Laurent Seksik, les derniers jours de Stefan Zweig.

Hier, à Nice le prix " Baie des Anges " a été remis à Laurent Seksik, pour Les derniers jours de Stefan Zweig ( Flammarion)

C'est un livre de 188pages bien écrit, qu'on a envie de lire d'une traite, qui relate les derniers mois de l'écrivain autrichien Zweig, qui sous la menace nazie a fui au Brésil, parce que juif bien que non praticant. Il pose ses valises à Pétropolis, non loin de Rio, avec sa seconde épouse, la jeune Lotte. Comme le laisse sous entendre le titre, pour ceux qui ne connaitraient pas Zweig, l'écrivain se suicide en février 1942, avec sa femme à qui il ne donnera jamais d'enfant, mais qui par amour est prête à le suivre dans l'infini de l'au delà.

Outre le travail de recherche dans des archives et des documents d'époque, outre l'écriture et le style, le livre nous invite au Brésil dans la baie de Rio, qui ressemble, et je cite Seksik, au festival du livre de Nice " à la Baie des Anges".

Laurent Seksik, les derniers jours de Stefan Zweig, chez Flammarion.

Je craignais une dramatisation excessive du récit, il n’en est rien;

De septembre à février 1942, l’auteur imagine la vie du couple Zweig à Petrópolis au Brésil.

Citation :

« L’horreur était devenue la vérité de ce temps ».

Fuyant l’Autriche/Allemagne nazie, qui brûle ses livres et recherche des armes jusque chez lui, le pacifiste !, Stefan Zweig et Lotte - sa compagne depuis 5 ans, vont à New York, à Rio, à Petrópolis.

Une errance, avec quelques pauses, des souvenirs de la vie brillante menée à Vienne, des alarmes à lire dans la presse les progrès militaires de Hitler…

Parfois Lotte se prend à espérer, c’est l’achat d’une robe, parfois elle souffre d’asthme, de jalousie aussi, puisque Stefan continue à voir Frederike son ex-épouse pour la rédaction du monde d’hier…

Zweig voudrait continuer à écrire, une biographie de Balzac par exemple, mais son esprit est prompt au défaitisme, dans le domaine littéraire comme ailleurs. Il n’a pas la force d’un Thomas Mann ou d’un Bernanos, ces écrivains qui luttent et s’engagent. Lui serait plutôt victimiste comme on le sent bien dans le joueur d’échecs.

Outre ces portraits du couple, Seksik donne une vision de l’œuvre à travers l’esprit tourmenté de Stefan Zweig, .

Ce récit, intéressant et bien écrit, propose donc une vision éclairante sur « l’homme et l’oeuvre », qui devrait retenir l’attention de ses admirateurs.

Citation :

« Il n’avait jamais délivré de message. On le lui avait suffisamment reproché. Il n’était pas un écrivain engagé. Il n’avait rien à dire au monde que les passions folles de ses héros. Il enviait les Mann, Thomas, Heinrich et Klaus et leur infatigable combat antinazi. »
[…]
« Sa voix serait-elle seulement audible au milieu du fracas des armes ? Sa voix chevrotante et plaintive face aux vociférations du Führer, aux hurlements de Goebbels ? Son murmure larmoyant dans le sifflement strident des stukas, les aboiements des chiens ? Sa voix venue des abîmes, tirée de sa souffrance ? Sa voix se perdait dans le souffle du vent. »

J'ai vu récemment et successivement deux personnes lire du Stefan Zweig dans le métro, et j'en lis bien volontiers à l'occasion. Banalité plate que de dire le charme et l'excellence de son écriture. En ce qui concerne son suicide, usuellement considéré comme un effet de son désespoir devant la tourmente nazie, je pense qu'il faut, en remarquant la date, le mettre aussi en relation avec le raz-de-marée de l'armée japonaise, qui en février 42 semblait parfaitement irrésistible. Enfin, à condition que la cause essentielle soit ce désespoir (je pense qu'il y avait sûrement des facteurs plus intimes, mais comme je ne sais rien de la vie privée de Stefan... ).
Je recommande bien évidemment Le Joueur d'Echecs, mais tout le monde l'a lu , et aussi La Pitié Dangereuse, peut-être moins connu, à tort je trouve. Tiens, j'en avais un autre, sur des moments cruciaux vécus par de grandes personnalités (l'attaque cérébrale de Haendel, puis sa "renaissance" et sa création de, paraît-il, sa plus géniale oeuvre... quelle? euh... moi et la zicmu classique... ). Où qu'il est mon bouquin?? ça alors ! je l'ai prêté à Pui Mei la Chinoise, qui est partie à Hong-Kong pour 6 mois !!

