Martin Amis

J'ai terminé hier La maison des rencontres. C'était pour moi un premier contact avec cet auteur, et je dois dire que j'ai été impressionnée par la puissance de son écriture, même si comme rotko, j'ai perdu quelques fois le fil. Parfois cependant, j'ai trouvé les digressions très riches : le passage qui m'a le plus touchée est d'ailleurs une digression , c'est le chapitre intitulé "Statistiques, silence, nécessité", sur la situation russe. Je me suis demandée comment un Anglais pur jus pouvait délivrer de la Russie une image qui sente tant le vécu personnel. Concernant le ton, ce cynisme noir m'a séduite au début, mais agacée à la longue ; je l'ai même trouvé parfois déplacé.
Mais j'arrête avec les critiques, car j'ai trouvé ce livre intéressant, même dans les aspects qui m'ont déplus. Je crois que ce ton adopté par le narrateur sert aussi la question lancinante du roman, bien mise en évidence par la quatrième de couverture : comment rester humain après une expérience aussi destructrice ? Le narrateur et Lev y trouvent chacun une réponse différente : pour le premier, se protéger en rendant la monnaie de sa pièce, pour le second, protéger sa conscience derrière l'idéalisme pacifiste.
De plus, il ne s'agit pas que d'une histoire de la vie au goulag ; sinon ça n'aurait été que Soljenitsyne en moins bien. C'est surtout l'histoire d'une reconstruction impossible, de vies brisées par ces dix ans de captivité ; l'histoire aussi d'un triangle amoureux ou les deux hommes sont frères.

Bilan mitigé donc, mais plutôt positif ; ce n'était pas une lecture facile, on en sort avec quelques bleus, mais comme disait mon prof de littérature en khâgne, "plus j'ai de bleus de lecture et plus je suis heureux !"
Merci à Maya de l'avoir proposé en lecture commune ce mois-ci

C'est moi qui te remercie, Clertie, pour cet excellent commentaire.

Moi aussi je me suis pose ta question:

Citation :

Je me suis demandée comment un Anglais pur jus pouvait délivrer de la Russie une image qui sente tant le vécu personnel.

Rotko en parle plus haut, il indique la biographie a la fin du livre. Dans l'edition bulgare, il n'y en avait pas.

L'important, c'est le plaisir de la lecture, je crois que tu en as eprouve en lisant.

Oui, j'ai vu aussi cette bibliographie ; il s'agit en plus de livres récents, dit Martin Amis.
En fait je ne pensais pas que ça puisse suffire à donner cette impression de vécu, mais après tout, si l'auteur a une bonne plume...

Je serai quand même curieuse de savoir s'il a une proximité particulière avec la Russie (parents, amis...) je me pose souvent ce genre de question un peu inutile (l'important c'est le plaisir de la lecture comme dit Maya) quand un livre ou un film m'a intrigué par son originalité.

Clertie a écrit:

mais après tout, si l'auteur a une bonne plume...

Je ne devrais pas... mais...

Dans ce roman l’auteur faisant preuve d’un courage téméraire nous montre une Russie qui se faufile vers le néant que seulement l’art littéraire permet de comprendre le poids de la réalité. Ce récit est une prouesse notable, un roman Russe en miniature, comprimé dans toute son horreur qui donne le frisson. Je me demande quel autre auteur de cette génération aurait risqué à raconter et à juger ces atrocités.
Je fais mienne une citation de Clertie :

Citation :

« plus j’ai des bleus de lecture et plus je suis heureuse »

Cornichon a écrit:

Je ne devrais pas... mais...

Explique toi Cornichon, si tu trouves que l'auteur est mauvais, c'est intéressant d'avoir des points de vue contrastés (du moment que c'est un minimum argumenté)

Ou alors c'est moi qui n'ai rien compris à ton message, et tu voulais dire que ma phrase était ambiguë (c'est vrai, je m'en suis aperçue après, mais je trouve sincèrement qu'Amis a une bonne plume )

Soit dit en passant, j'aime beaucoup ton pseudo (pas facile à porter )

j'ai commencé la maison des rencontres et je suis tout à fait d'accord avec les critiques émises par Clertie. Je ne suis qu'au milieu du livre, mais le cynisme du narrateur me lasse un peu.
Il y a quelques années, j'avais lu l'archipel du goulag de Soljenitsin. J'ai littéralement été emportée par ces 2 tomes.
La maison des rencontres est plus récent.... je me pose des questions... sans parler de plagiat, bien sur !

