Récit évolutif n° 2 - Le Récit

queenieinlove est une femme assez jolie. Jacques ne pouvait s'empêcher de la regarder. Le cahier de Rotko était efficace. Jacques regarde Queenie. Il soupesait le cahier, vraiment, il en recevait beaucoup à son boulot, à la police fédérale, mais il soutenait dans ses pensées que le combat de Rotko était défendable.

En effet, Colbrune fut saisie de la réaction véhémente de Coline suite à l'aparté que rotko avait eu avec elle. Mais la mission dont elle était maintenant chargée par les quelques mots glissés à son oreille, réquiérait qu'elle ne s'attardât pas aux états d'âme de Coline dans l'immédiat, d'ailleurs rotko s'en chargerait lui-même.

Queenie était-elle à la solde de Google bouc comme le prétendait rotko ? A table elle n'avait pas pu cacher son trouble, mais elle semblait plutôt perdue que mal intentionnée. La suivre dans les toilettes était très simple, mais après ... comment l'aborder ?

En attendant que Queenie quitte sa cellule, Colbrune resta campée un long moment devant les lavabos tout en mimant un raccord de rouge à lèvres. Elle n'eut aucun mal à lancer la conversation sur un sujet anodin lorsqu'enfin la "traîtresse" apparut.
"Cela manque cruellement de lumière naturelle dans cet endroit. On se croirait dans un film de Kubrick. Pas une seule ouverture sur le dehors ... des néons partout ... L'atmosphère est opprimante, tu ne trouves pas ?"

Des atmosphères opprimantes ça me connait. Il suffit d'une réunion à mon boulot. Jacques aimait à regarder Coline, Queen. Marie. Le combat de Rotko lui semblait toujours défendable. Jacques travaille pour la sécurité. Pourquoi après cet accueil ne défendrait t-il pas la motion de GDS? Rotko garde un air sérieux. Ca n'échappe pas à Jacques

Bien des années plus tard, tout en rajoutant des touches carmin à son tableau, Utopie se rappelait l’atmosphère de cette réunion : les hésitations, l’indécision ambiante. C’était toujours la même difficulté à franchir le pas .

Pourtant à l’idée que dans les écoles auraient circulé des traductions automatiques de textes étrangers, que pour aller plus vite dans la lecture - rendement oblige ! on eût recours à des résumés d’œuvres littéraires, voire à des « adaptations » écrites en Français fondamental ou en Anglais light, elle ne regrettait pas d’avoir participé à l’entreprise.

Elle se rappelait les récits enthousiastes de Coline qui avait rencontré ses amis écrivains, et les aventures où queenieinlove avait montré autant d’ingéniosité que de cran.

- Tu dors Marie? demanda Jacques
- Non je lis le cahier de Rotko et je ne comprends rien!
je suis crevée je crois que je vais aller moi aussi me délasser aux toilettes , ne serait-ce que pour voir où en est Colbrune, et cette petite Queenie est avec elle. Donc je pense que plus on est de fous plus on rit!

Rotko, qui avait entendu la dernière phrase frappa du poing sur la table ! Mais si on t'ennuie Marie, tu peux aller sur le forum de Bertrand ou de Nicolas? ils parlent rencontres, cuisine, tricot ça te plaira peut-être mieux! mais au moins laisse - nous organiser notre riposte en paix.

Marie devint toute pâle et dignement ramassa son stylo, prit sa veste et en se retournant regarda la salle, les autres et leur dit d'une voix basse:
Vous ne vous en sortirez pas comme ça , vous êtes trop amibitieux. moi je vais aller parler au PDG de Google bouc , et on en reparlera plus tard.

Queenie s'était réfugiée dans l'espace le plus exigu et le plus inconfortable possible. Et encore, heureusement, une forte odeur de citronelle masquait les éventuelles effluves intra-corporelles.
Les tremblements s'étaient calmés dans le silence et la solitude des toilettes. Une goutte de sueur terminait sa course jusqu'aux creux des reins quand un frisson énergique remit quelque peu en place les idées de Queenie.
sa respiration reprenait un rythme normal, elle retrouvait son calme. Elle feuilleta le carnet. Rotko lui établissait un plan d'action en souterrain, lui demandant de faire jouer ses relations, afin d'entrer au coeur du céphalopode Google et d'y puiser l'encre de la révolte.
Pour celà, elle allait devoir mentir, feindre... trahir... Rotko ne semblait pas avoir d'états d'âmes par rapport à ce qu'il lui demandait ni s'inquièter de lui révéler à elle les intentions qu'il avait... Ou alors il connaissait les pensées les plus sombres de Queenie, qui n'attendait peut-être que celà comme prétexte pour faire souffrir ses proches.

