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 Bahiyyih Nakhjavani (Iran)

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besta
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Feral
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Feral


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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyVen 25 Nov 2011, 12:17

J'avais commencé à lire la sacoche (me suis arrêtée après le chef), j'ai particulièrement apprécié la toute première partie avec ce voleur solitaire illettré qui récupére cette fameuse sacoche qui paraît contenir quelque chose de précieux et se retrouve bien malgré lui avec un trésor sur papier qu'il ne peut pas déchiffrer et dont il ne peut rien en tirer. Une belle métaphore philosophique.

Très beau ce petit passage d'ailleurs qui clôt le premier chapitre :

« Tout en bas, le Bédouin gisait sur les rochers, brisé comme un roseau, en éclats, tels des mots sur un mince papier bleu.»


Faudra quand même que je le finisse un jour (cette manie de ne pas terminer les bouquins Rolling Eyes ) !
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Quetschup
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Quetschup


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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyMer 11 Jan 2012, 12:18

La femme qui lisait trop

Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 La_fem14

“Ce livre est dédié à la mémoire d’une femme qui vécut en Perse au XIXe siècle et qui, même si on l’a représentée sur une pierre tombale, n’eut jamais l’honneur d’une épitaphe. C’est un hommage à Tahirih Qurratu’l-Ayn, dont la vie, en avance sur son temps et les dernières années d’emprisonnement, de 1847 à 1852, ont inspiré cette histoire.” B.N.
Téhéran, deuxième moitié du XIXe siècle : la cour du shah fourmille d’intrigues de palais, de complots et autres tentatives d’assassinats plus ou moins abouties, sous l’ironique et cruel regard de la mère du souverain persan, qui en a vu bien d’autres dans sa déjà longue et très machiavélique existence et n’a nulle intention de se laisser déposséder de la moindre parcelle de son auguste pouvoir de tyrannique douairière…
Voici que cette fois, pourtant, ce très ancien royaume de Perse va se trouver ébranlé non tant par les menées factieuses des uns ou des autres (menées qu’observe, avec inquiétude, l’ambassadeur de Sa Royale Majesté la Reine d’Angleterre) mais par l’irruption, sur cette scène agitée, d’un protagoniste inattendu en la personne de Tahirih Qurratu’l-Ayn, poétesse fort lettrée dont, dans le royaume, les vers semblent agir sur quiconque en prend connaissance comme de puissants catalyseurs d’énergies subversives – or de l’adjectif “subversif” à celui d’“hérétique”, la distance se franchit aisément, à l’époque …
A travers la figure historique de la poétesse Tahiri à laquelle ses compatriotes et l’Histoire se montrèrent si peu soucieux de rendre justice, et qui osa, en femme libre et maîtresse du langage, affronter le clergé et les théologiens de son temps, Bahiyyih Nahkjavani met en scène les enjeux éternels et plus que jamais incandescents en nos temps contemporains, de la liberté d’expression dès lors qu’elle s’affronte aux interdits, religieux notamment.
En se dressant, avec bravoure, contre toute autorité et en questionnant, en érudite et en femme, les interprétations du monde qui lui étaient proposées, la poétesse de Qazvin éveilla en effet la même violence et les mêmes instincts fanatiques qui se peuvent observer aujourd’hui.


Il est difficile de parler de ce livre remarquable après ce résumé, d’autant qu’après les mots de Nakhjavani les miens ne feront que pâle figure. Je vais tenter de résumer au mieux.
Un hommage à la poétesse Tahirih Qurratu’l-Ayn, première femme féministe de l’histoire de Perse voulant généraliser entre autres, l’alphabétisation féminine à travers le portrait de 4 femmes :

-Le livre de la mère : Son Altesse royale Mahd-i-Oldya , mère du Shah Nasir-ed-Din tenant les rênes de l’empire de Perse. On y lit toutes les intrigues politiques liées à la cour, assassinat, la peur et la haine que suscite la poétesse qui s’expose aux yeux du monde sans voile ,en femme libre , mais qui a conquis par son esprit et son aura de grandes cités , comme Bagdad et les montagnes d’Irak . Une rhétoricienne de talent s’élève contre les dogmes religieux et le pouvoir du royaume.

