Abdelkader Djemaï, un moment d’oubli, au Seuil. 85 p.
Premier étonnement, l’emploi du Tu, sorte d’adresse du narrateur à lui-même.
Est-ce une berceuse pour soulager du mal présent, de ce malaise qui lui empâte la bouche, ou lui fait éviter certaines rues ou certaines maisons ?
Pourtant, il semblerait que ce locuteur ne sache pas vraiment où il est. Quant au lecteur, il pourrait identifier le lieu mais seule l’intéresse, la voix qui fait le tour des souvenirs, des personnes connues et aimées, des épisodes heureux qui semblent bien terminés, mais reviennent caresser la mémoire.
A moins que ce soit un récitatif funèbre, une sorte de lamentation qui évite le point douloureux, tourne autour, en rappelant tout ce qui nourrit le chagrin et explique l’actuelle apathie du narrateur.
Que fait-il assis ou à se promener sans but, là où il n’est pas bien ?
Le récit laisse apparaître progressivement les ombres d’une vie qui tout d’un coup a basculé.
C’est prenant, sobre et irrémédiable.
Le malheur, c’est-ce qu’on voudrait effacer, ce qui n’aurait pas dû se produire, et pourtant …