Jonathan Littell

jude a écrit:

Le fait qu'il soit toujours question de grades est nécessaire dans ce récit, il montre le côté industriel de la solution finale Que tu trouves que le narrateur cumule tant de "joyeusetés" morbides est justifiable, mais dans ce que tu dis sur le Narrateur, le seul moment où ça grince c'est l'inceste (pour le lecteur). Pourtant, je peux te citer au moins deux criminels nazis (qui n'ont pas été condamnés et qui sont morts libres) qui cumulent tous ces adjectifs ou bien pire. J'ai lu les Bienveillantes deux fois, et j'ai étudié les procès de criminels, et il n'y a ici rien de romanesque.

Je n'ai rien contre les grades. J'ai lu plus haut le souci, pour certains, de la mention des grades. Aussi en fin de mon livre, j'ai le récapitulatif des grades pour mieux se repérer.

J'ai simplement émis un certain doute concernant le fait qu'il cumule le statut d'officier nazi, l'homosexualité, l'inceste, le bilinguisme et la culture. C'est beaucoup. Le narrateur est un simple inconnu. Il n'atteint les hautes spères que pour poursuivre le but de l'auteur. En lui même, il n'aurait pû aller jusque là. Il y a toujours quelqu'un pour le sauver ou pour l'aider que cela en devient incroyable.

Le fait que le Narrateur cumule tant de défauts ou d'adjectifs est réaliste et même historique. Après, c'est un roman, qui met en relief les facilités de la bureaucratie allemande et autrichienne, sans pour autant être parfaitement réaliste. Pourtant, je pense que la chance a toujours voix de chapitre dans un tel imbroglio . Sous-estimer cet état de fait, c'est sous-estimer l'entropie historique et l'Histoire.

je ne vois pas d'impossibilité à cumuler ces adjectifs qui relèvent de différents ordres. Récemment Jorg Hayder qui s'avouait fasciste était homosexuel. Là n'est pas le problème.

En revanche faire balader son personnage dans les strates de la société, c'est bien un artifice romanesque.

Pourquoi s'en priver ? on n'est ni dans l'enquête ni dans le témoignage.

Quant au livre, je ne l'ai pas lu (trop gros pour moi !)

Nier la multiplicité des différentes perversités des nazis, c'est nier l'Histoire et cela finit par favoriser la répétition de ces erreurs. Bien des nazis étaient surdiplomés (c'était un critère au départ, en 1933), sadiques, voire incestueux. Mais on n'a pas attendu Hitler pour que l'homme fasse état de ces penchants; sans parler de l'homosexualité, qui, bizarrement, en ces temps de totale décadence, n'a jamais été acceptée (un des argument du massacre des SA fut leurs penchants homosexuels).

On pardonne le romanesque à un Balzac ou à un Flaubert sous couvert d'éducation humaine et littéraire (et parce que cela date d'un siècle) alors pardonnons le réalisme moderne et outrancier d'une époque (certes lilliputienne au regard de l'Histoire) mais qui n'en fut pas pour autant insignifiante, malgré son jeune âge. Elle surprend de par son exagération , qui est pourtant réelle, et qu'aucun romancier ne pourra jamais dépasser, même en exagérant follement, tant la réalité de cette époque dépassera toujours la fiction.

Rien de bizarre à mon sens à ce que la politique nazie condamne l'homosexualité : c'est priver le pays des reproducteurs dont il a besoin.

Comme Jude, j'ai adoré Les Bienveillantes (mais ne l'ai lu qu'une fois... pour l'instant!). Il me semble que ce Husson qui a écrit les Complaisantes n'a pas lu le livre ou alors, il n'y a rien compris.

Il dit que l'auteur décrit l'esthétisme des massacres et de la solution finale. Rien n'est plus faux. Le personnage prinicipal est saisi de nausées et de malaises, mais il est tellement "dans le système" et convaincu que le massacre des juifs est nécessaire qu'il est incapable de comprendre que ce qui est en train de se passer est intolérable.

