Louis Calaferte

Louis Calaferte, Campagnes, Denoel.

"paysan, va !" (Rimbaud)

Deux récits : famille et in memoriam.

Le style est sec, dégraissé, méchant, comme si le chroniqueur (ainsi se définit-il dans cet ouvrage) prenait à chaque phrase son élan pour asséner un nouveau coup. Le récit est comme un épure.

Dans une famille paysanne si pauvre que cela tient de la caricature, nul n'a pitié des autres mais les supporte. La mère, alcoolique, sculpte le destin de la famille, et il n'y a pas d'échappatoire aux brutalités, privations, injustices et duretés de tous ordres. Calaferte fait le procès-verbal d'une époque et d'un milieu, et son requisitoire est marqué au coin de la hargne et de la révolte.

Le deuxième recit présente Constance, prisonnière de l'ignorance et de la bêtise, à la fois égoïste et innocente.

A lire ces récits, je pense à un Jules Renard, ou pris d'une crise de cafard, ou irrémédiablement dépressif.

Aux yeux des connaisseurs, Calaferte propose, je cite, "une plongée dans les tréfonds de l'âme humaine" (ma source : les confidences d'une groupie.)
il faut voir aussi au rayon poésie ininterrompue[,
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Je suis en train de lire Septentrion.

L'écriture est assez brute, souvent très crue. Dans ce roman que je lis, on y trouve beaucoup de digressions assez amusantes, parfois plus sombres.

Au début du livre, j'avais l'impression qu'il essayait de combler les pages vides de mots, d'ailleurs il souligne régulièrement la difficulté qu'il a pour se motiver écrire.

Peut-être qu'après je lirai Requiem des innocents. Pas sûr.

Calaferte, on ne le connait pas, il est pourtant à découvrir.
C'est particulier.

bonjour, H.P.

j'ai emprunté la mécanique des femmes mais j'ai arrêté la lecture. Cette dureté dans l'investigation n'est "pas dans ma culture". Voir aussi au rayon Poésie

rabiblio a écrit:

Par contre , "Septentrion" de Louis Calaferte , je ne suis pas prête de l'oublier ! pendant cette lecture, j'ai eu un peu de mal à rester ouverte d'esprit car certains passages m'avaient semblé trop agressifs et misogynes et avaient même blessé la femme en moi ! mais ce n'est que mon avis et malgré tout il y avait du bon dans ce roman. (Un bon coup-de-gueule et des passages saisissants de vérité).
Je ne sais pas si d'autres ici l'ont lu ?

J'ai essayé Calaferte, mais la mécanique des femmes m' a heurté.
Que l'auteur exprime sa souffrance et sa révolte, je n'y vois pas d'inconvénient, mais je le trouve trop agressif et trop violent.

Comment accepter une telle noirceur dans les descriptions, dans les rapports humains - et amoureux ?

je n'ai aucune envie de le lire à nouveau.

J'ai énormément aimé Septentrion que j'ai lu avec délectation l'année dernière. Une écriture violente et rare, superbe.

Brume a écrit:

J'ai énormément aimé Septentrion que j'ai lu avec délectation l'année dernière. Une écriture violente et rare, superbe.

Cà ne m'etonne pas, je sais qu'il y a des groupies (voir plus haut) de Calaferte.

Si tu pouvais nous éclairer, on comprendrait mieux...

Pour moi, l'écriture de Calaferte s'apparente à celle d'Henry Miller.

Il y a chez lui ce lyrisme, cette force et cette fougue qui transfigure ses réflexions sur la fiction et l'écriture ou ses propos libertaires. Dès les premières lignes, j'ai été emportée par ce récit autobiographique qui pour moi a tout de suite atteint une dimension poétique.

Je sais que certains n'y voient que des propos à caractères pornographiques (d'où la censure et l'interdiction de vente lors de sa sortie en 1963) mais pour moi ce fut une découverte, un choc. Une écriture brûlante, flamboyante devrais-je dire.
Des propos qui longtemps ont résonné en moi.

