Edgar Poe

Nestor, qui a une âme de ménagère, rattache le fil à Edgar Poe

J'ai aimé Poe avec "Double assassinat dans la rue Morgue", une nouvelle de moins de 100 pages. Cela dit, je ne pense pas être tombée sur son meilleur cru et poursuivrai avec un autre livre de lui pour me faire une opinion plus approfondie.

Présentation de l'auteur : rien n'est plus frappant en réalité que le contraste entre la vie et l'oeuvre d'Edgar Poe, souvent considéré comme l'inventeur du roman policier. Comme le résume très bien l'écrivain argentin Jorge Luis Borges : "C'est un homme qui eut, comme on sait, une vie malheureuse. Il mourut à quarante ans, rongé par l'alcool, la mélancolie et la névrose. Nous n'avons pas à entrer dans les détails de cette névrose; qu'il nous suffise de savoir que Poe fut très malheureux et qu'il vécut prédestiné au malheur. Pour s'en libérer, il se mit à exercer, sans doute exagérément, ses facultés intellectuelles. Borges met le doigt sur l'un des plus grand paradoxes de la littérature : cet homme tourmenté dont la vie s'apparente à un calvaire, faite de privations affectives, de déchéances multiples qui le conduisent à mourir en solitaire dans une rue de Baltimore, créa sans le savoir, dans les années 1841-1844, un genre littéraire nouveau, sans doute en partie pour se libérer de ses obsessions et de ses angoisses.

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Ce livre est une enquête policière sur un crime

Ce qui m'a le plus déplu, c'est une écriture que je trouvais trop "scientifique", analytique". On dirait que Poe met tout à distance. Cela rend le roman assez froid je trouve.
.
Ce qui m'a le plus déplu,

les "nouvelles extraordinaires", sont ce que dit le titre, l'une plus magistrale que la suivante, une oeuvre fascinante, ces petites nouvelles donnent le frisson et on ne les oublie jamais. J'ai lu ce livre plusieurs fois, il y a longtemps, et toujours avec effroi et plaisir.

La chute de la maison Usher tente à juste titre des metteurs en scène de talent qui mettent tous les arts à son service.

j'aime bien aussi les illustrations de Lorenzo Mattotti



pour le poème le Corbeau.

Il a bien compris l'imaginaire de POE avec ces images splendides et effrayantes : ne les ratez pas !

Panta a écrit:

J'ai aimé Poe avec "Double assassinat dans la rue Morgue", une nouvelle de moins de 100 pages. Cela dit, je ne pense pas être tombée sur son meilleur cru

c'est une des facettes de Poe, cette déduction logique si bien illustrée par le Chevalier Dupin, et dont se réclame Sherlock Holmes. J'en ai gardé l'idée qu'une en quête et la résolution d'une énigme ne devait pas flouer le lecteur, mais expliquer rationnellement l'invraisemblable, comme dans la lettre volée, ou le Scarabée d'or, un chef d'oeuvre de méthodologie.

Une autre facette serait le puits et le pendule avec des visions oniriques, et une exploration du rêve : j'y trouve l'absence de son, l'impuissance du dormeur, l'impression qu'il rêve dans son rêve et se réveille - ce qu'il ne fait pas !, l'intrusion d'éléments extérieurs, de rumeurs transformées en fantasmes, et une chute qui donnerait une clé.

Cette nouvelle crée en nous les états émotifs extrêmes que nous avons dans les cauchemars, et en même temps une sorte d'aperçu de notre condition : le pendule est le symbole du Temps, comme explicité dans cette nouvelle.

je me demande ce qu'en ont pensé les surréalistes. Si vous avez des idées sur le sujet, parlez-en.

J'ai vu que Marie Bonaparte avait écrit en Edgar Poe (1) en 1933, elle avait traduit des nouvelles. Le livre n' est pas réédité, on le trouve d'occasion pour 150€.

J'aurais aimé le parcourir car ses analyses sur Hugo étaient remarquables. Il faut avouer aussi qu'Edgar Poe est un sujet de premier choix.

(1) Edgar Poe : Sa vie, son oeuvre, étude analytique par Marie Bonaparte. Avant-propos de Sigmund Freud

Je suppose que l'édition en Pleiade fait le point de ces lectures.

