Madeleine Bourdouxhe

la femme de Gilles a été adapté au cinema par Frédéric Fonteyne, avec Emmanuelle Devos, Clovis Cornillac, Laura Smet

Citation :

Dans le milieu ouvrier des années trente, Elisa est la femme de Gilles. Ce dernier travaille dans les hauts-fourneaux, parfois le jour, parfois la nuit. Elisa s'occupe des enfants, de la maison et vit chaque jour dans l'attente du retour de Gilles.
Victorine, la soeur d'Elisa, vient souvent lui rendre visite pour jouer avec les enfants et donner un coup de main.
Elisa attend un enfant. De drôles d'idées lui traversent la tête...

La préface de Thierry Haumont qui vante la richesse et la complexité du livre la femme de Gilles me paraît interessante : si ce livre est paru en 1937, et décrit un amour dans la milieu ouvrier, il s'éléve, dit le préfacier, au dessus de ces contextes pour une tragédie pure, sans fioritures mais non sans profondeur.

On peut donc se réjouir que les éditions labor le sortent de son placard et qu'une postface assiste le lecteur ou la lectrice dans son parcours.

J'y entre donc hardiment, avec quelques grains sans doute ?

L'histoire est racontée dans un style concis qui prend ses racines dans le coeur et le corps de la femme de Gilles. L'auteur se fait son interprète, en particulier dans son regard sur sa soeur :

Citation :

Il y en a chez qui le coeur se développe d'une façon démesurée. Pour Victorine c'était le sexe qui prenait toute la place. Elle était née comme ça, elle n'y pouvait rien la pauvre fille. Mais tout de même c'est bien dégoûtant d'être comme ça.

Citation :

Victorine est de ces êtres qui n'ont pas conscience de leurs actes. Elle promène par la vie sa vie irresponsable.

La femme de Gilles souffre en silence, murée dans sa tragédie solitaire. On souffre avec elle.

une auteur Belge, son livre est sorti en 1937.
à la suite mon commentaire

Une ambiance industrielle d’avant guerre, écrite en 1937

On y croise trois personnages principaux qui donnent forme au roman.
Gilles ouvrier dans une usine
Elisa sa femme
Et une autre qui va déclencher le drame.
Elisa et Gilles , un couple qui partage un amour doux, presque idéal
jusqu’à ce qu’une autre femme vienne à tout détruire
Il tombe dans une passion orageuse pour cette fille qui s’est introduite dans la famille, une jeune sans morale qui joue avec son amour

La femme de Gilles attend patiemment que cette aventure finisse, mais le temps passe et Gilles ne peut ni veut s’en sortir.
Elisa comprend et continue à`attendre ; cette épreuve lui demande une patience sans égale. Ce caractère de femme est une négation de soi-même, elle n’est rien, elle est née pour l’aimer. Elle le soulage en silence, pense qu’elle le guérira, tandis que lui qui la prend comme confidente lui avoue que cette passion le dévore .

Citation :

« Le jour oú il rentre, la lèvre marquée d’une petite meurtrissure, dont le cœur d’Elisa gardera la trace bien plus longtemps que la lèvre de Gilles »

Elle garde tout son chagrin, toujours en silence, ni Dieu même peut l’aider.

Soudain, comme parfois dans la vie, le problème a cessé d’exister, et Gilles revient à sa femme , à sa famille.

Mais un changement s’était opéré dans le cœur d’Elisa, combien de temps une âme fragile peut-elle supporter la souffrance ?

Quand elle devait être á la place pour soutenir Gilles, elle avait la force, maintenant tout son être était tombé dans la faiblesse, dans l’incertitude, dans le doute.

Elle n’est plus la femme de Gilles, elle est femme simplement. Elle ne croit plus Gilles ni son repentir, ni son amour. Elle se demande si elle l’aime encore et ne trouve pas de réponse.

Cette longue période de désespoir avait ébranlé sa vie entière, elle est découragée, seule avec sa déception, une angoisse s’empare de son être et elle prend une décision tragique

Un roman émouvant, de tous les personnages celui d’Elisa nous touche le plus. Une femme qui s’efface pour devenir l’ombre de l’homme qu’elle aime, être à son service, pardonner ses fautes , elle est à plaindre.
On se demande si de nos jours il existe des femmes comme »La femme de Gilles »
Un livre bon à lire, bien écrit, d’une lecture facile et qui fait penser. Une douloureuse histoire sentimentale.

