Blaise Cendrars

J'ai vu qu'il n'y avait pas de sujet sur cet auteur. Il existe bien un sujet pour ses poèmes mais rien pour ses romans. J'espère ne pas me tromper.

De Cendrars, je n'ai lu que Moravagine et Emmène-moi au bout du monde !
J'ai beaucoup aimé Moravagine. C'est un roman assez particulier, à part. J'ai apprécié le style bien à lui de Cendrars.
La page de wikipédia sur le roman: http://fr.wikipedia.org/wiki/Moravagine_(roman)

Par contre, emmène-moi au bout du monde! m'a déçu et du coup je n'ai pas lu d'autres Cendrars par la suite.
L'histoire de cette vieille actrice en pleine déchéance ne m'a pas du tout intéressé. L'entrée en matière du roman est pourtant brutale par la description de l'orgasme de la vieille actrice avec son légionnaire....

Qu'en pensez-vous?

J'ai commencé par La main coupée parce que c'était un témoignage de plus sur la Grande guerre, un vrai régal...

... J'ai dévoré L'homme foudroyé parce que c'était Cendrars ! J'ai ensuite été un peu plus déçu par L'or qui reste néanmoins une lecture intéressante d'autant que le livre n'est pas long.

Dans mes lectures en cours figure Bourlinguer tandis que Moravagine est en attente.

Cendrars a effectivement son style bien à lui (même si j'ai trouvé d'agréables ressemblances chez Malaparte). Les deux premiers livres que je cite semblent largement destructurés, sans intrigue comme on l'entend généralement, on risque de s'ennuyer, néanmoins il y a de la beauté parce que la poésie n'est jamais bien loin avec Cendrars. C'est dense mais quelle puissance parfois !

« L'important c'est de se sentir heureux, d'extérieure, la vie devient intérieure, son intensité reste la même et vous savez, c'est bizarre où le bonheur de vivre va parfois se nicher. » (Moravagine)

Je ne connais pas Malaparte (mais je rajoute l'auteur dans ma liste à découvrir).

Cendrars a le mérite de ne pas laisser indifférent. Moravagine est un livre qui m'a marqué. Il mérite d'être lu.
Je compte lire l'Homme foudroyé.

Pour les amis Proustiens, dans Emmène-moi au bout du monde, il y a un court passage consacré à Proust.

J'ai un peu le sentiment qu'il perd de ce qui fait sa force lorsqu'il quitte la description pour entrer dans la narration, lorsqu'ils cesse de colorier des tableaux dont la vie semble souvent presque un prétexte à la description colorée de ses lieux. Ce n'est pas très clair tout ça... Disons, pour illustrer, que je pense avoir buté - provisoirement - sur Moravagine parce que je trouve une certaine lourdeur dans l'histoire, l'impression de mordre un peu sur un bloc de béton armé même si les couleurs sont jolies à donner envie de vous casser dessus les dents qui vous restent*, tout le contraire d'un chapitre de Bourlinguer que j'ai lu avec délectation dernièrement (Hambourg) qui ne s'impose pas vraiment d'intrigue à faire progresser...

* à moins que la période n'ait simplement pas été propice pour moi, difficile de trancher !

Je suis en train de lire L'Or, et j'apprécie énormément ma lecture.
C'est un très court roman mettant en scène un personnage (Johann August Suter) en passe de devenir l'homme le plus riche du monde, quand de l'or est trouvé sur ses terres. Cette découverte précipite sa ruine !

J'aime beaucoup Bourlinguer, sur la couverture de mon édition folio il y a une peinture de Fernand Léger période "salle des machines", ça correspond exactement à ce style tubulaire plus que cubiste, à la fois plein de cambouis mais ouvert sur l'horizon, avec un langage de marin et une vision du monde très début du vingtième siècle, pas forcément difficile à lire mais déjà ancré dans un chapitre de l'histoire, et ça fait penser aussi à "Quai des brumes" de Pierre Mac Orlan, juste avec quelque chose en plus...

J'ai repéré une erreur dans L'Or.
Un autre grain l'a t-il lu ?

Au sujet du héros, Johann August Suter.
Au début du livre, Cendrars nous dit qu'il était né le 15 février 1803, à Kandern, Grand Duché de Bâle.
Et à la fin, que le général Johann August Suter est mort le 17 juin 1880, à 3 heures de l'après-midi (...) à soixante-treize ans.

Soit un truc m'a échappé, soit je ne sais plus compter...

