L'assurance maladie vous assure...

Petit tour sur la toile. Navigation laborieuse sur le site internet de l’assurance maladie. Recherches longues et fastidieuses parmi les documents pléthoriques en téléchargement. Par l’intermédiaire du menu déroulant et de la recherche par thème. Par le moteur de recherche et ses mots clés…
De quoi devenir fou à lier.
Finalement, le bon formulaire est localisé. Et imprimé : « Déclaration en vue du rattachement des membres de la famille des assurés pour le bénéfice de l’assurance maladie et maternité ». Tout un programme. Document connu sous le petit nom charmant de « S3126a ».
Remplissage, envoi à la sécu.
Affaire réglée.

Trois semaines plus tard, le cher ange tombait malade. Direction les urgences et son lot d’angoisses parentales. Bébé devait rester hospitalisé quelques jours.
- Combien ?
- Rien n’est décidé pour le moment.
- Ah !

Le père, dans son indolente surveillance de son fiston qui dormait innocemment dans un berceau du service pédiatrique, jeta un œil indifférent aux tarifs hospitaliers. Six cents euros quotidiens. Pour la chambre, uniquement. Sans compter la batterie d’examens qu’avait subis le nourrisson.
- Ben mon vieux. Ils ne s’embêtent pas ! Heureusement que la sécu prend tout ça en charge.
Et là, brusque déferlante d’adrénaline : le petit n’était pas encore affilié. La procédure était en cours, certes… mais avec l’administration française, personne ne pouvait prédire quand cette affiliation serait effective. Elle serait rétroactive, bien sur (Surement ! Probablement ! N’est-ce pas ?), mais qui va payer à la sortie de l’hôpital ?
Rapide calcul… Six cents euros multipliés par… plus les examens…
Vertigineux !

Coup de téléphone immédiat et paniqué au centre de sécu. La procédure était-elle achevée ? Le dossier était-il à jour ? Non ! Evidemment.
- Entre 30 et 45 jours de délai, cher monsieur.
- Pour saisir un prénom et une date de naissance dans un dossier électronique ? Vous plaisantez ? Mon gamin est à l’hôpital. Et je n’ai pas les moyens d’avancer une telle somme. Comment vais-je faire ?
- Rendez-vous dans votre agence habituelle. Les bureaux ouvrent à 08h30.
- Mais j’ai déjà embauché à cette heure là, moi !
- Entre midi et deux, alors.
- Mais je ne travaille pas à côté !
- Alors dans n’importe quelle agence de votre département.
- Mais je ne travaille même pas dans mon département de résidence.
- Alors la mère (elle est à l’hôpital avec votre enfant, n’est-ce pas ?) peut se rendre à l’agence la plus proche.
- Non plus, l’hôpital est dans un département encore différent.
- …
- Alors ?
- Je n’ai pas d’autre solution, monsieur. Vous m’en voyez désolée.
Tu parles ! Elle s’en cognait royalement. Elle n’a même pas cru bon d’énoncer son mensonge d’un ton sincère. Tout juste aimable…
- Bon. Admettons que je me rende avant d’aller au boulot, dans l’agence de mon département la plus proche de mon travail. Suis-je sur de faire accélérer le dossier et d’obtenir mon attestation de carte vitale à jour ?
- Sur, non !
La garce ! Elle cherche les ennuis, là !
- Mais si vous insistez en expliquant votre cas, vous avez des chances d’y parvenir.
- Dans n’importe quelle agence ?
- … de votre département.

Ce qui fut fait !
Le jour suivant, muni de tous les papiers indispensables et même de ceux dont il était certain de ne pas avoir besoin, le père faisait le pied de grue devant l’agence de son département et la plus près de son lieu de travail. Il était très en avance et les bureaux ne devaient ouvrir que vint-cinq minutes plus tard. Un bon bouquin, et l’attente ne fut pas trop pénible malgré la fraicheur du petit matin.

Les bureaux ouvrirent enfin, le père poussa la porte marquée « Accueil » et exposa brièvement son cas.
- Ah mais il n’y a plus d’accueil ici.
- C’est pourtant ce qu’il y a marqué sur la porte, non ?
- Oui, mais toute l’administration s’occupant de cela a été transférée. Tout a été centralisé.
- J’ai téléphoné exprès et on m’a affirmé le contraire.
- Impossible, monsieur, dit l’employée, imperturbable : absolument désintéressée par mon problème.
- Je vous l’assure pourtant.
- Impossible, persista-t-elle.
- Si !
- Non !
- Si !
- La personne qui vous a renseigné s’est trompée, alors !
Le père jeta un regard noir en direction de son inébranlable interlocutrice et pensa à cette femme en des termes forts peu avouables. Et même tout à fait grossiers. Il serait en retard à son bureau, sans avoir obtenu le moindre renseignement. Désireux d’en finir rapidement, il renonça à sa démarche et demanda :
- Dites-moi au moins si mon dossier est à jour. Ma démarche postale a peut-être abouti entre temps.
- Impossible, monsieur. Ce matin, mon ordinateur ne marche pas !

C’est en se répandant en injures outrancières que le père quitta ce jour là les locaux de l’assurance maladie.