Edgar Poe, le scarabée d'or

Mazel a écrit:

je commence ce soir Le Scarabée d'or

je lui fais un fil special pensant que nous aurons plusieus contributions sur cette nouvelle célèbre.

Pour commencer, je voudrais souligner l'influence de la lettre volée.

Vous savez que l'argument de cette dernière nouvelle est de mettre en évidence ce qu'on s'attend à voir caché.

Dans le scarabée d'or, le narrateur expose une histoire de découverte d'un trésor par une démonstration rigoureuse, dont l'analyse du cryptogramme est symbolique : on déchiffre un message en se fondant sur la fréquence des lettres en anglais, donc en identifiant la lettre cachée.

Or cette demonstration mathématique, "minutieuse" selon le mot de l'auteur, laisserait penser que la déduction de Will Legrand est imparable. L'astuce de Poe est donc de mettre en avant une

"série d'accidents et de coincidences incroyables si extraordinaire"

Il les souligne pour mieux les faire accepter.

Le lecteur est désarmé par des faits avoués comme "singuliers et extraordinaires", il accepte donc la demarche de l'auteur.

2e point : Will Legrand se met à la place de Kid, ce qui le fait raisonner selon le point de vue du pirate.

ces deux points établis, n'y a-t-il pas prise à des remarques sur l'invraisemblance cachée de cette intrigue ?

Illustration du Scarabée d'or par Herpin.

Personne ne me donne la réplique, je vais donc donner mon interprétation, nouveau Lacan au petit pied !

le scarabée d'or

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le long mode d’emploi de la cuisinière !

Certains font des reproches au scarabée d’or, disant qu’il comporte une trop longue résolution de l’énigme.

Il faut d’abord admettre que le récit nous mène de surprise en surprise : l’ami du narrateur vit dans un décor digne de Robinson Crusoé, avec un Vendredi pittoresque, et il découvre un scarabée d’or, dont on se demande s’il est vraiment en or par sa matière d’origine, ou par anticipation sur son rôle dans l’histoire !

On est en pleine aventure, avec des conduites incompréhensibles, assimilables à de la folie selon le narrateur en qui nous avons confiance, des scènes nocturnes avec lanternes, un chien qu’on suppose sensible à du « supranaturel », et une équipée qui se traduit par du solide !

« Le fou » avait du flair, comme son chien !

Ensuite viennent les explications.

Après nous avoir fait avaler le plat, la cuisinière nous donne la recette !

le « mode d’emploi » retracé pas à pas, ferait de nous des experts en décryptage de messages codés, et en enquêteurs sur le terrain. Gageons que nous mettrions plus de temps que le maître de Vendredi, à supposer que nous trouvions le trésor !

On reconnaît dans cette histoire le goût pour les histoires de pirates et de trésors, les cartes cryptées, qui font encore rêver les lecteurs de polars et de prétendus récits historiques (les templiers, les tableaux mystérieux, et j‘en passe !).

le scarabée d'or

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La cuisinière est hilare !

J’aime bien ce duel entre le découvreur et l’ami du narrateur : métaphore de la compétition entre le lecteur de polar et l’auteur de romans policiers !

Ici le récit prétend à la déduction exacte, minutieuse, mais le découvreur avoue s’être livré à une « mystification ». La cuisinière est hilare ! les épisodes où intervient « le nègre » relèvent de la comédie, et de manière plus subtile, le narrateur est aussi roulé dans la farine !

On joue donc sur plusieurs tableaux : le vrai découvert par la logique, l’heureux hasard de circonstances et de coïncidences (le découvreur est « inspiré », sorte de medium) le récit enjolivé comme un vrai canular où l’ami découvre qu’on s’est payé sa tête !

le scarabée d'or, j'ai commencé ce conte, vraiment singuliere, la recherche du trésor.

on te' lira avec interêt, Amadak.

Poe est le précurseur de ces histoires de tresor avec message crypté.

Le Scarabée d'or (The Gold Bug) est une nouvelle d'Edgar Allan Poe, parue en juin 1843 dans le journal de Philadelphie Dollar Newspaper.

L'Île au trésor (Treasure Island) est un roman d'aventures écrit par Robert Louis Stevenson qui parut d'abord dans le magazine Young Folks du 1er octobre 1881 au 28 janvier 1882 sous forme d'épisodes signés « Captain George North ». La parution en volume intervint en 1883,

lu hier et encore fascinée par ce conte. Le décryptage est un chef-d'oeuvre ; J'ai essayé de le suivre, impossible trop compliqué, mais génial. Et la cerise sur le gateau, un éloge à Baudelaire, qui a traduit toutes les histoires de Poe.

Je donnerai plus tard, mon point de vue, que j' annonce d'avance, très positif.

je suis en retard, pas disparue!! Je vais lire "la lettre volée" pour être plus en matière
En espagnol nous avons Poe traduit par Cortazar, une merveille aussi.

le scarabée d'or

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La réponse du lecteur au mystificateur.