Je lis actuellement L'homme foudroyé. J'ai dévoré la première partie "Dans le silence de la nuit"

Un petit passage que j'ai relevé:

Citation :

"L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres"

Pour continuer sur l'Homme foudroyé: Cendrars fait un portrait assez curieux de son ami Léger. C'est assez intéressant de découvrir l'homme et non le peintre reconnu.
J'aime aussi la description de Marseille et du Paris des "gitanes". Nous rentrons dans un autre univers, une autre époque.
Il y aussi quelques pages chargées d'un érotisme léger.

cleo a écrit:

Je lis actuellement L'homme foudroyé. J'ai dévoré la première partie "Dans le silence de la nuit"

Un petit passage que j'ai relevé:

Citation :

"L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres"

Beau passage que j'ai également relevé il y à quelques jours en relisant des passages de L'homme foudroyé.

Cendrars, c'est vaste, non?
Y a-t-il une espèce de catalogue à consulter à ce sujet?
Je m'en vais tout de même relire l'"oeuvre" dès ce soir!

Toni a écrit:

Cendrars, c'est vaste, non?
Y a-t-il une espèce de catalogue à consulter à ce sujet?
Je m'en vais tout de même relire l'"oeuvre" dès ce soir!

Je te donne le lien : clique ici !.

J'ai terminé Moravagine.
Et je me déclare pret à en causer avec vous dès que vous serez disponibles.

Moravagine.

Je commence alors.

Un bouquin que j'ai apprécié. Je suis entré aisément dedans (hormis le petit laïus indigeste sur la psychanalyse ou je ne sais quoi au tout début), mais j'avoue avoir eu un petit coup de mou au tout début de la période américaine durant laquelle le narrateur tente de nous résumer les USA (si je me rappelle bien... car je lu cette partie en diagonale).
Moravagine, c'est le dernier héritier d'une dynastie déchue. Héritier d'une grande intelligence mais sans âme, sans compassion, sans amour. Un homme d'une noirceur infinie qui n'éprouve pas plus de difficulté à tuer son prochain qu'à respirer.

Le narrateur (le médecin qui avait en charge son dossier) ne me semble pas mieux loti côté sentiment : il le fait rapidement évadé de son centre de détention psychiatrique et n'en éprouve jamais le moindre remords. La question ne se pose d'ailleurs jamais au cours de l'histoire. Les deux compères vont voyager ensemble, bras dessus, bras dessous et faire les 400 coups. Des mercenaires sanguinaires faisant peu de cas de la vie de leurs semblables.

Je ne serai pas bavard sur Moravagine. J'en ai fait une lecture morcelée pour cause de mon emploi du temps, si bien que je n'ai pas été saisi par la lecture.

L'ensemble (car je l'ai lu en entier) m'a paru décousu. Au départ j'ai été interessé par la decouverte inattendue de l'alieniste débutant avec ce curieux sujet dans l'hopital psychiatrique. Ensuite leurs différentes cavales dans les milieux révolutionnaires russes en 1907 m'ont paru des petits textes pour faire frémir le chaland. D'où venaient tous ces fonds de Moravagine, pourquoi voulait-il la revolution alors que je le trouvais d'une grande incertitude ideologique ?

Ensuite les aventures deviennent un carnet de voyages où j'ai cru reconnaître des morceaux collés là, un peu au pif. L'Amérique, les mines d'or, les aventures sentimentales, quelques jivaros et descentes de fleuves en pirogue etc. Cendrars joue-t-il les bonimenteurs dans cette oeuvre ? j'en ai eu l'impression.

Bref, j'étais content de fermer le livre lu par bribes, - ce qui n'est pas vraiment une bonne methode de lecture.

Cendrars a-t-il soigné la composition de cette oeuvre ? j'en doute, il aurait pu rajouter des passages, en supprimer d'autres, à mon avis.

Pour moi, Moravagine n'a pas d'idéologie particulière : il incarne le mal dans sa plus simple et plus pure expression. Le mal est pour lui une fin en soi. Le mal pour le mal. Je ne crois pas que Moravagine poursuive un but.
Il participe à la révolution de 1907 pour le chaos qui doit en résulter. L'attitude du psy me déconcerte plus. Il suit Moravagine, mais je ne sais pas pourquoi. Est-il de la même trempe que lui ? Tout aussi mauvais ?

Il n'y a donc plus d'histoire. La vie de Moravagine n'est plus qu'un parcours cahotique déterminé par le hasard et maculé de sang. Une errance maléfique, sans départ et sans arrivée.