A signaler : la préface des "Nouvelles histoires extraordinaires" signée Baudelaire, notamment sur la poésie et la Beauté ; les traductions des poèmes d'Edgar Poe par Stéphane Mallarmé.

je pense qu'une vie entière ne suffirait pas por parler de Poe. Sa vie ,un sujet digne d'une analyse psychiatrique, et son oeuvre qui a laissé une marque indélébile dans la littérature.Un personnage d'une vie frustrée, mais la littérature se nourrit souvent de frustrations
Poète et auteur inoubliable.

Je viens de finir de lire une de ses (nombreuses) biographies, celle de Peter Ackroyd, traduite en français aux éditions Philippe Rey...
Je n'ai pas appris grand chose, car c'est très narratif. Mais bon, ça m'a donné envie de me replonger dans la prose de mec génial, ce que je vais faire dare-dare...
Bisous à tous
@+

Une petite contribution en prélude du comparatif entre Holmes et Dupin que j’envisage de préparer (j’adore Conan Doyle et Poe, tout comme Hemingway ce sont des auteurs qui me font voyager…) Ainsi serait il intéressant de situer Edgar Poë et son époque :
Poë est né en 1809 aux Etats Unis, ce pays s’est constitué seulement vingt ans auparavant en réunissant treize états issus de treize colonies britanniques, indépendant depuis 1776 . Cet état est en pleine expansion, divisé entre « fédéralistes » ayant pour référence l’Angleterre traditionnaliste, aristocratique et puritaine – et les « républicains » séduits par les idées de la France révolutionnaire. La préoccupation du peuple américain est alors l’amélioration des moyens de transport et la création de routes afin de rejoindre le lointain ouest. A la naissance de Poë la littérature américaine n’a pas encore d’histoire, pas de textes fondateurs, pas de mythologie, pas encore de bases de pensée originale proprement américaine. Seuls deux auteurs : James Fenimore Cooper (1789-1851) et Harriet Beecher Stowe (1811-1896) font connaître la littérature américaine au monde en traitant de sujets nationaux. Mais ils sont encore influencés par la vieille Europe.
Poë ne cherche pas d’originalité nationale, il ne cherche pas à représenter l’Américain citoyen d’un Nouveau-Monde idéal. Les personnages qu’il crée doivent se comporter en poètes, il introduit la fiction dans ses histoires, l’imaginaire comporte une énigme à déchiffrer avec un sens qu’il faut chercher à comprendre. C’est en tous cas ainsi que je le vois, et en poussant plus loin on pourrait relever une certaine folie ainsi que le dit dans « la lettre volée » le préfet : « tous les poètes sont fous ». Selon Poë le mystère est une faiblesse de l’esprit et ses héros intermédiaires (tel Dupin) entre l’auteur et le lecteur dominent ce mystère. C’est ainsi que Poë a créé une œuvre originale, en même temps, faisant cela il se débarrasse de ses influences européennes afin de devenir un « auteur américain »….

Ce qui me fascine chez Poe c'est la manière dont il traite la monomanie. A cet égard Berenice est un petit chef d'oeuvre qui aurait toute sa place dans une discussion sur la littérature et la psychanalyse.

Jusqu'ici je préfère largement le Poe poète que le Poe nouvelliste.

La nouvelle de Poe qui m'a le plus "plue" et marquée, est jusqu'ici celle du Chat noir : la première que j'ai lue de lui, et pour moi la plus effrayante.
J'ai lu la chute de la maison Usher hier, pas mal, mais une lecture peu transcendante.
Dans le genre, je crois avoir préféré les contes fantastiques de Maupassant, un véritable maître de la peur pour moi.
Peut-être est-ce ce côté plus cérébral de Poe dans son écriture qui m'empêche une immersion plus directe et profonde ? Ou peut-être est-ce parce que j'ai commencé à saisir sa façon de nous faire peur ? Je ne sais pas.

Je me suis peut-être fait un avis trop rapide sur ses nouvelles, je ne sais pas. Quelques uns m'attendent, je les lirai tantôt.
Ou peut-être est-ce mon rapport étrange à la littérature qui fait que je ne m'immerge pas assez dans mes lectures, allez savoir.

En tous cas je le retiens surtout comme poète. Il est l'un des seuls que j'ai lu lors de mon voyage en Angleterre, et à chaque fois c'est un plaisir des sens renouvelé.
Son sens de la sonorité je le crois, est parmi les plus brillants, j'en suis convaincu : le lire en Anglais est une exquise gâterie que l'on s'offre.
Sa poésie souvent sombre, mais toujours teintée d'un pétillant espoir, si infime soit-il, est extraordinaire.