Ne t'inquiète pas Clertie, Cornichon possède un humour parfois... curieux !!!

Je partage un peu le sentiment de clertie et d'Ysandre. J'ai lu La maison des rencontres jusqu'au bout mais sans grande conviction, je me suis lassée du style et j'étais tentée de lire en diagonale. Des passages pourtant sont très intéressants. Le style m'a peu à peu agacée. même s'il y a de belles envolées littéraires. Le restant oui c'est au final comment parvenir à vivre après tant d'horreurs et de persécutions.
Je ne pense pas tenter une autre lecture de cet auteur.
C'est un rendez-vous manqué pour moi.

D'autres gens

Là le propos est plus léger, mais la violence existe quand même.

J'ai curieusement mis du temps à décider si j'aimais ou non. En fait non, je ne sais toujours pas.

Un auteur étrange et une écriture singulière.

Après une centaine de pages, j'ai trouvé qu'il écrivait comme s'il décrivait un rêve, il y a du flou, les personnages sont tous particuliers, il y a des choses qui se passent mais que l'on ne comprend pas nécessairement, des zones d'ombre. Les gens sont guidés par un destin, il n'y a pas de libre arbitre, juste une nécessité d'agir (le scénario du rêve est déjà écrit).

Je suis perplexe.

Bonjour Tchipette: je ne connaissaispas qu'il avait écrit aussi ce titre, je pourrais obtenir de sa plume "lexpérience" un gros bouquin. Mais je me guide par ton point de vue, si l'auteur ne te dit rien, je suis alerte. Il y a tant de bons livres à lire, et c'est décévant de lire et de rester perplexe

non, décidément,la maison des rencontres ne m'as pas accroché du tout. Je ne l'ai même pas terminé, ce qui m'arrive rarement.

J'ai fini hier La Maison des rencontres. Je suis conquise. J'ai aussi trouvé qu'Amis s'éparpillait parfois, mais je reprenais le fil avec plaisir et ça correspondait finalement bien à l'état existentiel de son narrateur. J'ai été très impressionnée, à la fois par la culture d'Amis et son extraordinaire finesse psychologique. Et la lettre de Lev, oh la la !!! Je crois que j'ai dû garder la bouche bée tout du long (je ne pense pas avoir avalé de mouche). J'en dirai un peu plus un peu plus tard.

pour Luca: chère amie, sur "la maison des rencontres" lue en Espagnol,j'avais donné mon avis sur son fil, j'ai aimé l'histoire, j'ai ressenti l'épouvante du Goulag, mais j'avait dit aussi que c'etait loin des grands auteurs Russes, qu'il y manque le souffle du génie, Néanmoins je l'ai lu avec plaisir et chose curieuse Luca ,la lettre de Lev, qui a fait cet impact dans ton esprit, moi je ne m'en souviens pas et je n'ai pas envie de relire le livre, tandis que je relis souvent. Cela me dit quelque chose, pas d'intérêt? fatigue? les deux peut-être.

J'ai vu que le livre avait suscité des avis très hétérogènes. C'est la diversité des goûts littéraires et c'est très bien comme ça.

je viens de terminer la Maison des Rencontres et je dois dire que je reste partagé.

Sur le plan littéraire, c'est plutôt bien fait, avec une construction en flash backs de l'histoire d'un Russe qui a vécu la guerre, puis les camps de travail russes, puis qui a émigré en Amérique, le tout raconté à sa belle fille américaine.

Sur le fond, je suis plus sceptique quant à la capacité d'un anglais vivant bien au chaud dans son pays, à raconter le quotidien de ces camps à partir de documentaires. Ce qui me gêne, c'est le côté faussement reportage, alors qu'on est dans un roman, dans un vécu imaginé et non rapporté: on a donc un quotidien uniformément noir et tragique, alors que dans la pire des réalités, il y a des parties d'indicible et des parties parfois plus drôles, où l'espoir est là.

Bref, j'ai un peu eu l'impression d'un roman qui est plus la projection des angoisses de l'auteur, sur le thème des camps de travail russes et de l'amour impossible pour Zoya, plutôt que d'un roman qui m'a convaincu.
Maintenant, je vais aller lire vos avis...

Luca a écrit:

J'ai vu que le livre avait suscité des avis très hétérogènes. C'est la diversité des goûts littéraires et c'est très bien comme ça.

oui, Luca, je suis contente et je lis les avis avec interet.

