Hayat El Yamani [Maroc]

Hayat El Yamani, la cruche cassée, chez Anne Carrière.

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1998. La narratrice, Doumia, ingénieur en informatique, retourne au village natal , à 300 km de Casablanca, pour l’enterrement de sa grand-mère. Elle retrouve des souvenirs de l’aïeule, une nuit de conversation où elle parlait notamment de son mariage à 13 ans

Citation :

« Tu ne me croiras peut-être pas, Doumia, mais quand j’ai rejoint la maison de mon époux, j’ai cru qu’il était mon nouveau père et sa première femme ma nouvelle mère. Ce qui se passait la nuit dans le lit me paraissait étrange mais, pour le reste, mes règles de vie étaient demeurées identiques, avec de personnes différentes. »

Ce sont aussi des retrouvailles avec des parentes oubliées, et le choc entre des femmes traditionnelles et d’autres plus évoluées (gynécologues, pharmaciennes,) ce qui rend les conversations sur la grossesse, la mort infantile et l’avortement, particulièrement surprenantes :

Citation :

« [les oestro-progestatifs] c’est difficile à prononcer mais ça aurait certainement mieux valu pour moi que d’avaler insecticides pour faire passer Mourad. J’ai été malade trois jours. J’ai cru ma dernière heure arrivée, mais j’étais aussi enceinte après qu’avant.

[..] et tes enfants rescapés, tu leur as parlé de tes tentatives ?

- Oui. Ils s’en sont amusés, surtout Mourad. Il dit qu’il n’est jamais malade grâce aux insecticides qu’il a ingurgités, fœtus ! »

Je poursuis ma lecture, ça m'interesse.

Hayat El Yamani, la cruche cassée, chez Anne Carrière.

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Ce récit raconte certes les rites de deuil, les retrouvailles entre personnes différentes qui s’étaient perdu de vue, leurs évolutions respectives, parfois contradictoires, mais il permet aussi de « casser la cruche » ie de dire ce qu’on a sur le cœur.

Ainsi cet oncle qui raconte la cérémonie du mariage, dont il n’est pas fier :

Citation :

« Prends un adolescent ignorant et une gamine effrayée, fourrés dans le même lit par des parents pudiques, maladroits, pleins de bonne volonté mais prisonniers des coutumes, mécontents d’avoir été dotés d’une large progéniture féminine et pressés de voir leur seul fils assurer leur descendance [….] une horde d’invités […] tu auras rassemblé alors tous les ingrédient d’une corrida, son public assoiffé de sang qui réclame son dû : une mise à mort ! »

et il charge la narratrice d’une mission :

Citation :

« Toi qui comprends, Dounia, il faudra que tu dises ces choses, un jour. Un homme a du mal à le faire »

Dans la cruche cassée, les rôles sont mis à jour, les comptes sont à régler, dans l’apaisement ou dans la révolte.

C’est dit sobrement, et bien dit !