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| | Christine Angot | |
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+5Vogue Simon BRODSKY IRIS Aphrodite rotko 9 participants | |
Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Christine Angot Mar 18 Jan 2011, 06:31 | |
| J'ai entendu des critiques parler de son dernier livre les petits. Ils n'étaient pas tous d'accord, mais lui réservaient une écoute bienveillante.
Personnellement je ne l'ai pas lue, mais certains grains connaissent sans doute cette romancière, autant écouter leurs impressions.
Un extrait dans l'article de l'Express..
Depuis Vu du ciel, son premier roman, elle a beaucoup produit, s'appuyant sur sa propre vie, je crois.
ses derniers récits :
2001 : Normalement suivi de La Peur du lendemain, théâtre, Stock. 2002 : Pourquoi le Brésil ?, roman, Stock. 2003 : Peau d'âne, roman, Stock.
2004 : Les Désaxés, roman, Stock. (Prix France Culture) 2004 : Une partie du cœur, en compagnie de Jérôme Beaujour, Stock. (Prix France Culture) 2006 : Rendez-vous, roman, Flammarion. (Prix de Flore)
2008 : Le Marché des amants, roman, Le Seuil. 2011 : Les Petits, roman, Flammarion.
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| | | Aphrodite pilier
Nombre de messages : 1643 Date d'inscription : 05/01/2010
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 18 Jan 2011, 14:07 | |
| Je n'ai lu que "Les désaxés" de Christine Angot. Ca se lit mais c'est plus quelqu'un qui se raconte (qui se la raconte) qu'une grande romancière. Bref, j'attends de lire "Le marché des amants" pour me faire une idée plus précise de cette auteur. | |
| | | IRIS pilier
Nombre de messages : 373 Localisation : region parisienne Date d'inscription : 02/01/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 18 Jan 2011, 14:48 | |
| J'ai du l'entendre lors d'une interview chez Pivot (il y a des années). Elle m'était apparue très centrée elle même et sur son égo malmené par un inceste familial si j'ai tout compris. Elle était, semble t il, à l'époque, une des rares femmes à parler de ces choses là. C'est surement intéressant et courageux de l'avoir fait. Est-ce suffisant pour en faire un véritable auteur ? Et je vois qu'elle récidive avec un roman sur un autre sujet moins tabou, mais assez peu traité : la toute puissance du matriarcat. NB : pour les bretonnes de ce site, pas la peine, j'imagine, de traduire le mot "matriarcat" cf Markale. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 18 Jan 2011, 15:57 | |
| Markale a dit tellement de choses (soupir). ce qui m'étonne chez Angot, la mauvaise réputation que lui ont faite des lecteurs, et une relative bienveillance des critiques officiels - qui admetttent un certain narcissisme, mais si sa vie est son matériau... | |
| | | Aphrodite pilier
Nombre de messages : 1643 Date d'inscription : 05/01/2010
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 18 Jan 2011, 18:54 | |
| SA vie ne peut être QUE son matériau ! J'ai regarder une interview de la dame il y a quelques jours sur you tube... La pauvre, les psys doivent avoir des dossiers jusqu'au plafond !
Quant à l'inceste, c'est évidemment plus que courageux de sa part qu'elle en ait parlé. De toute façon, nul doute qu'elle ait subi des violences; c'est flagrant.
Bref, je modifierai (ou pas) ma critiques concernant des "oeuvres" quand j'aurai lu "Le marché des amants". Je dois avouer que le titre me met bien l'eau à la bouche. | |
| | | Simon BRODSKY pilier
Nombre de messages : 138 Age : 58 Localisation : Verneuil/Seine Date d'inscription : 28/07/2010
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 19 Jan 2011, 20:43 | |
| Cette bonne femme m'énerve. MOI, MOI, MOI... Etre félée peut aider à écrire, on peut mettre ses déchirures intimes au service d'histoires formidables. Mais se raconter sans cesse, c'est de l'exhibition malsaine. Ca doit plaire à TF1 et aux pro de la télé-réalité. Manque de bol, les lecteurs peuvent se faire gruger une fois, pas deux... | |
| | | IRIS pilier
Nombre de messages : 373 Localisation : region parisienne Date d'inscription : 02/01/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 19 Jan 2011, 22:08 | |
| Il se peut aussi que ses amitiés avec le grand Delon etc...
Je n'aime pas non plus ce coté "grattage" incessant des plaies intérieures. Cela devient de la complaisance morbide. Je ne lirai donc pas ce livre. Trop nombriliste. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Jeu 20 Jan 2011, 06:03 | |
| - Simon BRODSKY a écrit:
- Cette bonne femme m'énerve. MOI, MOI, MOI...
