui se flinguaient. Comme si la dernière amitié, c'était de s'envoyer à la guillotine. Robespierre était au même niveau que Danton, que Desmoulins. Robespierre a été témoin au mariage de Desmoulins. C'étaient des frères. Et l'entretuerie était d'autant plus forte qu'ils étaient frères. Ils étaient dans la démesure absolue, dans l'«hybris» grecque. Ils étaient dans la transe, la transe du discours, chauffés à mort. La mort n'était plus qu'un accident

Le Grand Prix du roman de l'Académie française, qui ouvre la saison des prix littéraires, a été décerné jeudi à Pierre Michon pour son roman "Les Onze" (Verdier).

Michon

Dans la revue MEET de 2003 consacrée au lecteur idéal, je trouve des textes de Maissa Bey, Alberto Manguel et Pierre Michon.

Je m’arrête sur ce dernier puisque la fin du texte me plaît bien, après un début qui mêle l’agressivité et l’humour sur un fond d’humiliation, sans doute plus ressentie que voulue.

Le 13 février 1984, Pierre Michon se retrouve dans les locaux de G[allimard] « pour signer le service de presse des vies minuscules ». Il estime qu’il est regardé comme un blatte - on pense à Kafka, et devant un accueil glacial jugé méprisant, il décide d’offrir le livre « les vies minuscules » à sa mère.

Ils n’en parleront pas, sauf qu’à sa mort, Michon s’aperçoit que sa mère avait été très touchée de ce cadeau :

« Des infirmières passaient, des gueules de Circés. Nous nous en foutions, elle et moi. Nous étions invulnérables.

Elle remettait les choses en place. On a bien assez d’un seul lecteur, certes, s’il a besoin de votre livre pour s’aider à mourir. Mais elle disait bien davantage : elle levait le sortilège des Circès universelles. C’était elle le père maternel, le grand lecteur. A l’heure de sa fin même, elle poursuivait cette tâche dont elle n’a jamais su qu’elle s’était acquittée au-delà du possible, dont elle s’est toujours crue indigne : me transformer en homme.

Sa dernière délicatesse, tenir en main ce livre pour aller mourir, je la lis ainsi : elle disait : j’emporte avec moi cet homme de 207 pages, cet homme qui est un peu toi et qui m’aide à finir. Mais je ne t’emporte pas toi : tu es vivant, tu es un homme, tu pourras fabriquer d’autres hommes de papier. Je te demande de le faire.

Voilà ce que je lisais dans la petite ville de G, en Août, sous un soleil triomphal. C’était loin des frimas où s’ébattent les marâtres, dans la maison G. »

Citation :

A l’heure de sa fin même, elle poursuivait cette tâche dont elle n’a jamais su qu’elle s’était acquittée au-delà du possible, dont elle s’est toujours crue indigne : me transformer en homme.

je trouve cette phrase magnifique !