@ Albert

Citation :

Sur le fond, je suis plus sceptique quant à la capacité d'un anglais vivant bien au chaud dans son pays, à raconter le quotidien de ces camps à partir de documentaires. Ce qui me gêne, c'est le côté faussement reportage, alors qu'on est dans un roman, dans un vécu imaginé et non rapporté: on a donc un quotidien uniformément noir et tragique, alors que dans la pire des réalités, il y a des parties d'indicible et des parties parfois plus drôles, où l'espoir est là.

Bref, j'ai un peu eu l'impression d'un roman qui est plus la projection des angoisses de l'auteur, sur le thème des camps de travail russes et de l'amour impossible pour Zoya, plutôt que d'un roman qui m'a convaincu.

"L'anglais vivant" est designe par New York Times comme "un des maîtres du "nouveau désagréable" ("new unpleasantness")" et c'est un roman dit "moderne", il est une sorte d'experience. Oui, le livre est le reflet des emotions de l'auteurs vis-a-vis des camps staliniens et je n'y voit pas de mal. Moi, ce cote reportage, je le voyais comme une originalite de l'ecriture, de la narration et ne m'a pas genee.

Citation :

alors que dans la pire des réalités, il y a des parties d'indicible et des parties parfois plus drôles, où l'espoir est là.

Il n'y a pas de l'inedit dans ce roman. Il n'y a pas d'espoir. C'etait ainsi dans ces endroits infernaux, on n'etait pas bien dans sa tete et je le comprends. Les survivants des Goulags ont ete marques a la vie. C'est un probleme interessant - apres le camp...

Je ne regrette pas de vous avoir propose de lire ce livre de Martin Amis, il y a tant de commentaires tres personnels. Je n'ai lu que deux livres d'Amis et je n'ai pas pu lire "Money, money" jusqu'au bout. Je n'y voit pas de mal.

Pour la prochaine lecture commune, qu'on cherche, si vous voulez, un livre moins sombre ?

Pour Maya:
chère amie pour moi c'est un bon livre,j'ai aimé l'histoire et la fin imprévue. Tu dis de chercher des livres moins sombres, nous en avons lus de pires, "Les disparus" de Mendelshon- "l'écriture ou la vie" de Jorge Semprun" "Les Bienveillantes" de Jonathan Littel, que je n'ai pas eu le courage de finir et bien d'autres. Différends sujets, mais tous avec le récit des catastrphes qui ont ensangloté le monde, Afrique, Moyen Orient, Les tours Jumelles ,etc...
De temps en temps, une belle histoired'amour, ou un roman psychologique, unpeu de tout et,chacun fait son expérience et donne son point de vue, qui peut être partagé ou pas.

Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre 384 p chez Gallimard

un portrait au vitriol de l’Angleterre d’aujourd’hui

Lionel Asbo vient d’une banlieue où les garçons prennent le chemin de la prison plus souvent que celui de l’école, et où le pitbull est le meilleur ami de l’homme.

il gagne un jour la modique somme de cent quarante millions de livres sterling à la loterie, ce qui lui permet de fréquenter enfin les héros de l’Angleterre contemporaine, les stars de la téléréalité comme celles du monde du football, et lui vaudra l’admiration éperdue de son neveu Desmond, jeune homme sentimental et brillant.

Si ce dernier réussit à s’extraire de son milieu, il ne perdra jamais de vue les frasques de son oncle, chroniquées par le menu dans les tabloïds anglais, tout en redoutant qu’il ne découvre la faute impardonnable qu’il a commise....

l'auteur explique le mauvais accueil de lionel Asbo par la presse britannique

Dans mon livre je vise les tabloïds. Mais quand vous vous en prenez à un titre, même de la pire espèce, c’est l’ensemble des journalistes qui se montre hostile. Lorsque j’ai commencé ma carrière, la presse ne s’intéressait pas aux écrivains. À la fin des années 1980 les journaux sont devenus très volumineux et des pages entières ont été dédiées aux joueurs de golf, aux coiffeurs ou à l’aristocratie. Puis est venue la mode des écrivains. Désormais, la presse britannique pense qu’elle nous a fait et que nous lui devons tout. La moindre critique à l’égard des médias venant de notre part suscite des crispations terribles chez les journalistes.

Lionel Asbo n’est pas révolté. Mais il ne faut pas oublier le personnage de Des, tout aussi important. Des a la capacité d’outrepasser ses frustrations de manière constructive. C’est probablement le plus beau personnage que je n’ai jamais crée. Lionel Asbo étant davantage un conte moderne qu’une satire sociale, mon petit héros accomplit de grandes choses à l’instar des personnages dickensiens

tout l'entretien