J'ai été également très déçue, alors que je suis d'habitude très attirée par les thèmes de la folie, de la violence intérieure, par le combat pour une idéologie, mais là, flop total.
Tout comme Harelde, j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans (le seul plaisir de cette entrée en matière était de me comparaître à Martin Eden, sauf que moi, je ne potassais pas grâce aux livres d'une bibliothèque mais via mon ordi !, le nombre de mots que j'ai du aller chercher !!!)
Ensuite, j'avoue que le livre m'est tombé des mains, je le continue pour pouvoir en discuter avec vous, mais vraiment, c'est laborieux.

Pour répondre à Harelde, pour moi, le psy est pire que son patient étant donné qu'il a conscience des horreurs commises par Moravagine.
Il agit non pour guérir le malade mais pour la science, pour SA science.

j'aurais préféré que le récit ne se concentre que sur ce thème : rapport Moravagine/psy au lieu de partir dans tous les sens.

Esther a écrit:

Pour répondre à Harelde, pour moi, le psy est pire que son patient étant donné qu'il a conscience des horreurs commis par Moravagine.
Il agit non pour guérir le malade mais pour la science, pour SA science.

Oui, je te rejoins. Moravagine est en décalage total avec la réalité. Le psy, lui, est conscient.

j'ai été fascinée par ce livre comme on est fasciné par le regard d'un serpent.
Après coup, j'ai déploré des longueurs, une recherche du mal pour le mal sous couvert d'un esprit dérangé. Si Moravagine a été attiré par la révolution russe, je ne crois pas que c'est par idéologie, mais plutot par son besoin de baigner dans la violence et le sang. Celui qui le suit comme son ombre est plus un voyeur qu'un chercheur, même son attachement est glauque, sordide, il semble se complaire dans le désordre intérieur de celui qu'il considère comme un ami.
Après lecture, j'ai beaucoup pensé à ce livre : qu'a apporté son écriture à son auteur ? un défoulement de son coté noir ?

je rejoins Madspirit :

"Cendrars a effectivement son style bien à lui (même si j'ai trouvé d'agréables ressemblances chez Malaparte). Les deux premiers livres que je cite semblent largement destructurés, sans intrigue comme on l'entend généralement, on risque de s'ennuyer, néanmoins il y a de la beauté parce que la poésie n'est jamais bien loin avec Cendrars. C'est dense mais quelle puissance parfois !"

IL en est de même pour Moravagine : le livre peut tomber des mains, on ne sait pas toujours où Cendrars veut nous emmener, mais il y a en effet comme une force de son style qui vous pousse à continuer.

J'avais bien aimé Moravagine . J'ai trouvé que l'auteur avait un vrai style et une manière originale pour developper son histoire.
Le lecteur est un peu perdu dans son récit mais pour moi ceci est voulu par Cendrars. On se perd comme le héros dans sa folie.
J'ai lu d'autres livres de Cendrars par la suite mais je n'ai jamais retrouvé cette force que l'on trouve dans Moravagine.

Mon problème
J’avais décidé de participer sur Moravagine, le sujet m’avais plu, mais le livre qu’on m’avait prêté est sorti le jour oú Gutenberg a inventé l’imprimerie : papier vieux, presque marron, lettres minuscules et plusieurs passages effacés . Je regrette beaucoup ce fâcheux obstacle .Nonobstant j’ai cherché des renseignements sur Google espagnol, je ne voulais pas mettre un résumé de quatrième de couverture ,d’Amazon ou d’ autre. J’ai trouvé en espagnol un jugement remarquable d’un grand écrivain sur Moravagine, je l’ai
traduit en français et je l’enverrai ce soir ou demain.
Une autre surprise, sur Google espagnol j’ai trouvé un commentaire sur Moravagine ,cette fois « En Français » un long et passionné compte rendu sur ce livre, qui donne envie de le lire tout-de suite , je suis encore sous l’impact de cette impeccable analyse.
Mes deux trouvailles ce soir
Je remercie de tout mon cœur Harelde qui était content que j’aie le livre, dommage !!.
A suivre

Moravagine est plus qu’un personnage. C’est une force violente et terrible de la nature. Libéré de l’asile de fous par son éclairé psychiatre ils voyagent ensemble, dans le monde vivant des expériences fascinantes.
Un roman d’exploits, révélateur comme aucun d’autre, des clés d’accès à la mentalité du 20ième siècle.

