André Gide

sidobre a écrit:

quelle écriture classique et pure qui n'évitait pas les imparfaits du subjonctif quasiment disparus aujourd'hui de nos usages, et pourtant...!

je ne lui reprocherais pas ses imparfaits du subjonctif, mais effectivement un style classique jusqu à être suranné : ainsi le pronom personnel avant le verbe comme au XVIIe siècle, des tournures précieuses, comme la dernière phrase de la Porte étroite

Citation :

une servante entra, qui apportait la lampe

.

je ne crois pas que ces coquetteries servent bien sa cause...

coucou les grains
Le premier Gide que j'ai lu c'était L'immoraliste. J'avais bien aimé, le prenant pour une application de Nietzsche (le fort doit survivre et le faible mourir) un peu simpliste, à moins que ce ne fut ma lecture qui le fut (simpliste).
La Porte Etroite, j'ai trouvé ça très fleur bleue style XVIIIème (genre Paul et Virginie) du coup j'avais l'impression bizarre de connaitre déjà l'histoire.
Les faux-monnayeurs j'ai trouvé comme certains d'entre vous un peu daté, mais la technique est intéressante, ainsi que la peinture psychologique de quelques scènes. Quant à son livre le plus connu, Les nourritures terrestres, j'en ai été un peu déçu, mais c'est souvent le cas quand on attend beaucoup d'un livre.
En résumé André Gide ne m'a pas particulièment bouleversé. Mais en quatre livres est ce suffisant pour se faire une juste idée de l'écrivain?

fulcanelli a écrit:

En résumé André Gide ne m'a pas particulièment bouleversé. Mais en quatre livres est ce suffisant pour se faire une juste idée de l'écrivain?

Tu pourras bientôt aller voir la "tranposition à l'écran" des faux-monnayeurs, réalisé par Benoît Jacquot, avec Melvil Poupaud, Patrick Mille etc.

L'intrigue a été allégée de la fausse monnaie trébuchante, pour se focaliser sur les rapports des jeunes adolescents avec le monde des adultes.

Je m'interroge sur le thème homosexuel, voire pédophile, très présent dans le livre, encore que pour rendre l'histoire plus vraisemblable, le cineaste ait rajeuni les lycéens.

J'ai du mal à imaginer comment ce livre pourrait être adapté au cinéma , puisque son intérêt réside principalement dans ses techniques narratives. En tout cas je ne pense pas y aller, le livre m'a vraiment plu et je ne voudrais pas être déçue...

Les réalisateurs du film ont refusé le mot "adaptation" pour "transposition". L'intrigue a été allégée de la "vraie histoire de la fausse monnaie" ie du trafic des pièces, dont l'interêt n'etait pas essentiel à mes yeux dans le roman.

Quant aux techniques narratives, chacun sait que le cinéma a puisé ses sources dans le roman (montage alterné, récit retrograde, voix off), mais il n'est plus en reste actuellement, et beaucoup de films ont mis en scène le réalisateur à la recherche de son sujet avec une "mise en abyme". Donc pas de craintes à ce niveau.

Ce qui pourrait poser problême : les jeunes "lycéens" dont les figures dans le roman ont besoin d'être réactualisés, et sans doute le milieu protestant rigide, actuellement révolu.

La porte étroite

Je ne garderai pas de cette lecture un souvenir impérissable, bien au contraire. Elle s’est faite dans un climat de révolte quasi permanent. En outre je l’ai trouvée terriblement ennuyeuse, austère, et en tout cas plus efficace que n’importe quel somnifère.
Je n’ai pas aimé le style qui m’est paru immédiatement ampoulé, austère, tarabiscoté. Tout cela est désuet, vieillot, démodé. Il m’a fallu lutter pour lire les 30 pages que je m’assignais à chaque fois que j’ouvrais ce livre pour ne pas dormir.

Que dire de l’histoire ?
Jérôme aime Alissa, sa cousine, qui l’aime également. Pour l’instant tout va bien, il suffirait qu’ils se marient, qu’ils eurent beaucoup d’enfants, comme le prescrit la religion Chrétienne, et l’affaire serait entendu en on en reparlerait plus….. Er bien non, la sœur d’Alissa, Juliette, aime aussi Jérôme (quel succès !!), et Alissa s’en rend compte. Et c’est là que l’affaire tourne au vinaigre. Alissa se laisse aller, aspire à la sainteté, et, sublime un amour jusqu’au renoncement, au sacrifice.

D’emblée l’austérité protestante est palpable, et le moindre bout de chair visible, ou couleur inappropriée provoquent scandale et indignation.

« Et vous appelez aussi de deuil ce châle rouge qu’elle a mis sur ses épaules ? Flora, vous me révoltez ! S’écriait ma mère »
Au sein de cette famille, personne ne sait ce qu’il veut ; On hésite, se pose des questions, se tourmente, se déchire……

« Tout, en elle, n’était que question et qu’attente…Je vous dirais comment cette interrogation s’empara de moi, fit ma vie »

Alissa est versatile : quand elle est seule, elle écrit des lettres enflammées (dans la limite de la morale, tout de même !!!) à Jérôme, et quand ce dernier est dans les parages, elle ne veut pas le voir, et veut souffrir vertueusement……Elle aurait mérité d’être secouée un bon coup.