Le livre de l’épouse : épouse du maire de Téhéran, Mahmud Khan-i-Kalantar, chef suprême de la police qui écroue la poétesse entre ses murs, sa demeure étant la prison dans laquelle les hurlements dus aux tortures ne sont pas légendes. La captive étant considérée comme un djinn par cette épouse ne laisse pas le harem insensible et démontre que toutes sont conscientes de leur vie dans laquelle elles jouent « le jeu »d’être une épouse assujettie. Pourtant il suffit de peu pour que ces femmes se rallient à la cause de «l’hérétique ».

Le livre de la sœur : sœur du shah et épouse du grand vizir Amir Kabir. Partisane de la poétesse. L’ordre chronologique des événements commence à voir le jour au travers de cette personnalité, en effet, Nakhjavani opte pour la narration déstructurée, ce qui nous sollicite à se centraliser afin de ne pas se perdre dans les sinuosités des lignes, chaque chapitre correspond à une pièce de puzzle à assembler au récit. (ce qui m’a valu quelques retours en arrière)

Le livre de la fille : une partie concernant la poètesse Tahirih Qurratu’l-Ayn et sa fille.

« Nous définissons aujourd’hui le voile comme un emblème d’identité culturelle, de foi religieuse. Elle n’y voyait que préjugés, littéralisme et uniformité. Nous en avons fait un symbole politique, un argument dans la négociation de la liberté d’expression, un symbole politique. Elle le rejetait précisément parce qu’il représentait l’oppression. Si l’Islam contemporain est déchiré par l’écart grandissant entre modérés et extrémistes, par le conflit entre chiites et sunnites, et si l’anarchie au Moyen Orient et la montée partout dans le monde du fondamentalisme et de la terreur qui en sont les conséquences ont commencé à menacer la texture même de nos démocraties, il peut être opportun pour le public occidental de redécouvrir l’histoire de cette Perse du XIXème siècle » B.N

Au-delà d’un hommage, Bahhiyih Nakhjavani soulève le voile et nous mène au travers de ses yeux dans ce royaume ou l’anderoun ne ressemble pas au conte des mille et une nuits, Téhéran n’exalte pas ses effluves d’épices et de fleurs, mais la puanteur des famines et des maladies, les jardins paradisiaques sont les lieux de tortures et le vin coulant à flots n’est autre que le sang du peuple.
C’est un voyage au cœur de la Perse, sous une identité dévoilée au travers d’un joyau qui n’est pas des moindres, la liberté d’expression parée de superbes allégories, que Bahhiyih Nakhjavani signe ce bijou littéraire mettant en avant la condition féminine, la religion et les enjeux politiques.

Je suis la rivière de vin rouge
Dans la bouche de la vie et de la mort.
Le dit écarlate de mes paroles
Passe goutte à goutte dans ton souffle.

Je suis la rivière jaune
Qui nourrit et sustente la jeune intelligence
Mes pages safran offrent l’espoir à l’espèce humaine.

Je suis la rivière des mots verts comme le miel, pleins de vie.
Je tiens dans mes bras qui m’inspire et me fait confiance,
Les saisons et leur combat.

Je suis la rivière d’eau blanche
Par laquelle le cœur est lavé de la rouille.
Mes paroles d’unité ont soif de boire la poussière.

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rotko
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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyMer 11 Jan 2012, 12:47

oui, un livre auquel je prends goût. La difficulté au départ serait de bien s'ancrer dans les dates, mais comme tu le dis, c'est la seconde moitié du XIXe.