Vengeons-nous sur ce passage :

« Ayant soigneusement noté mon arbre, sa forme et sa position .. A peine eus-je quitté la chaise du diable que le trou circulaire disparut, et , de quelque côté que je me tournasse, il me fut impossible de l’apercevoir[…] L’ouverture circulaire en question n’est visible que d’un seul point, et cet unique point de vue, c’est l’étroite corniche sur le flanc d’un rocher ».

Mais oui, nous lisons des histoires extraordinaires !

On acceptera donc toutes les coïncidences et hasards, plus sceptiques sur le fameux « trou circulaire » !

À croire que la végétation, au cours de tant d’années, n’a pas masqué « un trou circulaire » en plein feuillage…

le scarabée d'or ! je l'ai commencé.

intéressant ton commentaire rotko, ça m'a motivé, merci

Rotko, tu ne négiges aucun détail et pourtant à moi plusieurs m'ont échappé.
aujourd´hui je vais lire " la lettre volée" pour voir aussi ce qui est caché. Je t'envoie deux mots sur mp.

Le scarabee d'or et l'oeuvre de Poe en general faisait partie des "excitations innocentes" dans ma jeunesse.

Rotko a tant dit sur Le scarabee que je ne saurait quoi ajouter...ce recit de Poe et beaucoup d'autres, me rappelle des coans Zen d'horreur ou sous les apprences desinteressees, on arrive a des evenements dont l'experience est bouleversante. Poe nous offre les instruments de voir au-dela de la realite a laquelle on s'attend, on l'obtient en mettant en question le commun, le comprehensible.

Une question a propos du Scarabee...si j'ose me permettre...Poe n'est-il pas un peu raciste?

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Je vais continuer au fur et a mesure a parler sur le reste de son oeuvre que j'ai relu, mais sans trop me hater, desolee, la chaleur est extenuante et je ne me sens bien que le matin.

Poe raciste ?

je me suis posé la question, vu les caractères qu'il attribuait au "nègre". En fait j'ai vu dans ce personnage un caractère de comédie, un peu ridicule, mais pas plus, à bien y réfléchir, que l'ami du découvreur, abusé par la mystification.

Dans la plupart de ses oeuvres, Poe amène toujours son lecteur à observer de près le déroulement de l'action. Le narrateur est un personnage neutre on ne connait pas trop de choses sur lui, il est toujours designé par "je", on ne connait même pas son nom, et ses réactions sont toujours celles d'un homme trés ordinaire qui pose des questions qu'on aurait tous demandées à son place. Cela rend l'oeuvre un peu vivante en la lisant.

Toujours la solution réside dans les objets qui sont trés simples , voire sales. C'est le parchemin sale qui a conduit Legrand à trouver la solution. Il est la solution principale du mystère et pas le scarabée d'or qui n'est qu'une partie de la solution (une pensée à la lettre volée). Je trouve que la citation suivante illustre la pensee de Poe en ce qui concerne cette idee:

"Les mystères les plus profonds résident dans les objets naturels les plus simples."

La scène où il découvre le dessin sur le parchemin à travers la chaleur du feu m'a rappelé la scène du seigneur des anneaux quand il a voulu être sûr que c'est la bague reelle, il l'a jetée dans le feu afin d'apparaitre sur lui des marques qui supposent être ecrites en noir parler (la langue de mordor) mais dans le scarabée d'or ce n'est pas quelque chose de fantastique, tous les mystères qui se trouvent dans l'oeuvre ont des explications.

L'auteur commence à expliquer donc comment il a résolu le mystère et il commence à expliquer comment il a dechiffré la cryptographie du capitaine Kidd. L'auteur nous laisse toujours decouvrir l'histoire d'abord, et à la fin il commence à reveler la solution, il respecte l'intelligence du lecteur.

Le mystère du Scarabée d'or n'a pas fonctionné sur moi. J'avais deviné les aspects "crédibles" avant que Poe les explicite (l'encre sympathique, le code du message) et le reste me semble empli d'invraisemblances. Peu séduite donc, si ce n'est par le style agréable.

Je n'ai pas relevé de teneur raciste. Je trouve plutôt que Legrand et Jupiter sont sur un bon pied d'égalité pour l'époque (n'oublions pas que nous sommes en 18.. dans le sud des États-Unis).

@ Luca - presque pas credible, oui, c'est Poe, son romantisme fantastique de 18...J'accepte bien sa suggestion de se poser des question sur les choses les plus evidentes, sur cela on peut fantasmer.

En ce qui est pour le brin de racisme que j'ai mentionne, j'ai voulu que cela passe plutot en clin d'oeil de ma part ! Le personnage de Jupiter m'a plutot amusee ce que l'auteur a cherche, je crois.