« C’est la crainte qui te tenaille,la crainte aux hommes d’action, au désordre. Mais tout n’est rien de plus que désordre, mon cher, à quoi veut-tu mettre de l’ordre ? Quel ordre ? La vérité n’existe pas, Il n`y a rien que l’action éphémère ,l’action antagoniste, la Vie »

Comment pourrai-je convaincre les sceptiques que j’ai été ébloui par Moravagine ? Comment expliquer quand on connaît immédiatement et sans doute ce qui nous plaira ?
Henri Miller

trouvé par hasard en français
Moravagine est un livre à part dans l’œuvre de Cendrars. Un livre fou, machiavélique où Cendrars lâche ses fauves. Moravagine, dernier descendant d'une famille royale en exil, incarne la folie et le mal. Son confident raconte son histoire. Moravagine est le double diabolique d’un Cendrars, à la fois acteur et narrateur, qui disait : « On ne peut écrire qu’un livre ou plusieurs fois le même livre. C’est pourquoi tous les beaux livres se ressemblent. Ils sont tous autobiographiques. » Ce livre écrit en 1925 et publié en 1926 est une extraordinaire aventure littéraire dans la veine des grandes œuvres originales qui explorent le thème du Mal. Cendrars avoue avoir porté cet étrange roman pendant vingt ans. L’idée, qui ira jusqu’à l’obsession, lui en était venue en 1907 alors qu’il était étudiant en psychiatrie à Berne. Il prétendra avoir écrit dix-mille pages en une seule nuit, « ma plus belle nuit d'écriture »… Lorsqu’il s’attela à Moravagine, il n’était plus psychiatre mais écrivain. Il avait bourlingué, observé le monde, traqué la tragédie humaine, individuelle ou collective. Là, il se décide enfin à exorciser ses mauvais démons. Grandiose, délirant, déroutant, hallucinant, inclassable Moravagine !

Roman d’aventure, poème épique et portrait délirant d’un fou malfaisant et génial, l’œuvre a sans doute été, avant tout, pour l’auteur une tentative d’exorcisme par laquelle il s’est délivré de son double et a conquis sa liberté de créateur. Moravagine est l’expression de cet Autre que tout romancier porte en lui. Moravagine n’est pas exclusivement Cendrars, mais en lui confiant sa folie, en le dotant de son énergie destructrice, le romancier a expulsé de lui son Mr. Hyde. L’histoire, pleine de bruit et de fureur, promène Raymond (un autre « je » fascinant) de la Hongrie à la Russie, de la forêt amazonienne à la Nouvelle Orléans. L’ombre maudite que Cendrars cherche à exorciser dans cette œuvre envoûtante est tapie dans une profondeur inconsciente où se bousculent la haine, la violence et la folie. Elle le hante et il tente d’y résister de toutes ses forces. Au cœur du roman : la complexité de la nature humaine. L’extrême richesse de la démarche de Cendrars est de ne pas tomber dans l’exotisme facile et de soigner ses mots qui blessent, s’affrontent, sont complices tantôt dans l’extase fantastique maléfique tantôt dans la contemplation poétique. Tueur de femmes, terroriste qui fait sauter toutes les frontières, traitre, espion, mouchard, ce Moravagine affronte un monde effrayant et monstrueux, perd ses repères spatio-temporels jusqu'au sentiment de son individualité. On visualise au microscope le grossissement démesuré d’une imagination hallucinée où toutes les confusions ont lieu avec le dedans (images mentales) et le dehors (les paysages qui défilent à cent à l'heure, les arbres qui se bousculent et qui tombent, les lignes de chemin de fer qui se plaignent sourdement au passage des trains chargés de morts, les hurlements des peuples en révolution et les danses cruelles des Indiens bleus). C'est beau comme la poésie de Cendrars, c'est dingue comme sa vie où se rejoignent l’action directe et l’aventure vagabonde de l’esprit. Ce roman dense, épique, réaliste, fantastique, d’une vitalité incroyable est une création et une invitation à une lecture hors du commun. Un tourbillon inoubliable dont on ne sort pas indemne. En épitaphe, une citation de son ami Rémy de Gourmont, tirée de Sixtine, qui illustre bien ce qui vous attend : « …je montrerai comment ce peu de bruit intérieur, qui n’est rien, contient tout, comment, avec l’appui bacillaire d’une seule sensation, toujours la même et déformée dès son origine, un cerveau isolé du monde peut se créer un monde… » Source : Internet.

chers amis.es GDS, j'avoue avoir pleuré en lisant cette analyse, pleuré de l'émotion d'une si belle écriture, pour vous c'est peut-être facile, mais pour moi je ressens que jamais je ne pourrai écrire
avec ce langage soutenu, expressif et touchant. Je fais le possible
et je vous remercie d'être tolérants et gentils avec moi, bien que mon français soit faible Participer au forum GDS est un honneur pour moi et ma reconnaissance sans bornes