Isabelle Eberhardt

Isabelle Eberhardt nous fait voyager dans les ruines romaines de Timgad (Algérie) où l'on découvre une tribu de pasteurs dont une fille, Yasmina, belle comme l'astre du jour, pure comme l'eau des dunes, candide comme un ange, est promise à 14 ans à un cafetier borgne en ville. Là l'immensité de la plaine, le rêve l'imaginaire transportent tout un chacun.

Yasmina fait paitre son petit troupeau et se soumet fatalement à l'idée du mariage, fatalité religieuse et de moeurs. Cependant le destin lui réservait autre chose : Jacques, un bel offiocier, venu droit de Paris, d'âme encore pure, est affecté dans ce canton. Il y rencontre Yasmina et en tombe fou amoureux. Il la séduit et elle, follement amoureuse, se donne à lui. Jacques passe un séjour dans les délices avec son amante, puis il est affecté dans le sud-oranais ( certainement Ain-Sefra); les adieux furent émouvants, mais implacables. Il rejoint son nouveau poste, tombe amoureux d'une Espagnole; puis c'est le mariage.

Le hasard veut qu'il revient à Timgad et il rencontre Yasmina qui, entre temps s'était mariée et tombée dans le veuvage. Elle saute de joie, mais son illusion meurt vite; Jacques lui dit la vérité et qu'il ne voulait plus d'elle. Dans son veuvage, elle fait danseuse et elle est la proie des hommes, si bien qu'elle contracte une grave maladie pulmonaire. Bêtement, Jacques lui donne un peu d'argent; elle le jette; il s'en va; elle reste seule, secouée par une crise qui lui coûte la vie.
Il s'était converti naivement à l'islam, sur la demande de Yasmina qui crut qu'il allait l'épouser. Car, avait-elle dit, une musulmane ne pouvait pas épouser un chrétien , ni un juif. Ici, on est loin de la tragique histoire d'amour de Dona Blanca et de Abencerage dans Chateaubriand.
www.bencherif.unblog.fr
www.ronsard.e-monsite.com

bencherif a écrit:

, Isabelle Eberhardt est le point commun qui lie ta ville à la mienne. Elle est née à Genève, inhumée à Ain-sefra; c'est notre file et je lui ai consacrée une rubrique sur mon blog. Le 21 octobre 2004, nous avons commémoré le centenaire de sa disparition tragique; (emportée par l'oued sur mo site, il y'a une photo d'elle dans un linceul); d'ailleurs Genève a aussi célébré le centenaire et le docteur Rochd-Kemph, le grand spécialiste d'Isabelle, a fait conférence dans les deux villes.

merci de toutes ces précisions, Bencherif, et nul doute que je lirai Isabelle Eberhardt le plus tôt possible.

Yasmina et autres nouvelles algériennes est publié chez liana levi


Amours nomades est publié chez Folio 2

goûtez à ce délice d'Isabelle Eberhardt:
"Réflexions du soir
Le soir - encore un soir - tombe sur la zaouïa somnolente. Des théories de femmes drapées, flammées de couleurs vives, s'en viennent à la fontaine comme depuis deux siècles d'autres y sont venues, avec la même démarche souple et forte des reins, les pieds nus posés bien à plat sur le sol poudreux, d'autres qui passèrent ici et qui ne sont plus aujourd'hui qu'un peu d'ingrate poussière perdue sous les petites pierres du cimetière de Lella Aïcha.

Le vent léger frissonne dans les palmes dures d'un grand dattier héroïque, dressé derrière le mur comme un buisson de lances. De tous les arbres, le dattier est celui qui ressemble le plus à une colonne de temple. Il y a de la guerre et du mysticisme, une croyance en l'Unique, une aspiration, dans cet arbre sans branches. L'Islam naquit comme lui d'une idée de droiture et de jaillissement dans la lumière. Il fut l'expression dans le domaine divin des palmes et des jets d'eau.

Je sens un calme infini descendre dans le trouble de mon âme lasse. Ma légèreté vient de moi-même. Du poids d'un jour brûlant enfin soulevé et de la douceur de l'ombre naissante sur mes paupières sèches.

C'est l'heure charmante où, dans les villes du Tell, des alcools consolateurs exaltent les cerveaux paresseux... Quand le ciel chante sur les villes, l'homme a besoin de se mettre à l'unisson et, manquant de rêve, il boit, par besoin d'idéal et d'enthousiasme.
Heureux celui qui peut se griser de sa seule pensée et qui sait éthériser par la chaleur de son âme tous les rayons de l'univers !
Longtemps j'en fus incapable. Je souffrais de ma faiblesse et de ma tiédeur.

