Emmanuel Bove

Emmanuel Bove, La mort de Dinah, le dilettante.

" Valeurs bourgeoises "

Selon l'abbé Louis Bethleem, les romans d'Emmanuel Bove

Citation :

" horriblement mal écrits, dégagent un pessimisme effroyable et roulent dans l'abjection"

(in "romans à lire et à prescrire", 1932).

En fait Emmanuel Bove cache son jeu : il retrace la vie quotidienne des petits bourgeois, sur un ton banal, qui cache un veritable requisitoire contre l'hypocrisie et la mauvaise foi. Ce livre de 1928 dénonce en douceur un égoïsme de classe, "bien de chez nous".

extrait : le monologue de Jean Michelez

"

Citation :

Chaque fois que j'ai aimé, on s'est détourné de moi. Et on voudrait aujourd'hui, que j'oublie tout cela, que je donne cet argent que j'ai gagné, malgré tout le monde; on voudrait que j'agisse comme un homme qui a été heureux toute sa vie (...)Et on voudrait que je sois généreux, désinteressé ! non...non. On ne l'a pas été avec moi, je ne le serai pas avec autrui. Je ne demande rien à personne. Personne n'a le droit de me demander quelque chose..."

un petit extrait du ton de Bove in Mes amis, roman.

Citation :

Chaque matin, ma voisine chante sans paroles en déplaçant les meubles. Sa voix est amortie par le mur. J'ai l'impression de me trouver derrière un phonographe.
Souvent, je la croise dans l'escalier. Elle est crémière. A neuf heures, elle vient faire son ménage. Des gouttes de lait tachent le feutre de ses pantoufles. J'aime les femmes en pantoufles : les jambes n'ont pas l'air défendues.
En été, on distingue ses tétons et les épaulettes de sa chemise sous le corsage.
Je lui ai dit que je l'aimais. Elle a ri, sans doute parce que j'ai mauvaise mine et que je suis pauvre. Elle préfère les hommes qui portent un uniforme. On l'a vue, la main sous le ceinturon blanc d'un garde républicain.

le site http://www.emmanuel-bove.net/

Jean-Pierre Darroussin adapte au cinéma le Pressentiment roman que bove écrivit en 1935 .
C'est l'histoire d'un avocat, Charles Bénesteau, qui largue travail et famille pour vivre avec les classes populaires, abandonnant tout le clinquant pour une vie intérieure plus authentique. Verve opulaire et satire bourgeoise sont au menu.

Le pressentiment edité par le Castor astral repparait à la suite du bon film de Jean pierre Daroussin qui fait la preface de ce court roman. Le protagoniste correspond bien à ce qu'en a fait le film (et inversement !). Le voici qui parle de lui-même.

Citation :

Il y a une chose qui me surprend [...], c'est que j'ai pu atteindre l'âge de cinquante ans sans me rendre compte de toutes les faveurs dont j'ai bénéficié. Quand je vois le nombre de gens qui souffrent, de malheurs qui s'abattent sur eux, d'embûches qu'il faut vaincre, surmonter, pour vieillir, et que je songe à ma vie, je suis confondu.

On dirait qu'une main invisible s'est plu à me cacher tout ce qui aurait pu m'attrister. je ne veux pas dire par là que j'ai vécu comme dans un rêve. j'ai ressenti de grandes peines, moi aussi, mais c'était si je peux m'exprimer ainsi, des peines prévues, auxquelles j'avais été préparé dès mon jeune âge, la mort de mon père, par exemple. Elle m'a causé un grand chagrin.

Nous nous sommes réunis gravement, mes frères et moi. Des amis sont venus. Tout cela se passait comme au théâtre. il y avait quelqu'un, il y toujours eu quelqu'un dans la coulisse qui veillait à ce que les malheurs inévitables entrassent tout de suite dans le passé.

C'est suite à cette prise de conscience qu'il décide de quitter son milieu social. Ce dépressif "culpabilise d'être un nanti" (JP. Daroussin).

L'un des meilleurs des années 30.
mes amis est à mon sens l'un des meilleurs!

bienvenue à toi, Ducro 42;

je suis content que tu aimes Emmanuel Bove que je trouve injustement méconnu.

Tout ce que tu pourras dire sur lui me verra très attentif !

"MES AMIS" dont j'ai trouvé chez un bouquiniste bon marché la version "j'ai lu" de 1986 (avec l'illustration des toits de Paris de Gilbert Fleury) est sans aucun doute le roman qui a eu la plus grande influence sur ma vie. Pessimiste et plus nihiliste que Schopenhauer lui-même, le personnage de loser total que décrit Bove est un archétype du paumé de nos cités modernes, qui ne peut plus faire confiance à personne et traîne son vague-à-l'âme sous-marin dans le no-man's-land des banlieues parisiennes sans même trouver à y redire.
Soumis à une vie de misère et en proie à de légitimes envies de suicide, il ne parvient à sortir la tête de l'eau que grâce à la rencontre d'une certaine Blanche qui va focaliser ses pulsions vitales pour un bref moment où le plaisir n'est même pas au rendez-vous, avant de replonger dans un gouffre de solitude forcée, voire définitive.
D'une écriture presque naïve et forcément touchante, Bove parvient à nous émouvoir même plus de trois quarts de siècles après avoir écrit ce bouquin, dans des circonstances qu'on devine terrifiantes.

le matricule des anges consacre un dossier à Emmanuel Bove juillet aout 2013

Victor Bâton, le héros de «Mes amis», le premier roman d’Emmanuel Bove (1898-1945) paru en 1924 chez Ferenczi, mais qui s’avère d’une telle drôlerie, d’une telle modernité qu’il aurait pu être écrit la semaine dernière.

Victor est un traîne-savate, un vrai. Mais pas du genre content de lui, ni érudit flamboyant à la Cossery, non. Victor loge dans un galetas à Montrouge et ne fait rien de ses journées, mais il aimerait bien. Il aimerait bien, sans évidemment faire rien pour, passant ses journées à errer dans les rues, les squares et les gares à observer les commerçants, les statues, les jolies femmes.

Il est de ces fainéants qui trouvent le temps long. S’il pouvait, bien entendu, il voudrait avoir des sous, une belle maîtresse et se montrer généreux avec les pauvres, qui lui en seraient tellement reconnaissants. Mais il n’entreprend jamais rien, trop occupé qu’il est à gémir sur son sort du matin au soir.

Menteur, couard, hypocondriaque, égocentré au dernier degré, Victor se figure être un être délicat jeté dans un monde trop dur. Et là où Bove touche au génie, c’est en dépeignant ses accès de gaucherie, tous ces moments où, comme nous, il se sent encombré de son corps idiot, ne sait quoi dire pour paraître intelligent ou se mortifie d’avoir eu l’air grossier quand il ne cherchait qu’à faire de l’esprit. Victor exprime cette part de l’enfance maladroite et honteuse qui demeure chez les adultes. Entrant dans un bordel, il pense: «J’aurais tant voulu avoir l’air de connaître les lieux.» Voilà le résumé de son existence.

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