L'auteur nous explique comment un peuple entier peut se laisser laver le cerveau pour accepter l'inacceptable.

Husson affirme en outre que le roman ne donne aucune explication à cette barbarie. Précisément si : le personnage principal est plus ou moins obligé de devenir Obersturmbannführer (ou un grade du genre) parce qu'il a été attrapé en flagrant délit d'homosexualité. Il doit sauver sa peau. Quant aux autres personnages, ils ont une famille à nourrir, c'est la guerre, il n'existe plus d'emplois normaux. Et puis, quoi de plus humain que d'essayer de grappiller tel ou tel avantage pour soi et ses proches. Les systèmes communistes fonctionnaient précisément comme ça. Si vous voulez que vos enfants puissent étudier, vous devez vous rendre complice du régime.

rotko a écrit:

En revanche faire balader son personnage dans les strates de la société, c'est bien un artifice romanesque.

Pourquoi s'en priver ? on n'est ni dans l'enquête ni dans le témoignage.

En effet, et j'ai trouvé ça brillant. On sent bien que l'auteur promène son personnage dans différents décors, ce qui est un prétexte pour nous décrire les différents lieux et les différentes époques: la conquête, le revers du front russe, la débâcle... Le personnage principal se fait envoyer à Stalingrad pour avoir eu le mauvais goût de prier un SS de renoncer à de la violence inutile à l'encontre de futurs fusillés, ce qui équivaut à la peine de mort.

La description de la quasi-mort du personnage, le délire entre la vie et la mort est absolument génial...

Le prix bad sex il récompense les romans qui comportent des scènes sexuelles particulièrement ratées ou du plus mauvais goût.

Le prix américain Bad Sex Award a couronné cette année le Goncourt 2006, Jonathan Littell, pour ses Bienveillantes,«

Ainsi les descriptions de Jonathan Littell d’une relation sexuelle

Citation :

« Un choc m'a vidé la tête, comme une cuillère qui raclerait l'intérieur de la coquille d'un oeuf »

et du sexe féminin

Citation :

« un cyclope immobile dont l’œil ne cille pas ».

Citation :

« Un choc m'a vidé la tête, comme une cuillère qui raclerait l'intérieur de la coquille d'un oeuf »

et du sexe féminin

Citation :

« un cyclope immobile dont l’œil ne cille pas ».

Ca donne envie

Bonjour ,

Je suis toute nouvelle sur ce forum et j'ai parcouru avec attention ce que chacun de vous a écrit à propos de ce livre.
J'ai lu les premières pages dans un magazine à l'époque et il m'avait tout de suite captivée. Etant une grande curieuse de cette époque , le point de vue qu'a chois d'adopter Littel et l'écriture utilisée m'avaient conquis.

La masse de lecture ne m'a pas effrayé et je me suis attelé à la tâche dès que possible. Les Bienveillantes sont devenus l'une de mes lectures préférées. Il m'a tout simplement bouleversé et l'écriture , le style de Littel sont un délice pour le lecteur.

Je le conseille à tout ceux qui veulent vraiment lire quelque chose de différent sur le nazisme et la seconde guerre mondiale. Je suis assez en désaccord avec les critiques qui considèrent que ça serait faire de l'ombre au devoir de mémoire pour la Shoah que d'avoir écrit un livre pareil. Littel a voulu nous montrer de façon extrêmement réaliste la manière dont Max Aue , un individu lambda , s'est retrouvé dans les forces nazis et il pose cette question très juste que j'ai lu plusieurs fois ici Qu'auriez vous fait à ma place ? .

Mon avis est très superficiel j'en suis consciente mais tout a déjà été dit et je suis tellement contente d'avoir trouvé des lecteurs de ce roman que j'ai adoré car autour de moi personne ne l'a lu .

Bonne soirée à vous tous