Maintenant, loin des foules et portant dans mon coeur d'inoubliables paroles de force, nulle ivresse ne me vaudra celle qu'épanche en moi un ciel or et vert. Conduite par une force mystérieuse, j'ai trouvé ici ce que je cherchais, et je goûte le sentiment du repos bienheureux dans des conditions où d'autres frémiraient d'ennui ...

du plaisir

Yamina fait une trentaine de pages, et comme prévu, je me le suis procuré. L'incipit me paraît remarquable. C'est pour moi une découverte dont je te remercie.

Yasmina, qui fait partie des "nouvelles algériennes" d’Isabelle Eberhardt, raconte une tragique histoire d’amour où la naïveté première de la jeune fille (elle a entre 14 et 15 ans) suscite l’intérêt puis la passion de Jacques, un officier français du corps des spahis. L’exotisme et un refus de la brutalité ambiante conduisent le jeune idéaliste à nouer une idylle éphémère (1) avec la jeune bédouine.

Citation :

(1) « Il ne comprenait plus combien cette première forme de son « moi » conscient avait été meilleure et plus belle que la seconde, celle qu’il devait à l’esprit moderne vaniteux, égoïste et frondeur qui l’avait pénétré peu à peu »

Plus qu’une nouvelle, je dirais que c’est un conte oral destiné à une lecture publique : on y reconnaît la peinture de personnages bien typés dont le narrateur explique les comportements, la présence de paysages , des dialogues, situations et péripéties propres à la séduction du public.

L’histoire est bien construite, un peu sur le modèle des chansons mélodramatiques de la même époque, où la pureté de l’amour se confronte à la vulgarité ambiante, où la jeune fille, trahie et abandonnée, devient la victime d’un égoïsme bien occidental.

L’écriture du conte oral, souvent habile dans le déroulement de l’histoire, cède alors à quelques clichés comme « Les fonctionnaires ignorants et brutaux, » ou « les paysans illettrés et obscurs ».

Dans Yasmina, Isabelle Eberhardt a la bonne idée de situer son histoire dans Timgad, la ville au passé romain, mais dont l'actualité devrait bien servir d'avertissement aux nations orgueilleuses qui visent la domination :

Citation :

"Un amphithéâtre aux gradins récemment déblayés, un forum silencieux, des voies désertes, tout un squelette de grandes cité défunte, toute la gloire triomphante des Césars vaincue par le temps et résorbée par les entrailles jalouses de cette terre d’Afrique qui dévore lentement mais sûrement toutes les civilisations étrangères et hostiles à son âme.."

avertissement qui jette dès le départ une ombre sur l'idylle entre Jacques et Yasmina. Pourtant, Isabelle utilise pour ces moment heureux de leur liaison le même verbe :

-

Citation :

Elle vivait. Elle était heureuse simplement, sans réflexion etsans autre désir que celui de voir son bonheur durer éternellement.

(p 53)

-

Citation :

Jacques ne pensait plus, il vivait.
Et il était heureux.

(p.54).

En même temps on est frappé par le contraste entre les lieux, celui vierge et ensoleillé de leurs amours, et le Village-Noir de la fin.

Avant Claude Lévi-Strauss, Isabelle Eberhardt (1) aborde le thème de l'occident mortifère.

(1) Dans la vie courante, Isabelle Eberhardt "personnage enigmtique, vêtu d'un burnous blanc et coiffé du turban des nomades" se faisait appeler Mahmoud Saadi, nom sous lequel elle signait ses articles dans les journaux d'Alger.

ton appréciation, dépouillée de tout préjugé, tient de l'hommage, plus que de la critique littéraire qui, elle aussi, dénote une haute reconnaissance à cette écrivaine engagée qui continue d'alimenter diverses spéculations; je la cite :

Citation :

" Un amphithéatre aux gradins récemment déblayés , un forum silencieux, tout un squelette de grande cité défunte, toute la gloire des Césars vaincue par les entrailles jalouses de cette terre d'Afrique qui dévore lentement, mais sûrement, toutes les civilisations étrangères ou hostiles à son âme. "

Ecrivaine, femme de foi, une mystique, une sainte qui, par cet avertissement, nous révèle une prémonition, avérée un siècle plus tard.

Jean Dejeux, dont il fut question à propos de Rabah Belamri montre à quel point Isabelle Eberhardt est revendiquée par les différents milieux, algériens et européens.

