Pierre Mac Orlan

Né en 1882, mort en 1970.
Entre les deux, un certain nombre de points obscurs dans sa biographie (qui concernent notamment les années précédant la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il combattit, oui monsieur, mais sans grand enthousiasme.

On le méconnait aujourd'hui pricipalement grâce au film de Marcel Carné Le quai des brumes (qui modifie profondément la forme et le sens du roman dont il est issu, l'infléchissant - merci Prévert - vers le mièvre), ainsi que pour Les Clients du Bon chien Jaune, qu'on lisait enfant, sans savoir que ce roman pour la jeunesse ne prend tout son sens qu'associé à d'autres oeuvres du même auteur.

Depuis sa mort, Mac Orlan est tombé dans une sorte de purgatoire dont il me semble qu'il commence à sortir, enfin, depuis récemment.
C'est incontestablement un grand écrivain.

Je donne en lien un petit article de wikipedia consacré à l'un des "romans de pirates" de Mac Orlan : A bord de l'Etoile Matutine, ce que je me permets de faire parce que j'en suis le créateur et, jusqu'ici, le seul contributeur substantiel (mais si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à y apporter vos lumières) :

http://fr.wikipedia.org/wiki/A_Bord_de_l%27Etoile_Matutine

D'accord, un auteur qui parle de la mer et des marins figurera sur le plan de navigation.

en attendant, une petite chanson la fille de londres

Cliquer à droite pour l'entendre sur MP3.

S'il y en a que ça intéresse, j'ai rédigé une petite biographie de Mac Orlan :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Mac_Orlan

@ Rotko :

Tu t'intéresses à la littérature qui évoque les gens de mer ?

Connais-tu le roman de Kellermann, La Mer ? C'est un chef d'oeuvre un peu oublié (provisoirement, je pense) écrit dans les années vingt. Céline, parait-il, disait que c'était le meilleur bouquin écrit sur le sujet.

On en cause un peu ici :

http://jacbayle.club.fr/livres/Iroise/Kellerman.html

je note, je note ! beau travail sur wikipedia, ce qui laisse supposer que tiu connais parfaitement le sujet.
Pour mac orlan, quel roman conseillerais-tu ?

Merci pour le compliment.

En fait, j'ai découvert Mac Orlan il y a à peu près un an, par hasard, et j'ai été fortement impressionné par ce que j'ai lu, et encore plus désoeuvrer de me rendre compte que Mac Orlan était un grand écrivain, mais que peu de gens le savent, parce qu'ils ne prennent pas la peine de le lire, ce en quoi ils sont bien excusables, quand on voit qu'un Pierre Assouline, qui est supposé s'y connaitre un peu en littérature du XXème siècle, écrit dans sa biographie de Gaston Gallimard que Mac Orlan est un "romancier d'aventures non cérébral", ou encore que dans le nouveau manuel de littérature française publié au PUF en quatre volumes, tout ce qu'on trouve à dire sur lui, c'est qu'il était avant tout un journaliste qui a bâti une oeuvre sans s'en rendre compte.

J'ai un peu mieux compris aussi quand j'ai vu le film de Carné adapté du roman de Mac Orlan Quai des brumes, avec son sentimentalisme mièvre dans lequel je crois reconnaitre la patte de Prévert (bon, je sais, je suis injuste, là, avec le film comme avec le poète) et qui est à des milliards de kilomètre du livre, qui baigne dans une atmosphère qui tend vers l'expressionnisme.

Si j'avais un texte en particulier à conseiller, je serais un peu embarrassé. Disons que si l'on aime les histoires de pirates, A bord de l'Etoile Matutine peut être un bon choix, tout comme L'Ancre de Miséricorde.

Malice est une longue nouvelle fantastique vraiment étonnante, qui lorgne du côté d'Hoffman (et aussi, dit-on, vers Achim Von Arnim, mais je ne connais pas Von Arnim), où l'on voit, entre autre, un type vendre son âme au diable et n'en obtenir que le prix de la corde pour se pendre. Mais je ne suis pas sûr que le texte soit disponible à l'heure actuelle.