C'estce que j'ai entendu, ce qui ne m'a pas incité à la lire. or ici, elle serait moins présente : - Citation :
- Pas de Christine Angot - c'est-à-dire pas de "je" - à l'horizon dans un roman qui ressemble dès lors à un roman comme un autre, où l'on nous raconte donc une "histoire", celle d'un couple qui va peu à peu se déchirer, celle d'une mère qui va prendre en otages les "petits" contre leur père, celle d'un père qui va se battre pour voir ses enfants.
l'article des Innrocks détaille un avis réservé. Aucun grain ne prend sa défense après l'avoir lue ? vous seriez donc plus sévère que les professionnels ? elle a des lecteurs et des lectrices pourtant. " toute la sympathie du lecteur, et on l'imagine de la lectrice, va d'emblée à cet antihéros masculin. Angot a beau écrire avec les coudes, nous casser les tympans avec ses barbarismes et ses phrases "breakées" - "Il se focalise sur retomber sur ses pieds" -, multiplier les incantations durassiennes - "Ça, ça n'existe plus. Ça a disparu" -, abuser jusqu'au malaise du mot gérer, qu'il s'agisse d'agenda ou d'enfants - "Elle préfère gérer à sa manière comment les habiller" -, elle a beau confondre estamper et estampiller, répéter par trois fois qu'Hélène est contre l'avortement, entre autres informations, le courant passe entre cet homme et nous, et le livre prend.
On pourrait encore soupçonner l'auteure de monopoliser les grands rôles, d'être celle qui tue et celle qui ressuscite à la fois ; mais c'est son héros qu'on aime, crucifié entre ces deux larrons... En se divisant littérairement, le moi paranoïde ne peut gagner qu'en contradictions, donc en humanité. Angot a commencé à régler ses comptes avec elle-même, conférant une force inattendue à son roman." Tel est l'avis du Point. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Sam 11 Juin 2011, 06:36 | |
| clic ! 187 pages chez Flammarion Hélène et Billy se rencontrent. Elle est d'origine européenne, a une fille, il vient de Martinique, il est noir, a un groupe de reggae, vit en électron libre. Cela se passe simplement, ils s'installent ensemble, ont une fille, Clara. Puis un deuxième enfant, puis trois et quatre. Elle a arrêté de travailler, prend les rênes de l'appartement, s'embarque dans le bouddhisme.
Il connaît des hauts et des bas professionnels. Les mois passent, l'entente s'érode, l'air de rien. Les petits les réunissent et les divisent. Parfois il disparaît, plusieurs jours, parfois elle le harcèle, pendant des heures. L'hostilité croissante entre un homme et une femme, la violence quotidienne entre un père et une mère, les manipulations et déchirements qu'éveillent les enfants | |
| | | Vogue pilier
Nombre de messages : 51 Date d'inscription : 23/06/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Jeu 23 Juin 2011, 16:14 | |
| J'aime beaucoup Angot. Ce n'est pas un grand écrivain, mais c'est la femme qui est intéressante. Et ses livres sont plus une façon de se mettre en scène qu'autre chose. Elle a un côté histrionique, c'est vraiment une drôle de bonne femme. Elle est un peu dans l'underground, comme Despentes. C'est assez barré en général et très centré sur sa personne, le tout en jugeant les autres de cons. Car oui, les autres sont tous des cons. Et si on essaye de prendre un peu de recul envers cette femme, on arrive à vraiment aimer ses livres et à comprendre, un peu, certains comportements humains. Vraiment, il faudrait la voir en fac de psychologie cette femme (je vais en parler aux profs, tiens ). Elle a un style d'écriture qui est assez dérangeant au début. J'ai toujours du mal avec les phrases très courtes, je trouve ça vilain. Mais plus le livre avance, plus elle fait des phrases. Et elle se libère aussi. Un article intéressant la concernant: http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20110209.OBS7738/comment-christine-angot-a-detruit-la-vie-d-elise-b.html | |
| | | Modiano pilier
Nombre de messages : 231 Age : 33 Date d'inscription : 23/01/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 14 Aoû 2012, 15:02 | |
| L’Angoisse revient avec un livre à la rentrée littéraire.
