Max Ophüls, lettre d'une inconnue

lettre d'une inconnue

Prince d'A a écrit:

J'ai lu cette année la Lettre d'une inconnue qui m'a paru assez lourde; mais en le relisant, j'ai trouvé ça très beau, sans doute sous l'influence du film d'Ophuls (que je critiquerai plus tard).

Ce petit bijou qu'est le film de Max Ophuls s'inspire étroitement, semble-t-il, de la nouvelle de Stefan Zweig. Dès le départ on est séduit par l'actrice, Joan Fontaine, dans le rôle de l'adolescente amoureuse. Elle est fascinée par un monde qu'elle ne connaît pas, celui de la musique, de la vie brillante - et mondaine, d'un artiste. Ces premiers émois la marquent à jamais.

Le spectateur est, comme le destinataire, lecteur de la lettre, mais en même temps juge des personnages. Là à mon avis est le coup de maître de Ophuls : ses images, à la fois magiques et réalistes, comme le regard de la jeune fille amoureuse, mais sont empreintes d'une atmosphère mélancolique qui colore le film et en donne le sens, dès le début. Ah ! cette pluie insistante sur les pavés et les fenêtres !

En même temps, il donne à voir la naïveté du regard de l'adolescente comme la flamme de la passion chez Liza devenue adulte ( décidément très belle). On juge aussi le pianiste, dont on voit la personnalité vaine, malgré le regard enchanté de Lisa. Réussir - et réunir, tous ces points de vue, simultanément, relève du grand art

Sur le film, je renvoie à l'analyse du ciné-club de Caen qui en dit trop : il vend la mèche dès le début !

lettre d'une inconnue

je rajoute une remarque : la jeune fille et le pianiste ont un rencontre au Prater, dans un train sur fond de décors illusoires : ici Venise, plus loin telle montagne (en carton pâte). Or l'amour de Lisa repose sur l'illusion, et stefan Brand, le pianiste, vit lui-même dans l'illusion : chacun y perdra l'essentiel, et l'artiste, en premier lieu, son talent.

Je viens de me rendre compte que je n'avais jamais posté sur ce film

Rotko, je rejoins pleinement ton avis, c'est vraiment un petit bijou. En revanche, le contraste avec le livre est assez flagrant dans le sens où, chez Zweig, l'amour devient vraiment déraisonnable, obsessionnel, alors que le film donne à voir un grand amour non partagé.

Mais je dois au film une meilleure approche du texte de Zweig. Ce sont finalement deux œuvres remarquables!

Liebeleï (1932)

Le synopsis est assez simple, tiré d'une pièce de Schnitzler : à Vienne, la fille unique d'un modeste violon à l'orchestre du petit théâtre de Vienne s'éprend d'un officier de la garde impériale qui lui, mène une passion houleuse avec une femme du monde.

Dans le rôle de Catherine, Magda Schneider (la mère de Rony) livre une belle interprétation. Elle est cette jeune fille timide et jolie qui tombe amoureuse du beau Fritz, sous-lieutenant et ami d'un lieutenant qui aime les jeunes femmes. Wolfgang Liebeneiner, alias Fritz, est lui aussi parfait dans son rôle : tourmenté par sa relation tumultueuse avec une baronne, il retrouve la simplicité et l'amour dans les bras de Catherine. Mais comme toujours chez Ophüls, le drame n'est jamais loin.

Le frère du baron prévient ce dernier des rumeurs qui courent sur le compte de Wolfgang et de sa femme. Il en résulte un duel, pour sauver l'honneur du baron von Eggersdorff, et dont l'issue est fatale pour Fritz puis, logiquement, pour Catherine.

Une fois de plus, Ophüls livre un très beau film, où les femmes connaissent un sort pathétique suite à la folie des hommes. Dans ce film, la folie n'est autre qu'un honneur débile, qui pousse des hommes à se tirer dessus alors que le litige date d' "une autre vie", dixit Theo.

J'ai lu que ce film a connu un remake en 1958, sous le titre de Christine, par Pierre Gaspard-Huit. Celui-ci met en scène Romy Schneider et Alain Delon, dans leur premier film en commun.

La Tendre Ennemie (1936)

Expatrié en France suite à la montée du nazisme, Max Ophüls adapte une nouvelle pièce de théâtre : L'Ennemie, d'André-Paul Antoine, fils d'André Antoine, inventeur de la mise en scène.

Synopsis : Annette Dupont va marier sa fille à un pharmacien, auquel la fille préfère un aviateur. Lors d'une réception, Georges, son mari décédé, fait la rencontre de Rodrigo, l'homme pour lequel elle a quitté Georges, et enfin un jeune homme, premier amour d'Annette, suicidé après son refus de le rejoindre.

Dans ce monde bourgeois incarné par l'oncle, les fantômes essaient de faire triompher l'amour. A travers un intéressant jeu de flash-back, Ophüls réalisent un film sympathique, où les morts apprennent à mieux connaître celle qu'ils ont aimé.

Les acteurs ont un jeu vraiment pas mal pour l'époque : Simone Berriau, Georges Vitray, Lucien Nat et Marc Valbel...

Un film court (1h) qui passe sans aucune lenteur ou lourdeur.


Je dois ces visionnages à la rétrospective Max Ophüls sur CinéCinéma Classic