Mohammed Dib (II) Algérie.

J'ouvre ce deuxième fil pour ne pas interrompre Ginchyo dans sa lecture de la grande maison, que je suivrai aussi.

Sur ce fil, je tente une approche de La nuit sauvage, recueil de nouvelles paru chez Gallimard.

La nuit sauvage,

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Grand prix de la francophonie de l’Académie française, Mohammed Dib n’en est pas pour autant d’une lecture aisée. Voyez le début où la construction des phrases surprend :

« Ils sortirent, Beyhana sur les pas de Nedim.

Comme une lésion déchira la transparence du jour et le pressentiment d’un crépuscule insigne domina l’avenue.

Droites, lignes de fuite. Géométrie déserte : l’avenue ; ils continuaient d’aller. Rares, deux ou trois silhouettes se détachaient au loin, vives seulement à mimer leur désir de se rapprocher, ou de s’éloigner.
Elles gesticulaient et ni elles se rapprochaient, ni elles ne s’éloignaient. Elles se profilaient sur le fond de l’avenue. Elles gesticulaient sur ce qui n’était que feu blanc. Blanc. Un feu qui brilla follement à peine l’impression de crépuscule eut-elle saisi l’air. »

Ou bien dans ce passage :

Citation :

Arrête ! Qu’on puisse arriver jusqu’à toi ! Le cri dut faire pâlir la nuit, qu’il lui lança*. Mais rien : inchangée la nuit, inchangé le silence dont la ville se cuirassait, et dilapidé son cri, si tant est qu’il l’eut proféré.

* on attendrait le cri qu’il lui lança dut faire pâlir la nuit.

La nuit sauvage,

2/3

La nouvelle est parfaitement construite, comme un drame avec un épilogue.

On pourrait aussi parler d'une composition musicale.

J'en parle en termes généraux pour préserver la découverte.

1 le couple (frère et soeur) sur "le plancher dansant du bus" traverse la ville, pleine chaleur d'après-midi, attente et appréhension.

2 Action au centre ville : éclairs, détonations, rapidité.

3 La fuite du couple vers le port, la nuit est descendue.

4 épilogue.

Les précisions étonnantes du début

Citation :

Droites, lignes de fuite. Géométrie déserte

s'éclairent par la suite :

Citation :

"Si les rues, se disait Bahi, avaient appris l'intorsion, elle s'enrouleraient sur elles-mêmes, et rien leur serait plus facile que de nous cacher, les chiens pourraient toujours venir nous traquer ; mais droites, elles procèdent, et malheur à ceux qui y sont poursuivis."

La nuit sauvage

3/3

Les deux personnages forment un couple, dans la vie et dans l’action, ce qui est le noeud affectif de cette nouvelle, et de l’épilogue.

Citation :

Comment ne pas l'aimer ?

s'écrie, par deux fois et intérieurement, Nedim, pensant à Bahina.

Contrairement aux gens qu’ils rencontrent, passifs et résignés, ils optent pour l’action, persuadés qu’un nouveau départ est possible, voire la seule solution :

Citation :

Des gens liés par trop de suspicion, trop de haine et trop de cette façon d’ignorer à quel jeu ils jouaient. Mais ça n’avait que trop duré.

Maintenant rien ne saura éviter à une certaine histoire de retourner à son point de départ pour se réécrire autrement, et en lettres de sang.

Nous irons jusqu’au bout. Jusqu’au bout de nous-mêmes, de nos forces .