J'ai lu "La mécanique des femmes":


J'avais d'abord commencé par lire "Septentrion" de cet auteur l'année dernière et je n'aurais jamais cru lire un autre livre de lui...
mais certains m'ont demandé de lire "La mécanique des femmes" car ils voulaient avoir un avis de femme sur ce livre.
Que dire? La structure du livre est déjà très particulière, des paragraphes en patchwork avec a priori aucune suite logique.
Ce sont des bribes d'histoires des bouts de dialogues et il m'a été difficile de savoir où l'auteur voulait en venir avec ce livre que l'on m'a présenté comme une "mise à nu des fantasmes sexuels féminins."
Si cela était le but de l'auteur je pense que ça serait simpliste de croire après avoir lu ces quelques lignes où il décrit essentiellement des femmes abandonniques, en mal de reconnaissance, angoissées par la mort, se jetant avec frénésie dans la séduction de l'homme, les fantasmes féminins se résument à vouloir pratiquer des fellations à tout-va.
Par ailleurs, je ne pense pas que les fantasmes féminins (ou masculins d'ailleurs) soient uniformes et que l'on puisse facilement les résumer et les standardiser.
J'ajoute cependant que ce livre est beaucoup plus "soft" que "Septentrion", livre qui a fait que l'auteur avait été accusé de misogynie.

Après avoir longuement hésité, je m'y colle ...

Pour comprendre Calaferte, il est indispensable de commencer par la lecture de son premier ouvrage "Requiem des innocents", dont voici la quatrième de couverture :


" Ce livre n'est pas un roman. Ici, nulle place pour l'imagination. La zone d'une grande ville, des baraques, le terrain vague, les cris, les coups, la crasse, l'alcool, la sexualité, la brutalité et l'ignorance, la perversité, les jeux cruels des enfants désoeuvrés, tout est vrai.
Vrai aussi le personnage du maître d'école, cherchant à leur donner le goût et l'ambition de la dignité humaine [...] Il garde aujourd'hui toute sa virulence et demeure un des grands cris de révolte contre la misère et l'injustice du monde moderne"


Quant à "Septentrion", Calaferte le considérait comme une liquidation thérapeutique de l'homme qu'il avait été, d'où son récit chaotique qui peut surprendre ...


Si sa prose ne fait pas dans la fleur d'oranger et la bluette, c'est que chez Calaferte, le style se doit d'être sans scories, sans gras, sans boursouflures et fioritures : "Le mot doit tout exprimer. La terreur comme la rhétorique. J'ai horreur de l'effort narratif. Cette inclassable application de sauce romanesque. Chaque verbe est signe alertant, avec sa densité,. Si vous avez mal, vous faites aïe, vous ne faites pas de tartines lyriques. On n'écrit jamais assez sec. j'aime le mouvement vertical d'écriture qui creuse, pas la jolie manière qui s'étale. Le véritable art est un forage de vous-mêmes", écrivait-il ...

"J'habite indolemment la ruine que je suis" ... faites passer ...

Louis Calaferte, Le Jardin fermé , Carnets volume XVI Galimard, «l’Arpenteur»

Citation :

Considérant mon travail littéraire comme une vocation, comme un vouloir divin, j'ai, depuis, pris la direction d'une foi profonde, dont je souhaite qu'elle me soit un secours au moment de ma mort.

Citation :

«La souffrance n’est pas un accomplissement. Il faut se dresser contre elle de toute sa détermination intérieure. Il faut s’entendre à l’atténuer, à la supprimer. Il ne faut surtout pas commettre l’erreur de lui accorder une valeur métaphysique. Il faut tenir. Endurer. Se battre. La souffrance doit disparaître.»

écrit-il entre le 1er janvier au 19 avril 1994 (année de sa mort)

je vais écouter ce soir des pages choisies de Calaferte pour faire plaisir à mon libraire.

Espérons qu'il saura me convaincre, cette écriture brutale m'est jusqu'ici assez étrangère...

Constance a écrit:

Pour comprendre Calaferte, il est indispensable de commencer par la lecture de son premier ouvrage "Requiem des innocents",

Ainsi que le suivant : Partage des vivants. Où l'on (ré)apprend que contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, <i><b>personne</b></i> ne vit dans la rue. On y survit, à la limite… et encore, seulement les plus "chanceux". Difficile de lâcher le bonhomme après cette lecture. Calaferte est parmi mes chouchous.

Septentrion me laisse un souvenir aussi vif que le Voyage au bout de la nuit de Céline.