La cryptographie etait un phenomène de mode comme il peut l'être dans certains milieux (adolescents, système PGP chez les geeks) et il y est fait brievement allusion dans la lettre volée.

Les explications trop détaillées pour le décryptage avaient sans doute un aspect neuf.

Jupiter relève plutôt du mythe paternaliste de l'oncle Tom (début de publication en 1852) : un nom ronflant comique pour un subalterne qui voudrait se croire indispensable, aime sincérement son bon maître, naïf et crédule, comme il sied à un serviteur (il est fait pour servir au même titre que la "femme complémentaire" de l'homme dont on entend parler actuellement), maladroit, ignorant mais de bonne volonté, amical comme un chien fidèle : l'avenir suit avec y a bon banania, et de nos jours avec uncle Bens !

rotko a écrit:

Jupiter relève plutôt du mythe paternaliste de l'oncle Tom (début de publication en 1852) : un nom ronflant comique pour un subalterne qui voudrait se croire indispensable, aime sincérement son bon maître, naïf et crédule, comme il sied à un serviteur (il est fait pour servir au même titre que la "femme complémentaire" de l'homme dont on entend parler actuellement), maladroit, ignorant mais de bonne volonté, amical comme un chien fidèle : l'avenir suit avec y a bon banania, et de nos jours avec uncle Bens !

Marrant, je ne l'ai pas tout à fait vu comme cela. Je trouve même qu'il a parfois plus d'ascendant sur Legrand que l'inverse, et en tout cas souvent plus de cervelle. Une sorte de père de substitution, Poe y fait d'ailleurs allusion au début en suggérant que la famille avait œuvré pour que Jupiter reste auprès de leur grand enfant pour veiller sur lui.

Quant à la superstition, à l'époque elle n'était pas l'apanage des simples d'esprit (l'est-elle d'ailleurs aujourd'hui ?).

Citation :

Poe y fait d'ailleurs allusion au début en suggérant que la famille avait œuvré pour que Jupiter reste auprès de leur grand enfant pour veiller sur lui.

tu as raison de bien le resituer dans le contexte

pour Luca: rien ne t'échappe à toi non plus, tu devines avant la lettre ce que Poe va mettre dans son récit. Du racisme ,j'en ai pas vu dans l'histoire, je dirais même que le nègre et son maître sont en bon rapport.

Un des astuces de Poe serait d'avoir recours à un narrateur peu fiable. Enclins que nous sommes à croire qui parle, on se trouve pris en défaut d'excès de confiance en autrui.

Ici le narrateur s'ingénie à déconsidérer son ami, il le taxe d'extravagance, sinon de folie, et le comportement mystérieux de ce dernier renforce cette impression. Finalement Legrand nous joue un bon tour, et Poe aussi, par la même occasion.

je suis très attiré par "le narrateur paradoxal", celui auquel il serait insensé de faire confiance.

On devrait adopter plus souvent, dans la vie, si possible, le point de vue du psy qui fait mine d'écouter son patient, dans le seul but de faire un diagnostic.

Par ailleurs servir à un psy ce qu'il attend puis lui rire au nez, ne serait-ce pas un grand plaisir ?

Luca a écrit:

Je trouve même qu'il a parfois plus d'ascendant sur Legrand que l'inverse, et en tout cas souvent plus de cervelle. Une sorte de père de substitution, Poe y fait d'ailleurs allusion au début en suggérant que la famille avait œuvré pour que Jupiter reste auprès de leur grand enfant pour veiller sur lui.

Jupiter : étymologiquement "Zeus-père" (car il gouverne la terre et le ciel, ainsi que tous les êtres vivants s'y trouvant et il est aussi le père des dieux). Tite-Live parle de son "aide tutélaire".

rotko a écrit:

On devrait adopter plus souvent, dans la vie, si possible, le point de vue du psy qui fait mine d'écouter son patient, dans le seul but de faire un diagnostic.

De nombreux psy (psy quoi, d'ailleurs ?) écoutent réellement leurs patients, d'autant que la plupart du temps, leur job n'est pas d'établir un diagnostic mais de soigner (pour le diagnostic, ils font plutôt appel à des questionnaires, échelles et autres tests).

rotko a écrit:

Par ailleurs servir à un psy ce qu'il attend puis lui rire au nez, ne serait-ce pas un grand plaisir ?

Un plaisir pour quelqu'un qui va bien, probablement. Mais quel intérêt d'aller voir un psy(?) quand on va bien ? En revanche, lorsqu'on va voir un psy(?) parce qu'on est en souffrance, on pense à toute autre chose qu'à lui faire des blagues.

Tu as raison de me remettre sur les rails (au lieu de camper sur mes railleries).

Une petite visite sur les lieux du "crime" ? C'est ici !