Ca va. Ca va encore. Nous faire. Nous faire hoqueter. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 14 Aoû 2012, 15:04 | |
| tu nous tiendras au courant, parce que moi, je naviguerai vers d'autres horizons | |
| | | Modiano pilier
Nombre de messages : 231 Age : 33 Date d'inscription : 23/01/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 14 Aoû 2012, 15:15 | |
| Je vous dirai si je traverse sans encombres la quatrième de couverture. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Mar 14 Aoû 2012, 15:20 | |
| Pour te faire patienter voic lepapier presqu'integral des inrocks : présentation du prochain roman de Christine Angot, Une semaine de vacances, chez Flammarion. Un argumentaire en forme de parodie de la critique littéraire et de ses petites phrases toutes faites : - Citation :
- “Un court roman, une audace à couper le souffle, un morceau de littérature dont on ne sort pas indemne. Jamais Angot n’a été si aiguë ni si bouleversante.”
Hilarant.
- Spoiler:
Pour un peu, on se dirait que c’est Angot herself qui se moque avec malice de nous autres, les critiques. Et qu’elle n’a pas tort. Tout bon critique devrait savoir qu’il faut bannir certaines formules toutes faites et autres lieux communs du jargon journalistique, comme le mot “incontournable” par exemple, qu’on s’est interdit depuis 1987. Mais, plus drôle encore, l’argumentaire-gag du nouveau Angot pourrait bien avoir été écrit par un éditeur pervers qui en a plus que son compte de devoir accoucher chaque année d’argumentaires en forme de défenses hypocrites et convenues pour chaque livre. Car il faut bien avouer qu’une certaine lassitude amusée nous tombe dessus à lire argus comme quatrièmes de couve. Et qu’on n’en peut plus des poncifs du genre : “une écriture réinventée dans une langue hors du commun” ; “un chant d’amour, un cri déchirant, une petite musique inégalée” ; “c’est l’histoire d’un couple qui frôle la rupture mais se retrouvera” ; “un grand livre porté par l’espoir qui bouleverse en profondeur” ; “dans une langue ciselée”... Vite, passez-nous les livres, ils valent généralement mieux que le marketing qui les accompagne.
Abandonne ton pseudo, trop discret musicalement, je te conseille Fanangot, pour la zique. | |
| | | Modiano pilier
Nombre de messages : 231 Age : 33 Date d'inscription : 23/01/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Lun 20 Aoû 2012, 08:20 | |
| Excellent ! La journaliste feint de ne pas comprendre que si l'argumentaire de Flammarion est si léger, c'est qu'il n'y a rien à vanter dans ce nouveau livre... Mais voilà que je vais trop vite en besogne. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Sam 01 Sep 2012, 11:02 | |
| Personne pour rehabiliter Angot ? je ne l'ai toujours pas lue, mais cette fois-ci, encore, je me demande si cette détestation de l'auteur n'est pas un réflexe bien-pensant ? notez que je m'interroge ! voici pourquoi : le roman de Christine Angot constitue un pareil piège tendu à notre regard captif. Selon un dispositif très savant dans sa simplicité même, - et c'est en cela qu'il constitue aussi une exemplaire leçon de littérature -, il interroge chaque lecteur sur le désir, nécessairement coupable, qui le porte vers les livres : la vérité qu'il cherche en eux, celle qu'il est capable - ou pas - d'accepter de ceux-ci.Fourest secoue le cocotier. | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Sam 01 Sep 2012, 11:25 | |
| Je viens de lire l'article de Forest sur le livre de Christine Angot.
On a parfois l'impression qu'il fait tout pour inciter les lecteurs potentiels à le lire, ce livre. Il tente parfois d'expliquer les raisons profondes des protagonistes et juste après les fustige. J'avoue humblement que ces bouquins me font peur. Et s'ils m'effraient, c'est parce que, comme tout être humain j'ai ma part d'ombre. Mais je ne souhaite pas là laisser prendre le pas sur moi. Je suppose qu'en lisant cette critique de Forest, nombre de personnes vont acheter le bouquin ...
J'ai aimé lire le Marquis de Sade et l'amant de Lady Chatterley , il m'est arrivé de tomber sur des livres carrément crades, je ne poursuivais pas. Je ne suis pas coincée mais pas voyeuse non plus.
Et puis l'amour, c'est bien autre chose que ça, même si ça existe ces trucs, ça ne m'apporte rien. Je ne chercherai pas à savoir ce que Mme Angot cherche, et puis trouver toujours des excuses ça me fatigue un peu. Tu n'a pas encore lu cet auteur, dis-tu, ton Excellence ? j'ai essayé son premier livre et je me suis arrêtée très vite. Quand ce que nous lisons nous fait entrer dans le noir, pouvons nous nous y plaire ? | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 09:06 | |
| Sur Une semaine de vacances, je poste en spoiler un article de Dominique Conil pour Médiapart. Beau et terrible. - Spoiler:
On reconnaît. On reconnaît dès les premières pages les clémentines sur le sexe de l’homme, c’était un court passage, dans un autre livre. On reconnaît la voix, surtout. Et on se trompe, car jamais encore Christine Angot n’a tenu son lecteur – saisi, révulsé, excité, bouleversé, il y aura de tout – comme dans Une semaine de vacances. L’écriture elle-même est un peu autre. Ni scansions, ni fulgurances, mais une extrême fluidité – la légèreté de ce voilage derrière lequel on viole – précision laser.