La clé de ce livre, se situe dans les Evangiles « Efforcez vous d’entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent » C’est cette voix du sacrifice, de la recherche de la difficulté suprême qui guident les personnages dans la conduite de leur vie…..
Cette vie de rigueur leur plait ; ils la recherchent. Alors Alissa souffre, c’est un fait, mais je reste impassible devant tout cela. C’est son choix, qu’elle assume. Qu’ils assument, car Jérôme est tout autant illuminé, endoctriné. Ils prennent tout pour vérité absolu ; il n’y a aucune lace pour le libre arbitre, et le sens critique…..

J’ai été, malgré moi, imprégnée de religion, et d’histoires de ce genre, et je me suis battue pour imposer mon propre chemin ; alors j’ai du mal à comprendre cette résignation, ce manque de combativité.
Toute idée de sacrifice, de vie excluant tout plaisir, le refus du bonheur, de culpabilité permanente m’est insupportable. Ce sont des notions très Chrétiennes auxquelles ne n’adhère pas du tout.

C’est pourquoi, je suis persuadée qu’il faut être infiniment croyant pour apprécier ce livre. Un chef d’œuvre pour certain, une histoire sans intérêt pour moi. Je n’ai pas aimé du tout. Je l’ai lu, presque en intégralité, puisque j’ai survolé de très haut je journal d’Alissa, parce qu’il était court. Sinon, il aurait connu le même sort que ses camarades plus copieux : retour au placard.

La porte étroite

Je ne suis pas sûr que Gide adhère aux évangiles, et s'il les cite, ce doit être par un esprit retors.
En revanche, j'adhère à ton avis sur ce titre, pour moi c'est vieillot et mièvre.

rotko a écrit:

La porte étroite

Je ne suis pas sûr que Gide adhère aux évangiles, et s'il les cite, ce doit être par un esprit retors.
En revanche, j'adhère à ton avis sur ce titre, pour moi c'est vieillot et mièvre.

je n'ai pas été jusqu'à dire que Gide adhérait aux Évangiles. Par contre, pour se sentir en phase avec cette histoire, je pense ( mais je n'engage que moi) qu'il faut être bien croyant, car autrement (quand on ne l'est pas )cela dépasse l'entendement

Si le grain ne meurt

Autobiographie.

Plutôt agréable grâce au style, au surgissement d’un passé suranné.

Mais insuffisante pour moi.

Car quel est l’intérêt de lire ce genre d’ouvrage, si ce n’est d’assister à la naissance de la passion littéraire ?

Gide n’a pas jugé bon de concentrer son travail sur ce point. Certes, il évoque bien l’austère figure paternelle (un prof de droit) et sa bibliothèque au tapis épais, mais « en passant ».

Un endroit d’ailleurs interdit à la mort du père car il y a de tout, y compris des écrits indécents.

Alors, on sourit des premiers étonnements amoureux du petit André, comme face à une domestique lesbienne ou au racolage d’une femme publique.

Gide se définit comme un enfant niais et lourdaud. Curieux de tout : depuis les insectes, en passant par la chimie et la pêche.

L’esthète, on le ressent à travers les mots, quand il s’endort « ivre d’ombre, de sommeil et d’étrangeté »...

Quant au créateur, il s’exprime bien peu sur son art !

On a quand même le droit d’être renseigné sur ses rencontres littéraires : Heredia, Mallarmé, Louÿs, Wilde... Les deux derniers étant ses « guides d’orientation sexuelle » en Algérie...

L’Algérie, où se concrétise sa...pédophilie.

Gide a l’air de sous-entendre « c’est comme ça, je n’y peux rien »... Toutefois, il ne cesse, depuis l’enfance, de s’accuser d’une certaine perversité.

« A cet âge innocent où l’on voudrait que toute l’âme ne soit que transparence, tendresse et pureté, je ne revois en moi qu’ombre, laideur et sournoiserie. »

On a pu écrire que Gide s’était libéré des conditionnements moraux.

Je n’en suis pas si sûre...




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A noter : un intéressant portrait de Wilde...

le Voyage au Congo restera comme l'un des premiers livres anticolonialistes. Gide y dénonce les horreurs commises par les grandes compagnies qui exploitent le caoutchouc et pour ce faire les populations, les massacrant sans hésiter pour asseoir leur autorité. Cela sans pour autant idéaliser l'homme noir - Gide n'est pas à l'abri de certains préjugés racistes de son époque même si son

Citation :

"Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête"

deviendra fort célèbre.

Un extrait de cet ouvrage dans l'Express.

J'ai lu l'immoraliste .

Première approche de Gide et je pense que ce sera la dernière.

L'histoire est ennuyeuse et d'une lenteur qui n'est pas sauvée par le style d'écriture.