La porte des toilettes s'ouvrit alors. Quelqu'un entra. Un bruit de sac qu'on ouvre, dans lequel on cherche, on farfouille, on gromèle. Un petit instant plus tard, une petit son humide, des lèvres humectées ? Une femme se remaquillait. Peut-être attendait-elle que Queenie libère les toilettes... Celle-ci n'avait pas particulièrement envie de sortir, elle voulait terminer sa
lecture en paix, comprendre tous les tenants et les aboutissants, se préparait mentalement à rejoindre les autres.

Elle sortit.

Colbrune la regarda par miroir interposé.
"Cela manque cruellement de lumière naturelle dans cet endroit. On se croirait dans un film de Kubrick. Pas une seule ouverture sur le dehors ... des néons partout ... L'atmosphère est opprimante, tu ne trouves pas ?"

"Oui... enfin non... heu.. ça dépend..." Queenie était un peu destabilisée. Colbrune était calme, elle semblait juste faire la conversation par politesse, et en même temps elle faisait allusion à l'étouffement, à l'oppression, à Kubrick... elle avait du deviner le trouble de Queenie et par sympathie, empathie ou parce qu'elle ressentait un peu la même chose elle l'avait suivi jusqu'aux toilettes.
Queenie avait moins peur en sa présence. Elle sentait un peu de méfiance évidemment, mais Colbrune ne semblait pas avoir plus d'a priori qu'en face de n'importe quelle étrangère. Elle voulait discuter, comprendre.

Queenie décida alors de se confier un peu plus :

"En fait, j'étais terriblement mal à l'aise là-bas, l'impression d'avoir été prise au piège. On n'avait aucune alternative si ce n'est celle de lire ce cahier devant tout le monde, et ensuite de s'engager ou non dans un projet gigantesque. J'ai besoin de plus de mesure, de calme... Je suis... stressée... oui stressée... de nature.
Et puis je n'ai pas l'habitude d'être confrontée à autant de monde en même temps. Je n'aime pas trop la foule.
Et en plus Rotko demande vraiment quelque chose de très... complexe et personnel. Et ce Jacques, j'ai l'impression qu'il a des yeux et des oreilles partout !! On dirait qu'il sonde notre esprit à chaque regard.
J'avais besoin d'un peu d'air... si on peut dire ça de toilettes..."

Les tremblements de Queenie semblaient vouloir revenir rien qu'à l'évocation de tous ces gens qui attendaient de l'autre côté. Elle se passa de l'eau sur le visage, une fois, deux fois, trois fois. Le plus discrètement possible, elle avala encore un cachet. Colbrune s'était mise à se laver les mains dans le lavabo d'à côté. Attendant que Queenie reprenne un peu ses esprits sans doute. Pour ne pas la brusquer peut-être... pour éviter de montrer qu'elle la surveillait du coin de l'oeil sûrement.

Voyant que Queenie et Colbrune avaient quitté la table, que coline et Marie réagissaient de façon virulente (Ces quatre-là, il pensait tout de même les avoir de son côté!...Eh bien non, elles manifestaient leur réticence, chacune à sa manière.), que les autres ne se montraient guère motivés et bavards, Rotko semblait avoir perdu de son assurance. Voyant son désarroi, et parce qu'elle n'avait pas l'intention de le mettre en difficulté, coline reprit la parole, avec plus de modération, plus de douceur cette fois-ci:
-Excuse mon emportement, Rotko...Excusez-moi tous...Je me sens nerveuse...C'est comme ça chaque fois que je dois aborder une situation nouvelle...Je suis une angoissée, quoi!...Mais maintenant que c'est dit, sachez que, si vous trouvez le moyen de me rassurer et de me dire exactement ce que je dois faire, je vous suivrai certainement dans cette entreprise...Ne pourrait-on pas faire maintenant un tour de table afin que chacun s'exprime?

en effet, ne serait-ce que pour l'on sache qui veut faire quoi et comment. Marie proposa à Rotko d'éclaircir le sujet d'une façon succinte et matérielle. Elle ajouta en avoir assez de tourner autour du pot, car ça faisait maintenant quelques heures que l'on était là autour de cette table sans avancer.
Les autres approuvèrent mais Rotko restait silencieux ne levant même pas le yeux vers les autres.
Il faut dire qu'il avait été ému de l'intervention de Coline, il devait bien l'admettre: cette femme méritait vraiment le respect.