Ses derniers livres étaient décevants, le « elle » ne paraissait pas lui réussir ; ils ne semblaient plus habités par une nécessité, presque des histoires, et caricaturaient parfois Christine Angot-qui-fait-polémique. Au Salon du livre, il y a deux ans, les files d’amateurs de dédicaces faisaient Angot après Nothomb. Septembre 2012, elle ne figure pas dans la sélection du Goncourt dont la liste compte de bons livres (mais pas seulement, hélas). C'est sans surprise et sans importance : il y a des textes qui se passent de prix. Ce sont plutôt les prix qui parfois se privent de textes.
Une semaine de vacances, non loin de Grenoble, une maison qui n’est ni luxueuse ni sordide, une honnête location. Deux chambres. Une seule servira. Un homme dicte ses désirs, avec conseils idoines pour assurer le bon déroulement des choses. Il n’a pas de nom, sauf, lorsqu’il le réclame, « papa ». Elle n’a pas de nom du tout. Juste ce « elle » qui fait suite au « je » d’avant, lorsque Christine Angot écrivait déjà sur l’inceste.
C’est un « elle » qui apparaissait dans son tout premier livre, Vu du ciel, où l’on trouvait Christine au sol et, planant là-haut, une fillette violée et assassinée. Le « elle » de la dissociation, de la séparation d’avec soi, elle de survie. Une très jeune fille est pénétrée, fouillée, palpée, commentée, comparée. Une part d’elle-même note les grosses lunettes rectangulaires en écaille sur la table de nuit. Observe le marbre, « déformé, en décalage, comme coupé du reste de la table, comme un morceau cassé, les marbrures zigzaguent ». Le père teste alors une nouvelle fois la pénétration anale. Bien sûr ensuite il faut recoller les morceaux de ces deux « elle », ce que ce livre fait, magistralement.
Il faut parfois faire attention aux quatrièmes de couverture. Il y a des mots qui sous couvert de nommer, recouvrent, y lit-on. « C’est comme si l’écrivain levait ce voile, non pas pour nous faire peur, mais pour que l’on voie et comprenne. » Peu importe ce qui a amené Angot à écrire cette semaine de vacances, écourtée d’ailleurs. La logorrhée qui a saisi la France il y a un an, après l’affaire DSK, après d’autres faits divers – qu’est-ce qu’un viol ? Où ça commence ? Où ça finit ? Qu’est-ce que le sentiment de toute-puissance d’un homme ? – n’y est peut-être pas étrangère. Peut-être. Ce n’est pas étranger, en tout cas, au besoin que l’on a de ce livre-là.
L’homme du livre s’habille correctement mais sans originalité. Il n’est pas très grand, pas très remarquable. Lèvres minces, comme celles de Trintignant. Il est très intelligent, très cultivé, et maître des mots. C’est un homme organisé, qui ne néglige pas de réserver dans des restaurants corrects. Il a une maîtresse, une épouse, des enfants qui lui ressemblent. Il passe la Toussaint avec sa fille issue d’un précédent mariage. Il le dit et le répète, lorsqu’il est satisfait, ce qui n’est jamais que transitoire, « que des moments comme celui-là il n’en a jamais eu avec sa femme », « qu’il avait perdu l’espoir de rencontrer une femme, un jour, à qui il pourrait tout dire absolument tout ». Il gratifie.
Il n’y a aucun coup. L’homme peut être très violent, verbalement, pour une cuisine en désordre. Mais il conquiert seins et vagin, demande à être sucé en un troc permanent, pressant, reconnaissance et amour moyennant la soumission. On pressent qu’il estime que son intelligence et l’attention apportée à l’éducation sexuelle de la très jeune fille l’affranchissent des ordinaires lois humaines. Un viol, c’est cela.