« Voyez-vous, aussitôt qu’on commence à réfléchir sur ce qui nous conditionne, ça devient purement diabolique. Ça peut conduire à se fracasser la tête contre les murs, certains l’ont fait. On se retrouve tout à coup en plein crétinisme. Moins armé qu’un sauvage malgré les in-folio, le cinéma, l’histoire sainte, la pédagogie, malgré Savonarole, Galilée, l’invention de la bicyclette, de la pénicilline, des îles Galápagos et du yo-yo. En plein infantilisme primaire. On pousse la porte et il n’y a rien derrière. Même pas le vide évidé. Rien. Rien que des suppositions. On entre comme acteur de rechange dans la seule authentique tragédie humaine, celle de l’incohérence. Il faut vivre l’absurde ou mourir. »

Bien des livres de Calaferte sont actuellement introuvables. Ainsi le dictionnaire à manivelle où il donne des définitions cocasses ou provocantes, mais révélatrices de sa façon de penser.

Pierre Drachline a fait aussi un livre où il a recueilli des aphorismes de Calaferte.

Ce dernier a publié dans de petites maisons d'édition, aujourd'hui disparues, si bien que ce qui est accessible, ce sont les récits cités : le requiem des innocents, Septentrion, et la mécanique des femmes, dont il n'a sans doute pas vendu beaucoup d'exemplaires de son vivant...

La bibliothèque de Lyon abrite ses manuscrits ainsi que des correspondances, "jeux d’épreuves, affiches de théâtre, dossiers de presse, dessins originaux, etc." : Fonds Louis Calaferte.

Je n'y ai pas encore mis le nez. Peut-être suis-je trop intimidée.

c'est vrai qu'il a fait du théâtre, d'abord comme figurant au théâtre de l'Odeon, puis comme écrivain.

Théâtre complet,( tome 1, pièces baroques), édité par Jacques Hesse.

Est-il joué ?

rotko a écrit:

Est-il joué ?

Peu mais quand même.

J'habite son quartier, c'est rigolo !

« J’étais assis dans le 24, Cordeliers-Vinatier. Je revenais à mon point de départ : Place Henri, Lyon, 3ème arrondissement. On ne me reconnaissait pas. Pourtant, et pour la première fois depuis longtemps, je me sentais enfin chez moi, en sécurité, à l’abri, au bien-être. Les soirs de trop gros cafard, j’avais fait, les yeux fermés, mille et mille fois ce petit trajet entre la place Henri et la rue Roux-Soignat où ma chère Guite m’attendait toujours. Oh, ce n’est rien, ni luxueux ni vaste. C’est un quartier de petits commerçants et de petits retraités. Les choses qu’on aime ne sont jamais bien grandes pour les autres. Il faut le miracle de l’amour pour tout magnifier. C’est un coin du monde où les gens sortent des chaises sur le pas de leurs portes en été, bavardent de fenêtre en fenêtre, savent tout les uns des autres, astiquent leurs voitures d’occasion chaque samedi pour l’unique sortie du dimanche… C’est un coin du monde comme partout au monde d’où il n’est jamais sorti ni célébrités ni idées révolutionnaires et probablement personne n’en parlera après moi ; il n’y a ni curiosités ni monuments, ça n’attire pas et à partir de neuf heures du soir, c’est vide sous les lumières froides, un peu désolé, assoupi et tranquille. Il y a même un terrain vague, quelque part, pas loin. Le dernier sans doute. L’ultime. Comme un ilot de poésie ancienne, surannée…
Un millier de braves gens, de petites gens, habitent là depuis trente, quarante, cinquante ans. Au moins d’août, le soir, ils vont en famille respirer l’odeur d’un tilleul, assis sur les bancs de la place d’Arsonval, à l’autre bout de la rue, c’est dire …
Voilà Lyon, pour moi. Quand je suis depuis trop longtemps à l’étranger, c’est à ce minuscule point de la terre que je pense, tout seul, avec des kilos de mélancolie bien aigre dans le cœur.
Ma plaie secrète. »
(dans la revue Lyon 3ème arrondissement, Lyon a 2000 ans, 1957)

Et puisqu'il est ailleurs question d'amitié, un texte sous forme de haïku adressé à son ami Jean-Pierre Miquel, administrateur général de la Comédie française :

Je suis au coin de l'âtre
Vous êtes au théâtre
Jean-Pierre et le temps passe
Mais sans trop que s'effacent
À l'âtre ou au théâtre
L'amitié et ses traces.

Il faudra que je découvre sa poésie, quand même !