Marie qui n'aimait pas perdre son temps proposa aux autres de voter : étaient-ils d'accord pour la laisser manoeuvrer en faveur de GDS auprès du directeur de Google bouc?

elle savait qu'elle arriverait à convaincre ce grand des grands de laisser GDS en paix . elle ne dévoilerait pas son secret mais elle leur assurait qu'elle reviendrait leur faire son compte- rendu très prochainement.

elle s'agaçait de les voir se pencher sur le cahier de Rotko sans comprendre.
c'était pourtant simple: il fallait baillonner Google bouc !
elle se leva, prévint qu'elle allait boire un verre au bar et qu'elle attendait leur feu vert.

ils étaient sceptiques... pffffffffffff Elle se prenait pour qui la Marie? carrément soudoyer le président de Google bouc et puis quoi encore ricanaient les hommes entre eux...

- Sincèrement, dit coline, pensez-vous que Marie puisse avoir une solution ? Elle se fout de nous ou quoi ? Son intervention, c’est une plaisanterie ou c’est du sérieux ? Elle ne va tout de même pas nous faire croire que c’est d’un jeu d’enfant dont il s’agit ?...
Mais…maintenant…si elle se propose pour réellement prendre les choses en mains, moi ça m’arrange… étant donné que je n’ai toujours aucune idée de ce que je pourrais bien faire…Alors, s’il faut voter, je vote…je vote pour lui donner carte blanche!

Mais lorsqu'elle regarda Rotko, il était pris d'un fou-rire inextinguible...Ses épaules en étaient secouées, ses yeux en pleuraient, il toussait, il était rouge...Tout le monde le regardait maintenant, et il s'étranglait à vouloir parler...
En vérité, tous avaient envie de céder comme lui à la bonne humeur mais ils ne savaient pas encore ce qui avait déclencher ce rire. Mieux valait être prudent...peut-être étaient-ce juste ses nerfs qui le lâchaient...
Il parvint finalement à articuler:
-Mais ce n'est pas possible que vous ayiez pris ça au sérieux!...Je croyais vous avoir fait une blague minable et vous avez marché au-delà de tout ce que je pouvais imaginer!

Marie qui revenait du bar, quand même intéressée par ce qui se passait autour de cette table, entendit Coline et se dit:

- si vraiment Rotko nous a fait cela je l'étrangle!

L'agitation régnait et chacun, voulait prendre la parole:
- Tu me rassures Rotko, dit coline avec un large sourire...Je croyais que tu avais complètement perdu la tête!...En tout cas tu nous as bien eus avec ta solennité, tes carnets de travail...

Jacques sortit de sa torpeur, il avait parcouru le cahier de Rotko. Ses yeux tombèrent sur le pendentif de Colbrune. Il fut quelque peu déstabilsé. Colbrune remarqua son regard et porta les doigts à son pendentif.
C'est alors que Jacques put remarquer des doigts féminins et nerveux. Colbrune voulut cacher sa gêne, mais elle n'en parût que plus embarrassée; et dégagea un charme fou et violent; alors une réminiscence envahit Jacques. Il voulut chasser cette sensation. Ecouter rire Marie était une chose, le sérieux de Rotko en était une autre. Mais il y a longtemps qu'il n'avait plus été fasciné par autant de féminité timide.
Ne voulant pas gêner Colbrune plus longtemps, son regard se tourna vers le bar encore une fois. Il n'avait, comme sa nature le commandait toujours, pas envie de parler beaucoup. Son regard suffit bien à exprimer un certain désarroi.
Colbrune invita discrètement Nam à sortir prendre un peu d'air, ce qu'elle acceta volontiers.
"Que se passe-t-il ici?" pensa Jacques. Et la littérature dans tout cela?

Jacque s'en revint à Rotko.
-Sois plus efficace. Tu dis rien là. Je suis pas venu pour de la figuration.
Rotko se saisit de son cahier... " Tu veux quoi? des propos privés?"

- Non je veux savoir exactement pourquoi tu me fais venir de Bruxelles, tu attaques Google, ok. Moi je servirai GDS, j'y tiens, à Gds. Tu vois je ne suis pas rancunier. A propos, tes mesages privés.. Merci du travail. Tu poses des questions bizarres, franchement, tu me déranges quelquefois avec ton côté mystérieux. Moi je sais être mystérieux tout en étant réel. T'es marié? T'as une copine?