Je me demande pourquoi depuis l’aube de la littérature, la plupart des écrivains et poètes ont chanté l’amour sous toutes leurs nuances : amours douces, amours coupables, amours tragiques.
La réponse je l’ai trouvée dans une pensée de Emile Ajar:

Citation :

« L’amour est seulement un mot qui sonne mieux que les autres »

Les jours de la femme Louise
et autres nouvelles

Je suis contente que vous ayez apprécié La femme de Gilles.
Dans ce recueil de nouvelles il s’agit de femmes, de femmes qui vivent des vies banales et s’enfuient de leur quotidien par le rêve ou le fantasme ; elles sont femme de garagiste ou servante, femme au foyer pliant sous les tâches quotidiennes ; des femmes simples qui s’inventent un autre monde plus gai, plus original ; certaines n’ont que de simples rêves comme aller au bal et s’oublier dans la danse, mais…Il y a aussi la relation aux hommes, mais si elles pensent amour, ceux-ci sont beaucoup plus pragmatiques, et souvent lointains. Madeleine Bourdouxhe cerne ces femmes avec emphatie, mais sans mièvrerie, avec justesse et sensibilité ; une écriture sobre, sans fioritures, peut-être parfois un peu sèche.
C’est aussi un tableau social précis et réaliste de cette époque de fin de guerre et après guerre. Comme cette nouvelle qui évoque les piquets de grève…

Même si je ne veux pas lui contester son envergure universelle, la "femme de Gilles" est avant tout une femme bien enracinée dans sa région du nord, le contexte de l'entre-deux guerres, et le milieu ouvrier.

Son mari souffre, c'est évident, mais tout à sa passion, à son désir, et à sa jalousie, il manque singulièrement de tact et de jugeote. Il aurait dû sentir que la compassion de sa femme pour ses malheurs amoureux n'était pour elle qu'une manière de rester proche de lui en attendant une meilleure entente sentimentale.

Si on se place d'un point de vue pratique, elle a raison de ne pas le brusquer et de fermer les yeux sur"ses incartades". Il aurait dû lire le lys dans la vallée où Balzac, fort avisé, fait dire à son héroïne qu'on ne confie pas au nouvel amour les souvenirs de l'ancien. Bref, ce n'est pas un manuel d'éducation sentimentale, encore qu'il soit bon de connaître certains fondamentaux

J'ai donc aimé ce livre pour le personnage féminin - dont on adopte le point de vue, et pour le style sobre et concis qui creuse les situations et les drames. Merci à Nymphéa de me l'avoir fait connaître, et je me réjouis qu' Amadak, par un jeu de circonstances inédites, ait pu se le procurer en Argentine et en parle sur ce fil.

rotko a écrit:

il manque singulièrement de tact et de jugeote

d'un égoïsme sans borne et d'une goujaterie révoltante....

J'ai lu le livre juste après Histoire d'un mariage de Greer qui met aussi en scène un couple détruit par une tierce personne, 20 ans plus tard et aux USA....
un tout autre contexte, d'autres préjugés, d'autres moeurs...
cependant dans les deux livres la femme du couple "ferme les yeux", souffre en silence...

être ""La femme de" c'est ce que j'ai refusé adolescente, préférant payer le prix de l'indépendance....
et cet amour servile m'est étranger, en cela le livre ne m'a rien apporté et je n'ai ressenti aucune émotion, trop distante par rapport aux personnages

MAIS la solitude et l'enfermement d'Elisa sont dépeints avec une telle sobriété et une telle justesse qu'il faut lire ce livre, très court mais d'une telle intensité qu'il est inoubliable

La "femme de Gilles" n'est pas présentée comme un modèle à suivre, mais c'est vrai qu'on a tendance à juger les personnages et leurs conduites. D'accord avec toi sur l'intensité de ce roman, et aussi la peinture sociale ( la mère de Victorine ne voit rien, les voisines cancanent etc, si bien qu' Elisa est vraiment condamnée à une solitude complète.)

rotko a écrit:

La "femme de Gilles" n'est pas présentée comme un modèle à suivre, mais c'est vrai qu'on a tendance à juger les personnages et leurs conduites. )

je voulais surtout donner les raisons de ma distance...et de mon manque d'émotion, mes émotions ne peuvent surgir, semble-t-il, que si l'histoire du roman, son contexte ou ses personnage se rapprochent de mon vécu ou de ce que j'aurais pu vivre... sinon c'est trop abstrait pour moi

ceci dit, chacun vit comme il le désire