Le Bal du Pont du nord me semble pouvoir constituer une bonne introduction au "fantastique social", dont on trouve quelques éléments de définition dans la préface de Mac Orlan :

Citation :

Pour mon usage, le caractère efficace de ce romantisme contemporain se tient dans ce que la qualité psychologique de l'oeuvre se place uniquement dans le décor. L'homme nettement désemparé subit l'ordonnance désordonnée et catstrophique des choses. Lui, qui dans l'oeuvre romanesque des anciens conteurs, dominait le décor par toutes les ressources de son jugement et de son imagination bien contrôlée, se débat au centre d'un monde en destruction. Les éléments de ce monde parmi les plus essentiels sont ceux de la nature qui nous révèle sans se lasser des arrières-pensées plus qu'inquiétantes. C'est donc là, que j'ai tenté de réunir les images d'un romantisme adapté à mon inquiétude : Psychologie du décor qui domine la psychologie de l'homme.
[...]
Mais déjà le décor commence à s'effondrer sur nos têtes. il sait, sans doute, encore quoi dire. il faut se hâter de se débarrasser de tout cela dans des livres, romantiques, naturellement. Ces livres sont les abcès de fixation de la vie quotidienne qui nous apparait dans un décor de misère, très différent du décor de nos anciennes expériences sur ce sujet.

La trame est difficile à résumer : il s'agit d'un récit "piège", qui ne va pas où on l'attend et qui installe des attentes qu'il déçoit, parce qu'il ne répond pas aux question qu'il pose.

Le Bal du pont du nord existe en folio ou dans la collection "omnibus", qui regroupe les romans maritimes de Mac Orlan. Le choix des textes est assez judicieux, mais celui du titre est arbitraire : Le Bal du pont du nord n'est pas un roman maritime, non plus que le recueil de nouvelles Sous la lumière froide. Il faut dire que dans sa présentation, par ailleurs plutôt pas mal, Dominique Le Brun explique qu'un roman maritime "se caractérise par sa faculté à émouvoir un lecteur marin", ce qui est un peu court comme définition, je trouve.

Voila qui va élargir mes horizons.
J'aime bien ces découvertes qui transforment un lecteur en partisan d'un auteur. On voit là l'utilité des forums par rapport aux "papiers" de critiques, trop souvent sensibles au dernier livre édité.

A bord de L’Etoile-Matutine, Pierre mac Orlan, Cercle du bibliophile.

Peu de scènes se déroulent en mer, mais pour situer l’équipage, le récit s'encadre entre deux pendaisons, l’une au début et l'autre à la fin.

Normal, car les "gentilshommes de fortune", gens de sac et de corde, travaillent pour leur propre compte avec le drapeau noir, ou au service du roi de France si celui-ci recrute sans être trop regardant.

Le rhum coule à flots, liquide par excellence, et à terre les séjours chez d’anciens compagnons de rapine deviennent monnaie courante. L’idéal serait de s’établir comme aubergiste pour revoir de temps en temps les anciens compagnons.

Les prises sont de toutes sortes, mais pour éviter les querelles de partage, il vaut mieux parfois y renoncer : on jette donc à l’eau ou sur une île déserte tout ce qui pourrait fâcher.

N'attendez pas des bandits de haute mer qu’ils marchent droit : il faut échapper aux épidémies à terre et aux garde-côtes en mer. Rien ne se passe comme prévu, et l‘intrigue galante peut virer au drame sanglant. D‘un autre côté, la poursuite de pièces d‘or sonnantes et trébuchantes peut tourner en farce cocasse.

En toutes occasions, il s'agit de faire bonne figure , ce qui permet par exemple à nos « paisibles marins de commerce » d’avoir de bonnes relations et des échanges de bons procédés :

Citation :

Les autorités espagnoles ne paraissaient pas se soucier de nous. Bien au contraire, Thomas Skin, Pew et Eliott qui étaient restés à bord s’étaient liés d’amitié avec les douaniers du Vice-Royaume. Ils avaient bu ensemble et ces messieurs pour leur rendre la politesse les avaient conviés à aller voir brûler sur un bûcher de bois sec quelques hérétiques condamnés par la Sainte-Inquisition.

Parfois le fantastique intervient dans le récit : un cadavre décharné rame encore sur un kayak. Est-ce un mort ou un vivant ? Ou un échappé de bateaux fantômes ?

À peine remplumé par les bons soins de l’équipage, il repart errer sur les mers…on le retrouvera un jour ou l’autre, lui ou un de ses semblables.
Des âmes errantes parcourent donc les océans et font, dans les tempêtes, entendre leurs plaintes aux naufrageurs.