Rotko se renfrogna.

-Toc toc
Aucune réponse.
Bertrand môgendre d’un poing ferme et convaincu, cogna contre la porte entrouverte en insistant lourdement.
Aucune réponse. Prudent il s’avança en direction de la table basse autour de laquelle un groupe de personnes discutait, ou lisait.
-Bonjour ! lança t’il à l’assemblée studieuse.
Une seule tête se retourna et après l’avoir détaillé des pieds à la tête, lui renvoya une formule de politesse dans un souffle inaudible. Bertrand s’empara aussitôt de ce regard pour s’avancer en silence. Il chuchota :
-je cherche le responsable des grandes salines du Midi ? Est il ici ?
La souffloteuse murmura :
-c’est pour quoi ?
-je dois lui livrer ce pli en main propre.
-rotko, t’as une livraison.
Toutes les têtes se tournèrent vers le Bertrand qui tendait à bout de bras une enveloppe au dit Rotko.
-vous êtes le responsable des salières ?
-responsable est un bien grand mot, quant aux salières…il ne s’agit que des grains de sel.
-oui Grains de Sel, dit Bertrand enthousiaste. C’est donc bien à vous que je dois remettre cette enveloppe.
-mais qui vous envoie ? interrogea un homme accoudé au bar appartenant visiblement au groupe.
-tout est dans l’enveloppe, répondit Bertrand
-c’est tout ? interrogea rotko
-non je dois attendre votre réponse écrite. Je vais rester dans la pièce à côté pour vous donner le temps de lire ce manuscrit.

A peine le télégraphiste fut-il parti que ce fut un déchainement de commentaires confus :

- Encore des mystères, décidément c'est trop...
-... le roi de l'intrigue ... ouais, un pauvre mégalo... mieux à la clinique...
- ... je ne ris plus du tout.
- .. vacances fichues... j'avais un voisin si gentil, beau gosse en plus...

-" Continuez sans moi, je reviens tout à l'heure. Coline me remplace"

- "C'est pas trop tôt !" chuchota une voix non identifiée.

Bertrand s’accouda au bar.
-un café léger s’il vous plait, sans sucre
Sa voisine genre camériste sophrologue déjantée, lui avait demandé de venir dans cet hôtel, en utilisant un prétexte quelconque, pour s’introduire dans la place et la mettre au courant des derniers événements. Rendre service d’accord, mais à quel prix. Tout abandonner sur le champ, brebis juments et autres volatiles caquetant, pour satisfaire la curiosité d’une ectoplasmique ézéchiéleuse de première, il y a des limites à ne pas dépasser. Surtout que de garer un tracteur dans un parking souterrain, ne fut pas un jeu d’enfant. Mais bon, c’est sûrement du au profond de ses yeux clairs. Le Bertrand ne peut pas résister aux regards transparents. Remarque, ici, dans ce lieu étouffant, les individus ont l’air triste, sauf peut être la petite enjouée qui rigole tout le temps. Comme dit son voisin Bruno, « ne te fie pas aux apparences ». C’est un philosophe, ce vieux bougon.
Bertrand s’installa confortablement sur une fesse, le pied droit calé sur un montant du haut tabouret, ouvrit son petit livre de poche bien décidé à attendre la réponse, sans entendre ce qui pouvait se dire, ou du moins, se serait d’une oreille distraite et nonchalante.
Tout à coup, attiré par le grincement d’une porte, il fut surpris de voir apparaître, au sortir des toilettes dames…

Queenie s'échappa des toilettes. Là aussi elle commençait sérieusement à se sentir à l'étroit. Dans le hall personne ne semblait avoir bougé, pourtant l'atmosphère était manifestement plus légère, avec une pointe de méfiance dans le regard de chacun. Ils s'observaient, attendaient. Regardaient une enveloppe que tenait Rotko dans les mains, manifestement surpris lui-même par la situation.

Queenie était bien décidée à essayer d'affronter ses démons, Colbrune l'avait laissé parlé puis était partie rejoindre le groupe presque sans qu'elle s'en aperçoive, après un long regard tendre. Queenie s'était sentie rassurée, même si elle aurait préféré entendre Colbrune dire ce qu'elle ressentait par rapport à la situation.

