Guillaume de Rubrouck

Voyage à travers la Mongolie-1253.1255-

L’ouvrage.
Un très beau livre édité par l’Imprimerie Nationale.
Présenté par Claude-Claire Kappler, médiéviste et orientaliste chargée de recherche au CNRS, et René Kappler, maître de conférence à l’Université de Strasbourg et menant des recherches sur les rapports entre Occident et Orient au Moyen Age.
Suite à une première édition en 1985, une expédition scientifique a été montée sur les pas de Rubrouck en partenariat avec la Mongolie. Le parcours a été refait à cheval, la route vérifiée, les sites explorés. Des photos ont été prises. Ce qui nous vaut cet ouvrage magnifique et érudit.

Donc d’abord une introduction des Kappler qui présente le contexte historique, politique, économique. Qui nous présente Frère Guillaume. Qui nous explique les aléas des traductions et recherches des manuscrits (Le texte original est bien sûr en latin.). Qui explicite le périple de Rubrouck et précise ce qu’il en a écrit. Une ouverture documentée qui permet d’apprécier le texte même.
Puis le texte qui est une longue lettre que Guillaume écrit à Louis IX (Saint Louis) pour lui retracer son expédition et ses conclusions. Avec tout au long les sublimes photos de Roland Michaud en Mongolie ; des enluminures européennes et orientales ; et d’autres petits documents complémentaires ; le tout en rapport avec le texte lu. Sans oublier trois cartes.
Pour finir « Aperçus d’histoire et de culture » par les Kappler qui permet d’expliciter certaines données.
Bibliographie, notes, index.

Le contexte et Guillaume de Rubrouck.
Les Mongols occupent toute l’Asie Centrale et ont déferlé jusqu’en Europe ; puis se sont arrêtés en chemin pour retourner élire un nouveau Khan. En Europe on pense surtout à Jérusalem et l’ennemi reste le Sarrazin. Cependant pressé par l’Empereur Frédéric II qui voit le Mongols aux marches de ses terres, le Pape envoie une ambassade auprès du Grand Khan. Mangou Khan est le petit fils du grand Gengis et régnera de 1251 à 1259. Puis son successeur dirigera finalement ses pas vers le Catai (la Chine) pour y fonder une grande dynastie ; mais c’est une autre histoire.
Louis IX, après l’échec de la croisade échouée à Tunis, décide d’envoyer un émissaire pour sonder les projets du Khan et éventuellement s’en faire un allié contre le Sarrazin. Sous couvert de vérifier si les informations comme quoi certains Mongols seraient convertis au christianisme, il envoie un de ses proches, le frère Guillaume.
Guillaume est originaire du village de Rubrouck dont il porte le nom ; village sis dans les Flandres (entre Cassel et le littoral). Il est moine franciscain. Erudit, versé dans les écritures, parlant plusieurs langues. De forte corpulence et d’une santé à toutes épreuves. Fin diplomate.
Il partira de Constantinople avec lettres d’accréditation et cadeaux. Ira jusque Caracorum, voyageant à pied ou à cheval, souffrant de la faim et du climat, fidèle aux prescriptions de pauvreté de son ordre. Au retour à Chypre, il apprend que le roi qu’il devait retrouver à Acre est retourné en France. Son supérieur le nomme à Saint Jean d’Acre avec ordre de n’en plus bouger. Il y écrira sa relation pour Louis IX dans une longue lettre en latin Le roi ordonnant, il pourra retourner quelques temps à Paris ; il y rencontrera notamment Bacon qui se servira de son récit pour rédiger son « Opus Majus ». Puis sa trace disparaît…

Le récit.
Guillaume de Rubrouck est un fin observateur et voyage avec l’esprit ouvert et curieux. Il décrira les mœurs et coutumes des Mongols dans ses infimes détails. Il sera reçu par trois grands princes et témoignera de la vie de cour, de la puissance des khans. Il parcourt des milliers de kilomètres et donne un témoignage précieux sur la géographie, le climat, le relief des régions traversées, et leurs populations et peuplades. Il sera ainsi le premier à démontrer que la mer Caspienne est bien une mer fermée. Il analyse et présente les religions rencontrées. Et bien qu’étant convaincu de la seule réalité de Dieu et que la seule vrai doctrine est le Christianisme romain, il reste accueillant à ce qu’il voit et accepte la discussion (où il se montre de plus brillant dialecticien). Il sera aussi le premier à donner un tableau approfondi du Bouddhisme (idolâtrie pratiquée par certains Mongols en corrélation d’ailleurs avec le nestorisme et l’islamisme et des pratiques chamaniques).
Le récit est diversifié et jamais lassant. Guillaume fait preuve d’humour et sa plume est alerte.
Je l’ai suivi avec plaisir et grand intérêt.

Un livre merveilleux.

Le "nestorisme" ... je ne croyais ce culte que pratiqué dans un certain espace virtuel !

De cette découverte de l'Asie et du pays des Mongols, on ne connait finalement que le Livre des Merveilles, de Marco Polo. Pourtant celui-ci ne parvint dans cette partie du globe que 20 ans plus tard ! C'est là qu'il rencontra le successeur de Mangou Khan, Kubilaï Khan, autre petit fils de Gengis et futur empereur de Chine.

L'Histoire est injuste.

Il y a trois jours j'ai visité une exposition du fonds ancien de notre médiathèque consacré justement aux voyages en Mongolie, au XIXe siècle.
Certaines références, rééditées à notre époque, sont inscrites sur ce site ecrivains-voyageurs.net

En ce qui concerne Marco Polo et ses oncles, leur route se situe plus au sud de celle de Rubrouck.

Merci Bernique pour ton lien et cette liste intéressante d'ouvrages.

J'en profite pour signaler que le village de Rubrouck est jumelé avec le village de Baltan en Mongolie; que des échanges ont lieu ; et que en juillet bien souvent les mongols viennent planter leur yourte à Rubrouck.
Voir le site ci après:http://www.guillaumederubrouck.fr/sitegdr/

"Une yourte à Rubrouck" ... avec un titre pareil on se croirait dans un Simenon !