Quelques passages à sauver peut-être.... ou pas '

"Les plus belles oeuvres des hommes sont obstinément douleureuses. Que serait le récit du bonheur ? Rien, que ce qui le prépare, puis ce qui le détruit, ne se raconte. Et je vous ai dit maintenant tout ce qui l'avait préparé."

Je ne connais pas ce Voyage au Congo mais j'ai trouvé très intéressant l'extrait de L'Express.
Par ailleurs, je crois qu'en effet l'oeuvre de Gide a beaucoup vieilli. Pourtant, il y a quelques années, j'avais aimé Les nourritures terrestres, Les Faux-monnayeurs et La Symphonie pastorale et je lisais volontiers des extraits de son Journal recopiant même des passages.

MKLJ a écrit:

Je lis L'immoraliste, de Gide

Cleo a écrit:

Tu nous diras ton avis. J'ai vraiment eu de la peine à le terminer..... pas vraiment captivant selon moi.

moi :

parmi mes anciens livres ,j'ai la "Symphonie Pastorale" je me souviens d'avoir aimé ce livre, on en a fait un film, je ne l'ai pas vu. Qu'il sent la naphataline? on peut dire ça de tous les classiques. Si le trouve je vais le relire; une curiosité, a-t-il été homosexuel? je n'ai rien contre, mais j'avais l'impression qu'il était très influencé par la religion.

Non, à mon avis les classiques ne "sentent pas la naphtaline".

Mais lis-le fil Gide et tu verras que mon expression iconoclaste est plus ou moins reprise sous des termes plus courtois, "vieilli, vieillot". Si Gide a manifesté de l'audace dans la construction même des romans (les faux-monnayeurs), il use souvent d'un style hérité dont on repère facilement les tournures archaïsantes.

Son homosexualité, il aurait été un des premiers à s'en prévaloir dans Corydon et dans si le grain ne meurt qui repose sur des faits de son enfance. A vrai dire ce n'est pas mon problème. En revanche l'homosexualité diffuse, latente, on la retrouve dans les faux-monnayeurs : tout est expliqué dans les messages sur ce livre.

Pour la religion, issu du protestantisme rigide qui l'étouffe, Gide use souvent de symboles religieux et des Ecritures : il les dévoie de leur sens premier pour en rire sous cape. Bref, il n'a rien de religieux, mais tout de celui qui persifle.

merci Rotko, je m'instruis sur ce forum, je vais lire le fil.

Rotko: un peu d'humour, quand je dis que m'instruis sur le forum, ce n'est pas une blague: aujourd'ui j'ai appris "dévoyer, rire sous cape, et persifler" pas besoin de prof. Merci

Je n'ai lu pour ma part que La symphonie pastorale et L'immoraliste, et je les ai trouvés tous les deux assez intéressants, même si le message de l'auteur n'est pas toujours transparent. J'ai eu le sentiment que tout était toujours ambigu, en particulier dans L'immoraliste.

Par contre, l'histoire de La symphonie pastorale (même si elle est un peu tirée par les cheveux, et tend parfois vers la mièvrerie), m'a beaucoup touchée, et j'ai trouvé formidable le passage où le narrateur essaie d'expliquer à Gertrude ce que sont les couleurs en passant par la musique. On voit aussi à travers le journal du pasteur combien celui-ci est tiraillé entre son devoir et son amour pour Gertrude ; l'ambiguïté de la relation entre ces deux personnages, et la pudeur avec laquelle elle est racontée, fait tout le sel de ce récit, selon moi.

Concernant L'immoraliste, j'ai eu plus de mal, c'est vrai. Mais en tout cas, il ne laisse pas indifférent. Je crois que le personnage de Michel fait surtout réfléchir par le fait qu'il n'est pas totalement inhumain.

Un article de Fabula sur la philosophie (essentiellement de Nietzsche) dans les romans de Gide : http://www.fabula.org/lht/4/Muresan.html

Clertie a écrit:

J'ai eu le sentiment que tout était toujours ambigu, en particulier dans L'immoraliste.
l'ambiguïté de la relation entre ces deux personnages, et la pudeur avec laquelle elle est racontée, fait tout le sel de ce récit, selon moi.

je crois que tu as très bien cerné l'auteur et le personnage.

Pour Rotko et Clertie, je n'ai pas lu "l'immoraliste" Mais j'ai en Français "la symphonie pastorale" et je le lirai : je l'avais lu certainement il y a longtemps, mais j'ai oublié. Merci Clertie pour le lien.

J'ai découvert Gide par les nourritures terrestres (1897) que j'ai bien apprécié. J'ai aimé le style, poétique par moments, toujours assez lyrique. Il ouvre des pistes de réflexions philosophiques. L'essentiel sont, dans la seconde partie surtout, les descriptions de moments de vie, des instantanés fixés (surtout en Afrique); les nourritures.

Mais là où j'ai vraiment accroché, sans doute aussi par plusieurs pensées convergentes avec les miennes, c'est dans les nouvelles nourritures (1935), titre qui suit dans le livre de poche. Court (77 pages) mais puissant. Plus philosophique encore. Presque plus de poésie mais des rencontres (dont un dialogue fameux avec Dieu) entrecoupées de ses pensées.