Mais alors qu'elle avait l'intention de retourner à sa place, elle vit Bertrand accoudé au bar. Un flot intense de souvenirs l'assaillit. La campagne, les hennissements, les couchers de soleil au delà des mondes... Queenie était partie quelques temps se réfugier loin de la civilisation. C'était une période très compliquée et elle avait eu un besoin vital de s'éloigner de tout et de tous. Elle avait alors trouvé une maison d'hôte pratiquement unique en son genre : une seule chambre pour un seul client (voir deux si c'est un couple); immersion totale dans la vie de ferme, sans obligation de durée de temps, et avec la possibilité d'avoir gîte et couvert gratuit si l'on participe à la vie de ferme.
Queenie, voulant couper les ponts avec toute sa famille, avait trouvé cette proposition idéale pour sa situation économique et sociale instable.
Bertrand l'avait accueillit. Entre eux, silences et respect rythmés les journées. Petit à petit Queenie s'était sentie en confiance, et quelques mois plus tard, elle finit in love... Leur histoire avait été belle, douce, tendre, et pourtant... un matin elle était partie sans aucune explication. Jamais elle ne l'avait revu ni cherchait à lui expliquer. Et il était là. Alors qu'elle ressentait de nouveau le désir de s'isoler, d'échapper au monde, il était là. Simplement. Et il la regardait.

Elle alla s'asseoir près de lui. Elle commanda une tequila noire. Elle but. Dénoua sa gorge tant bien que mal.
"Bonjour Bertrand."

coline qui lorgnait du côté du bar, sans comprendre vraiment ce qui s'y passait, éleva le ton une fois de plus:
-Non! Rotko...Attends...Tu ne peux pas t'en tirer comme ça...C'est trop facile... je ne parlerai pas à ta place...Ce n'est pas moi qui ai fait venir tout le monde ici...Quant à toi, Jacques, tu mélanges tout, ce n'est pas le moment d'attaquer Rotko sur des questions privées...Nam et Colbrune, par pitié, restez avec nous!...Depuis que nous sommes réunis ici, il me semble que j'ai le rôle de celle qui gueule sans arrêt!

- Dis moi Coline tu me paraîs bien nerveuse, intervint ironiquement Marie, qui depuis qu’elle était revenue du bar se taisait et faisant semblant de s’intéresser au cahier insipide de Rotko
- Mais non pourquoi dis-tu cela Marie ?
- Parce que tu n’arrêtes pas de houspiller Rotko .. tu en es amoureuse ?
- Mais tu es folle !!!! Rotko est un frère pour moi ! rien de plus !
- Okay ! ne te fâche pas ! mais je croyais, il n’y a pas de mal tu sais, perso je m’en fiche, Rotko n’est pas mon genre d’homme, alors !
- Mais tu es vraiment obsédée pourquoi ne pas te demander si Jacques et moi….
- -ben justement je me le demandais, dit Marie en éclatant de rire et laissant Coline rouge de confusion et peut-être de gêne, car elle ne s’était jamais posé la question. Mais la promiscuité de cet hôtel, cette réunion en toute liberté l’avait troublée, elle devait l’admettre. Le regard de Jacques sur le collier de Colbrune l’avait perturbée… Elle se disait qu'elle avait tort de se faire des idées... mais qui sait?

- Marie, reprit coline...mon amoureux je l'ai laissé pour venir ici...Et c'est peut-être ce qui me rend nerveuse justement. Je voudrais avoir eu au moins une bonne raison de le faire...Il me manque et j'ai le sentiment de perdre mon temps ici...Des heures déjà que nous sommes arrivés...Des heures que nous ne savons pas pourquoi nous sommes là, des heures qu'il ne s'est rien passé...Mais pourquoi diable avons-nous dû tout abandonner pour nous réunir ici dans le secret et dans la hâte? L'attaque contre Google était une plaisanterie: ok, j'aime mieux ça...Mais maintenant qu'est-ce qu'on fait?

Elle s'approcha de la fenêtre, l'air mélancolique...
Elle regardait dehors lorsque soudain son visage s'éclaira:
-Non...Ce n'est pas vrai, s'écria-t-elle!...C'est comme dans un rêve!...Regardez qui arrive!..
Tous se précipitèrent derrière les carreaux...C'était à n'en pas croire ses yeux...Même dans leurs rêves les plus fous, les Grains n'auraient pu l'imaginer...
Sur le parking de l'hôtel, ils sortaient de plusieurs voitures: Jeanne Bénameur...François Cheng...Pascal Quignard...Jean Pierre Siméon...Paul Auster...Shan Sa...Haruki Murakami...Thomas Gundzig...Alessandro Barrico...et aussi Milan Kundera...Laurent Gaudé...Nancy Huston...quelques autresencore dont ils n'arrivaient pas à distinguer les visages.