Le Messie

j'ai ce livre à lire, pris à la médiathèque il y a une semaine, avec 5 autres. Je termine celui que je lis actuellement et je vais me plonger dedans.

Merwyn a écrit:

Le Messie

Oui, c'est cela, l'oeuvre de Haendel ! merci Merwyn.
Quant au titre du livre, il m'échappe...

je n'ai pas eu le temps de parler de ce livre après lecture, je le fais maintenant.
J'ai profondément aimé, l'honnêteté des propos de Zweig, sa lucidité effrayante, le regard qu'il porte sur ce monde inhumain. J'ai ressenti sa désespérance quant à sa propre impuissance à prendre ouvertement parti, comme ses confrères écrivains. Son impossibilité à se situer, à se démarquer. Etait-il lâche en se posant en observateur et non en "fier à bras" devant la montée d'Hitler ? avait-il en lui les ressources suffisantes pour crier haut et fort sa révolte ? en est-il mort ? entrainant son épouse adorée dans sa chute ?
La venue du Japon dans la mêlée y a sans doute été pour quelque chose. Le désespoir ajouté au désespoir, la prescience d'une ombre négative sur l'Europe et au delà, lui ont sans doute porté un coup mortel. Quoi qu'il en soit, ce livre est très beau dans sa douleur.

Patrick Timsit interprète actuellement Zweig pour l'adaptation théâtrale du livre de Seksik.

Personnellement, j'ai un peu de mal à voir Timsit dans la peau de l'écrivain autrichien, mais il faut voir.

Le Figaro est très emballé

«Pour Patrick Timsit, c'est un vrai défi, il transcende et sublime le texte, il porte et en même temps fait oublier Stefan Zweig», s'enflamme l'écrivain.

Le comique moins rondouillard, "je joue à la rentrée “les derniers jours de Stefan Zweig Zweig” avec Elsa Zylberstein, et je dois perdre cinq kilos de plus", se défend de paraître le titi bobo parigot en représentation

Je suis allée voir la pièce hier soir. J'avais beaucoup d'a priori à l'idée de voir Timsit jouer le rôle de Zweig (que j'adore!) et je dois dire que l'acteur ne m'a pas convaincue. La gravité de l'écrivain autrichien a été transformée par Timsit en une rigidité très crispante. Zweig interprété par l'humoriste est un homme sec et froid, ce qui est tout le contraire de l'homme.

Oui, il s'agit de mettre en scène les dernières heures de sa vie, oui, c'est un homme profondément anéanti qui n'a plus goût à rien, mais vraiment l'acteur n'a pas su transmettre tout le drame de cette destinée. Timsit a manqué singulièrement de charisme et n'a eu qu'une seule expression tout le long du jeu : fermée et carrée. Et à certains moments, on sent qu'il y a concentration ; je pense donc que ce rôle n'était pas fait pour lui.

Il sabote un grand nombre de répliques, pourtant sublimes, notamment lorsque Lotte lui demande ce qu'il manque à Pétropolis et qu'il répond fadement, d'un air dépité « Amok ! ».


J'étais assise à côté d'un homme élégant (devant être à la fin de la quarantaine ou à l'aube de la cinquantaine) qui au bout d'environ 20 minutes me dit à l'oreille : « Zweig est massacré ! », un peu plus tard, il m'invite à laisser tomber la pièce avec lui. Il est parti, je suis restée.

Elsa Zylberstein, que j'apprécie beaucoup, a tout sauvé. Elle par contre, elle est parfaite. Sa douceur et son air triste ont très bien rendu la soumission de Lotte. Les costumes collaient aussi avec la discrétion de la secrétaire.

Le décor a été bien choisi : pas de fioritures, l'essentiel se déroule dans un pièce avec une table, trois chaises, un bureau, une tablette et une bibliothèque, le tout donnant sur des images de jardin pour nous rappeler le cadre brésilien.

Enfin, j'ai adoré la musique. La pièce s'ouvre sur un magnifique morceau de piano, ''de Mozart'' selon mon voisin. A d'autres instants, des airs de violon viennent envelopper le couple tragique, c'étaient, il faut quand même le dire, des moments émouvants.

Globalement, je ne conseillerais pas d'aller voir la pièce. J'ai eu ma place à moins 50% ; si j'avais payé plus cher, je pense que ça m'aurait un peu fait les pieds.

Merci Aglaé. Dommage pour Zweig et Laurent Selsik, ce dernier aurait sans doute pu émettre des réserves sur le choix de l'acteur, mais je crois qu'une fois son aval donné au metteur en scène, il n'a plus voix au chapitre.