Son livre "Femmes d'Algérie", (1) "légendes, traditions, histoire, litterature" , tout un chapitre à Isabelle Eberhardt, mentionnant au passage le poète Ahmed Chami d'Aïn Sefra, ville bien connue des grains par la présence de Benchérif

(1)Editions la boîte à documents Paris 1987.
Jean Dejeux est chargé de cours au Centre international d'études francophones de paris IV Sorbonne, et à l'institut national des langues et civilisations orientales.

Mélanges offerts à Jean Déjeux
Appel à contribution
Information publiée le lundi 8 décembre 2008 par Matthieu Vernet (source : ridha bourkhis)
Date limite : 31 avril 2009


Jean Déjeux était l'un des plus grands critiques de la littérature maghrébine de langue française à laquelle il a réservé pas moins de 16 ouvrages publiés chez différents éditeurs français, canadiens et algériens. Il enseignait aussi cette littérature au centre francophone de Paris-Sorbonne et à l'Inalco, à Paris. Mort en 1993, à l'âge de 73 ans, il a laissé chez beaucoup de chercheurs le souvenir d'un homme droit et travailleur qui a beaucoup apporté aux étudiants et aux lecteurs de cette littérature. J'organise pour lui des Mélanges qui se construiront autour du thème de "La rhétorique de la passion dans le texte maghrébin" (Un texte de voitre choix). On peut aussi écrire un texte sur feu Déjeux, sur sa méthode de recherche, sur ses ouvrages. Des chercheurs de France, du Maroc, de Tunisie, d'Espagne, etc m'ont déjà écrit pour me faire part de la contribution qu'ils apporteront à ces Mélanges, pour moi, nécessaires et utiles : en rendant hommage à cet éminent chercheur, ces Mélanges permettront de réunir plusieurs plumes et plusieurs horizons autour d'un homme et d'un thème dont l'étude enrichira sans doute la recherche en matière de cette littérature francophone.

J'attends votre participation (L'intitulé de l'article que vous écrirez (entre 7 et 10 pages), un résumé de 5 ou 6 lignes et votre brève notice bio-bibliographique)

Bien cordialement

Ridha Bourkhis

Maître de conférences habilité à diriger des recherches(Professeur)

Université de Sousse (TUNISIE)

Je mettrai ce post sur le fil Rabah Belamri, où il est question de jean Déjeux ou sur le fil d'isabelle Eberhardt, de façon à réduire le nombre de fils trop important sur ce forum.

Par ailleurs je propose de mettre les auteurs algériens que tu cites, Bencherif, sur le fil des auteurs afrique et moyen orient, non par discrimination, mais pour des raisons d'équilibre dans les forums : on risquerait d'avoir un fil auteurs français plethorique et un fil auteurs d'Afrique et du maghreb reduit à pas grand chose.

c'est une sacrée personnalité !

Une très étrange jeune aristocrate russo-française, elle se convertit à l'islam, apprit l'arabe, partit au Maghreb et le sillonna, déguisée en jeune garçon, écrivant pour quelques journaux, et finit à 26 ans noyée en plein coeur du désert !
Elle écrivait bien, quel dommage !

J'aurais pu la mettre dans "Récits des voyageurs", mais ce fil est un peu dormant, et puis, elle a écrit des nouvelles.

voir cette page

Comme je viens de lire un essai sur cette étonnante voyageuse, dont je connaissais un certain nombre de pages éparses, je place un lien sur elle ici, car c'est bien sa place. J'en avais mis un sur le fil général des écrivains français, et donc Nestor peut l'effacer.
Morte à 27 ans dans l'inondation d'Aïn Sefra, elle n'a pas eu le temps d'écrire beaucoup, et c'est une sorte de désastre, car son intelligence était extraordinaire. Un tel destin laisse rêveur.
L'essai en question : Si Mahmoud, ou la renaissance d'Isabelle Eberhardt, par Catherine Stoll-Simon, collection Zellige.

chez Grasset.

Ecrits sur le sable, d'Isabelle Eberhardt. le premier volume, réunit l'intégralité des {Journaliers}, des Notes de Route et de Vagabondages. Ces textes constituent la chronique de ce que vécut Isabelle Eberhardt dans le Sahara.

Voici l'oeuvre d'Isabelle Eberhardt, rétablie dans sa forme originelle et ordonnée comme elle l'aurait souhaité. Un second volume paraîtra, comportant les oeuvres romanesques.

dit l'éditeur Grasset.

A noter que Leila Sebbar a été tres impressionnée par Isabelle Eberhardt. Elle fait son portrait dans



80 p. avec des dessins de Sébastien Pignon.