Elle obéit, on devine que ces vacances ne sont pas les premières, elle résiste. Comme elle peut. Elle est maligne et tente de négocier. Mais elle n’en est encore qu’aux Six Compagnons bibliothèque verte, elle n’a rien compris. Le rationalisme de l’homme en manteau cashmere habille ses pulsions. Et lorsque le rationnel devient impossible, il dit seulement « qu’il ne peut rien contre ça », et voilà. Il n’y a rien à négocier. Il lit Le Monde au restaurant, face à elle, sans lui adresser la parole. Il ne voit pas qu’elle commande la sole qu’une enfant ordinaire, d’une famille ordinaire, avait commandée la veille. Le verrait-il, ça ne changerait rien. La domination, c’est cela.
Mais cela ne suffit pas. Il y a la possession, centimètre par centimètre, les ordres précis, l’obéissance, mais il faut marquer du plaisir et de l’amour tout en un. Il faut qu’elle y mette du sien. Adhère. « Est-ce que c’est bon ? » « Dis-moi. Dis “c’est bon papa”. » Il dit qu’il aimerait la voir jouir, un jour. L’esprit n’est pas négligé, il ne faut pas qu’il échappe non plus, il se charge de le nourrir. Il est vrai qu’elle apprend vite, à sucer sans mettre les dents comme à nommer les détails architecturaux. Il y a même des sanctions : la possibilité de son propre départ. Être adulé par sa victime et ne pas négliger les minuscules espaces de résistance. Le totalitarisme, c’est cela.
Celui-ci, simplement, dans ce texte dont on devine que chaque mot, chaque virgule, chaque notation a été travaillé, et vient de loin, prend place sur les tomettes stylisées, le couvre-lit matelassé, dans une église ou sur les routes brumeuses de la Toussaint.
Elle parle, au début. Pas beaucoup, mais tout de même. Et puis il y a un silence grandissant, les mots ne défendent de rien, entendus-annulés, tandis qu’il est toujours aussi disert. Il n'y a plus de place que pour les corps. Et lorsqu’elle dit – malgré elle, sans l’avoir décidé, confusément mais il comprend aussitôt –, c’est l’amour du père qui disparaît, instantanément : renvoi au néant. Irréparable amour. Mais échappée, aussi.
On repense alors à tous ces procès d’inceste, ces pères qui parfois se taisent – interloqués, au fond, qu’on fasse intrusion sur ce domaine privé qu’est l’usage du corps de leur fille –, ces filles qui se glacent pour tenir et ont l’air de cacher quelque chose, ou s’empêtrent dix fois, car elles ne peuvent nommer avec les mots de la justice, ni même les mots tout court. Les sanctions tombent, mais quelque chose reste obscur.
Alors, bien sûr, il y aura peut-être à la lecture de ce texte dur, sans pudeur convenue, et sans indécence aucune – celle-ci plus souvent s’accommode des fioritures – des rires de potaches embarrassés. Des indignations, une polémique comme l'annonce par avance Libération ? Rien de si sûr, il y a des évidences littéraires. Ou alors, pas grave : un grand texte révèle aussi celui qui le lit.
| |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 09:32 | |
| hé bien moi, même en y mettant du mien, ça me fait froid. | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 09:39 | |
| - Ysandre a écrit:
- ça me fait froid.
C'est le but. | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 10:03 | |
| tu crois ? alors, c'est pire ! | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 10:05 | |
| j'oubliais, merci de m'avoir répondu. | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Christine Angot Mer 05 Sep 2012, 11:52 | |
| - Ysandre a écrit:
- tu crois ? alors, c'est pire !
Pourquoi ? | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Christine Angot Sam 08 Sep 2012, 06:01 | |
| Un livre qui, jusqu’à présent, a reçu des éloges de L’Express, de Libération, du Monde. Philippe Delaroche a émis de nombreuses réserves dans le numéro de septembre de Lire
la video d'un débat de critiques sur une semaine de vacances. | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Christine Angot Sam 08 Sep 2012, 07:38 | |
| il n'y a pas qu'à moi que ça fait froid dans le dos : - Citation :
- Dès lors, le malaise perçu dès les premières pages va crescendo. Qu'importe les descriptions, un 69 dans le 38, une cravate de notaire, une sodomie ponctuée de larmes, la veulerie du sous-père et la docilité de la jeune fille, tous deux, s'exerçant au sexe sans spontanéité ni volupté, font froid dans le dos
écrit Philippe Delaroche. Et mon avis sur C. Angot (bien qu'il ne compte pas, bien sûr, à côté du tien...) est que cette personne à trouvé le filon pour gagner beaucoup d'argent. C'est un bon écrivain, je n'en disconviens pas, mais elle me fait penser à une truie qui se vautre dans ses déjections à n'en plus finir. | |
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| | | | Christine Angot | |
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