-Rotko!...C'est toi qui les...? demanda coline le souffle coupé.
-Non, ce n'est pas moi qui les...j'ai juste su qu'ils...et j'ai réservé pour GDS toutes les chambres qui restaient disponibles dans cet hôtel...Vous comprenez pourquoi maintenant il fallait absolument que vous veniez?...L'intérêt que représente pour vous, je pense, leur présence ici! Ils se réunissent en colloque pour évoquer le cas Google justement...Vous comprenez aussi la nécessité pour moi de rentrer dans les fonds que j'avais avancé pour les réservations...Il fallait absolument que vous veniez...Mais je suis sûr que vous n'allez pas le regretter...Nos auteurs sont arrivés très en retard sur l'heure prévue et j'ai eu un peu de mal à vous faire patienter....je tenais, jusqu'au bout, à vous réserver la surprise...Mais j'ai bien cru que j'allais me faire lyncher...n'est-ce pas Marie? N'est-ce pas coline?...
Marie, avec sa bonne humeur habituelle lui lança en s'approchant de lui:
- Tu n'es pas mon genre, c'est vrai, mais je ne résiste pas à l'envie de t'embrasser.
Elle lui passa les bras autour du cou en lui dévorant les joues.

Des cris de joie se firent entendre partout dans le hall de l'hôtel. même les receptionnistes, barmans et femmes de ménages sortaient de leur torpeur pour regarder d'où venait une telle démonstration de bonheur.

Queenie se retourna. Elle vit Coline embrasser Rotko et Marie trépigner sur place. Ils regardaient tous vers l'extérieur. Et puis la porte de l'hôtel s'ouvrit.
Un groupe d'hommes et de femmes bavardants, téléphonants, rouspetants, rigolants, silencieux... entrèrent. Parmi eux Queenie ne reconnut quasiment personne. Vaguement des visages lui dirent quelque chose. Elle entendit Coline souffler à Nam "Kundera" et comprit qu'il devait s'agir d'une sorte de réunion d'écrivains. Et alors elle reconnut plus ou moins les traits de Chloé Delaume, Eric Emmanuel Schmitt ou Shan Sa...
Mon Dieu mais même si elle admirait tous ces gens que pourrait-elle leur dire, pour la plupart elle n'avait lu qu'un livre, remettant toujours à plus tard la découverte approfondie de leur art, préférant les nouveaux amours naissants ou anciens cultivés.

Queenie regarda Bertrand. Il la fixait depuis un petit moment apparemment, et un petit sourire flottait sur ses lèvres en la voyant si excitée devant les nouveaux arrivants. Une ado à un concert de Placebo voilà ce qu'il devait penser... et il n'avait qu'à moitié tort.
Lleurs regards se croisèrent.

Petit bonjour du bout des lèvres de Bertrand encore médusé par les frissons souvenirs diffusés au travers des yeux limpides de Queenieinlove. Tous les deux semblaient traverser la pièce à bord d’un autogyre planant au dessus de leur espace temps incompréhensiblement muet, noyé chacun dans les yeux l’un de l’autre, retrouvant avec aisance la survivance d’un bien-être partagé.
- Tu vas bien ? souffla Bertrand.
- Des jours oui, d’autres non. Dans l’ensemble je ne vis pas trop mal.
- Tu habites ici ?
- Non. Je suis revenue chez ma mère. Depuis ce matin, je suis dans cet hôtel pour une réunion importante.
- Tu… ?
- Et toi ? interrompit Queenieinlove.
- Je…
Soudain redescendu sur terre, leurs regards se tournèrent ensemble vers les personnes qui s’étaient précipitées en direction des portes fenêtres du salon.
- Que se passe t’il ? s’interrogea Queenieinlove, à nouveau plongée dans le contexte étrange de ce jour particulier.
- Je ne sais pas. Tu les connais ?
- Oui. Tu veux que je te présente ? demanda Queenieinlove joviale.
- Oh non ! Tu sais moi, la foule…Je passe juste livrer une enveloppe au responsable et j’attends la réponse.
- Toujours aussi ours Bertrand ! dit elle en rigolant. Ne bouge pas. Je vais les rejoindre pour connaître l’origine de ce remue ménage, et je te retrouve plus tard.
- Oui, j’attends, j’attends, j’ai tout mon temps.
Bertrand masqua la pétillance de son œil, vitalisé par l’espoir de la revoir encore. Aussitôt il transcrivit ses impressions dans son petit carnet aux pages cornées.

oups...