"Her love in her luminous eyes", rien que ce vers tiré de je ne sais plus quel poème de l'auteur -Ulalume - A Ballad -, me rend fou, je trouve la sonorité tellement parfaite, subtile, ronde même, elle me rend fou, rien que voir les mots sans les entendre, j'y trouve quelque chose de magnifique, de somptueux.

"For her, the fair and debonair, that now so lowly lies,
The life upon her yellow hair, but not within her eyes -"

Idem, la sonorité extraordinaire de ces vers, tirés du poème Lenore, -"now so lowly lie" particulièrement est l'un de mes souvenirs les plus vifs- est tellement sublime qu'elle transperce le coeur du lecteur à chaque fois.
Le rythme aussi, je trouve qu'il a du génie dans son rythme, je ne saurais expliquer tellement pourquoi ni comment...

Bref. J'adore Poe poète, un pur génie pour moi à cet exercice-là, et j'aime moins le Poe nouvelliste, voilà, c'est dit ! Long live his poems !

Citation :

La nouvelle de Poe qui m'a le plus "plue" et marquée, est celle du Chat noir : [...]t pour moi la plus effrayante.

je te suis à 100%

"je vis semblable à un bas relief sculpté sur la surface blanche, la figure d'un gigantesque chat. L'image était rendue avec une exactitude vraiment merveilleuse. Il y avait une corde autour du cou de l'animal.

Tout d'abord, en voyant cette apparition - car je ne pouvais guère considérer cela que comme une apparition, - mon étonnement et ma terreur furent extrêmes.

Ce passage m'impressionne fortement. Il me fait penser à un graffiti ; en même temps Poe le voit comme une apparition

A noter que son célèbre poème 'The Raven' a été adapté en chanson par divers artistes. Il me vient en tête la version d'Omnia, mais je sais qu'il en existe d'autres.

Ce même poème a également été repris dans un des épisodes d'Halloween des Simpsons.

oui, avec lou Reed et l'album illustré de lorenzo Mattotti.

c'est fabuleux !

Histoires extraordinaires de Edgar Allan Poe
GF Flammarion

- Double assassinat dans la rue Morgue
- La Lettre volée déjà lus, je verrai plus tard si envie de relire.
- Le Scarabée d'or - prévu en août pour la lecture commune.

- Le Canard au ballon, je viens de le terminer. Rien de fantastique, un voyage en ballon assez ennuyeuse, pas vu l'ombre d'un canard.

- Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall (1839), commencé hier soir, encore une histoire de ballon... tout aussi ennuyeuse que la précédente.
Dans cette nouvelle, présentée sous la forme d'un journal, un homme nommé Hans Pfaall entame un voyage fantastique en ballon, partant de Rotterdam dans le but d'atteindre la Lune.
Il y est question encore une fois de canard...

canular, Synonymes : attrape, blague, bobard, canard, farce, imposture, mystification.

Manuscrit trouvé dans une bouteille (1833)... en cours de lecture, voyage en mer,
http://merveilleuxscientifiqueunblogfr.unblog.fr/2010/04/20/manuscrit-trouve-dans-une-bouteille-mystere-et-horreur-dans-l-antarctique/

je lirai la suite dans l'ordre
- Une Descente dans le Maelstrom (1841)
- La Vérité sur le cas de M. Valdemar (1845)
- Révélation magnétique (1844)
- Souvenirs de M. Auguste Bedloe (1844)
- Morella (1835)
- Ligeia (1838)
- Metzengerstein (1832)

mazel a écrit:

- Le Canard au ballon, je viens de le terminer. Rien de fantastique, un voyage en ballon assez ennuyeuse, pas vu l'ombre d'un canard.

on croirait entendre un chasseur

je ne lirai pas tous les titres, mais je commencerai par le scarabée d'or dans quelques jours.

on pourra penser aux illustrateurs d'Edgar Poe et notamment à laurent Mattoti

rotko a écrit:

mazel a écrit:

- Le Canard au ballon, je viens de le terminer. Rien de fantastique, un voyage en ballon assez ennuyeuse, pas vu l'ombre d'un canard.