L'auteur joue en virtuose, au début du récit de deux faits qui marquent l'histoire de Téhéran : le premier attentat (manqué) contre le Shah, et le second qui cause sa mort. Il y revient à plusieurs reprises, ce qui peut désorienter le lecteur dans la chronologie : s'agit-il d'éléménts posterieurs à la mort du shah ou antérieurs, ce que je crois.

Tu montres bien les menées factieuses de différents personnages. Je suis sensible au ton alerte et parfois humoristique de l'auteur quand il parle de la justice expéditive :

Citation :
"on racontait déjà que l'un des aspirants meurtriers avait été taillé en pièces sur-le-champ pour ce qu'il avait dit et qu'on avait fait sauter la cervelle d'un autre quelques heures après son arrestation pour ce qu'il avait refusé de dire".

idem pour les conflits d'autorité entre la mère et le fils :

Citation :
" Son fils tapa alors du pied et, sans même attendre d'être autorisé à quitter sa présence, sortit en trombe des appartements de sa mère dans un accès de dépit en criant par-dessus l'épaule, de telle façon que les eunuques, les concubines et surtout, sa soeur pussent l'entendre, qu'il verrait la poétesse de Qazvin, il la verrait, et na.

Une remarque fréquente pour les auteurs de langues minoritaires (Indonésie, Afghanistan, Iran etc) ils sont d'abord traduits en anglais et la traduction française se fait à partir de la version anglaise.
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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyMer 11 Jan 2012, 12:58

Oui Rotko , comme je l'ai écrit , ce petit bijou littéraire est destructuré , il faut être très concentré pour rétablir le fil entier de cette histoire et ce , jusqu'à la fin !
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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyJeu 12 Jan 2012, 16:22

Il faut en effet saisir au vol les repères temporels, marqués par "dix ans après l'attentat" ou "après la mort du maire" ou lors des émeutes de la faim etc..

quant aux personnages, ils n'ont pas un nom précis mais sont désignés par leur état civil : l'épouse du maire, la poetesse de qazvin...

l'étonnant est que ce parti-pris n'entraîne pas de lourdeurs de style, ce qui confirme la qualité de l'écriture, et notamment d'une chronique orale où un narrateur exprime pour un lecteur complice les interrogations des personnages, avec des formules récurrentes :

Citation :
"C'était terriblement désagréable. c'était aussi fichtrement ennuyeux, car les caves servaient de refuges [...] Mais surtout, c'était embarrassant, socialement . Comment pourrait-elle jamais trouver une épouse pour son fils [...] ? comment s'entretenir librement avec les marieuses [...] ?
p.129.

Coimme dans la sacoche je remarque des tableaux vivement brossés : une femme en noir sur la neige, avec des lèvres gercées... un noirceur malsaine, comme si elle avait sucé de l'encre,

ce qui n'immobilise pas le passage, car en même temps on fait allusion à des épisodes passés de la poétesse prisonnière.

oui, une belle écriture - à laquelle on s'accoutume, mais qui exige de l'attention Smile
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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyJeu 12 Jan 2012, 18:24

Pour être toute à fait honnête , ça fait un moment que je n'ai pas lu un livre contemporain de cette qualité.
J'exclus Robert Alexis qui est beaucoup plus axé philosophie , un tout autre genre , incomparable.
La lecture n'est pas toujours aisée en vu de ce manque de repères , le vocabulaire recherché , la rhétorique poétique et à la fois très dure , une prose soutenue mais qui parait si aérienne, les allégories magnifiques...

J'ai beaucoup de mal à me concentrer sur un autre livre.

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MessageSujet: Re: Bahiyyih Nakhjavani (Iran)   Bahiyyih Nakhjavani (Iran) - Page 2 EmptyVen 13 Jan 2012, 06:18



une particularité de ce roman, comme chronique orale, serait l'absence de dialogues véritables.

c'est un procédé moderne et j'en donne un exemple ici.
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