on croirait entendre un chasseur

je ne lirai pas tous les titres, mais je commencerai par le scarabée d'or dans quelques jours.

on pourra penser aux illustrateurs d'Edgar Poe et notamment à laurent Mattoti

bonne idée pour les illustrateurs, mais rien compris pour mettre des images sur gds (rire)

je t'envoie un mode d'emploi, si difficultés, tu me dis où ça cloche,

sinon, tu me les envoies, Nestor les mettra.

rotko a écrit:

je t'envoie un mode d'emploi, si difficultés, tu me dis où ça cloche,

sinon, tu me les envoies, Nestor les mettra.

ok, je vois ça

rotko a écrit:

on pourra penser aux illustrateurs d'Edgar Poe et notamment à laurent Mattoti

Ah oui !

Plus classiques, les illustrations de The Raven (Le Corbeau) par Gustave Doré ou Édouard Manet.

c'est noté, bien reçu le mode d'emploi, je lance une recherche cet après-midi et j'essaie...

Luca a écrit:

La Lettre volée est une histoire fascinante si on ajoute à sa lecture l'analyse qu'en fait Lacan. Troublante. C'est pour l'instant la seule que j'ai lue.

un procédé intelligent, voire retors, souvent utilisé publiquement avec un incroyable aplomb par des hommes publics.

c'est pourquoi j'avais apprécié, dans un contexte difficile, des gens très bien d'Alexandre Jardin, le seul livre que j'aie lu de lui, et où il met, à ses risques et périls, les pieds dans le plat familial et public !

On peut penser à Papon, à qui Didier Daeninck, dédiait "meurtres pour memoire"

rotko a écrit:

je t'envoie un mode d'emploi, si difficultés, tu me dis où ça cloche,

sinon, tu me les envoies, Nestor les mettra.

En pleine exploration, pour l'instant je recherche, on verra après pour essayer le mode d'emploi,

Byam Shaw
http://ebooks.adelaide.edu.au/p/poe/edgar_allan/shaw/#plate01

Harry Clarke
http://chawedrosin.wordpress.com/2009/10/29/harry-clarkes-illustrations-for-edgar-allan-poe/

la lettre volée

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La lettre volée : une histoire « simple et bizarre » de document introuvable. Poe en fait une narration très sobre en trois étapes :

1) Visite du préfet à Dupin pour lui demander conseil. Cette visite (dans le noir !) permet à Dupin de confirmer son opinion sur le personnage : un homme soucieux dans son vocabulaire de superlatifs, et dans ses démarches de recherches complètes et alambiquées .

Le récit permet au détective d’éliminer les cachettes vraisemblables du document, tout en circonscrivant étroitement l’endroit où le document est dissimulé : à portée de main.

2) les leçons de Dupin :

- la théorie repose sur l’évidence qu’un esprit littéraire est supérieur à un esprit mathématique,

- et que tout joueur doit s’identifier à son adversaire pour raisonner comme lui, et découvrir ainsi son mode d’opération.

La pratique repose sur l’observation de deux bons joueurs : l’un au jeu de pair/impair, l’autre au mot caché sur une carte de géographie. Le troisième est le ministre que Dupin copie dans sa démarche.(4é joueur)

la lettre volée

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3) La comédie de Dupin : non sans humour puisqu’il porte des lunettes - non pour voir mais pour ne pas être vu, dans l’investigation de ses yeux.

Il donne le change au ministre par une conversation animée sur un de ses sujets favoris.

Il opère une substitution de documents, telle que le ministre l’avait fait pour s’emparer de la lettre compromettante.

Le ministre avait masqué l’apparence du document en l’altérant et en modifiant sa présentation comme sa calligraphie, Dupin abuse à son tour le ministre par un document semblable dans son apparence - mais bien différent dans son contenu.

- Un douce vengeance sur le préfet qui avait ironisé sur le génie littéraire de Dupin : celui-ci résout l’ énigme et empoche une part importante de la récompense, sans révéler le fin mot de l'histoire au policier.

- Douce vengeance aussi sur le ministre à qui il fait payer un ancien jeu de mots injurieux, et à qui il joue un tour pendable, signé, en tout point identique à celui que le ministre avait projeté : le Haut personnage sera donc victime de sa propre machination.

Citation :

« sa chute ne sera pas moins précipitée que ridicule »

CQFD, cérébralement bien joué !