Jorge Franco-Ramos - [Colombie]

Jorge Franco-Ramos, la fille aux ciseaux, chez Métailié,

Traduit de l’espagnol (de Colombie) par René Solis.

S’agit-il vraiment d’un roman policier ? Oui, dirait-on, parce que l’action se passe à Medellin et se déroule sur fond de drogue, de règlements de comptes, et que les morts, si on peut dire, courent les rues.

On se doute bien que les amis de Rosario ne sont pas des enfants de chœur. Quant à elle, il semblerait que ses disparitions périodiques soient du genre à alimenter les faits divers…

J’ai plutôt été sensible aux étranges liens qui attachent le narrateur à la jeune femme. Il est le confident épisodique, le dernier de la file de ses amoureux, celui qui porte la chandelle et sert de trait d’union entre elle et son meilleur copain, sans ignorer qu’elle a d’autres relations, d’affaires et autres, avec des affinités dans de drôles de mondes.

Rosario la funambule, qui vit sur la corde raide.

Jorge Franco-Ramos, la fille aux ciseaux.

Mais Rosario-Ciseaux, celle dont les baisers ont le goût de la mort, qui sait tendrement éliminer un importun ou un gêneur, à qui elle passe le goût de nuire.

Citation :

« Toujours est-il que Rosario avait pour habitude, qu’elle avait apprise avec les siens, de faire bouillir les balles dans l’eau bénite avant de les utiliser. Cette fois, elle avait oublié de les enlever de la cuisinière et l’eau, évidemment, s’était évaporée.

Quand j’entrai, elles étaient en train de danser dans la casserole. »

On sait dès le début le fin mot de l’histoire, mais on apprend la vérité par bribes, car Rosario se livre peu, et on doit attendre, avec le narrateur, qu’ elle veuille bien répondre aux questions et aux silences.

J’ai beaucoup aimé ce roman d’amour et de désir, où on s’inquiète des blancs dans l’histoire, où on se demande ce que pense et vit réellement celle qu’on tient dans ses bras.

gros succès commercial en Colombie, le roman a été adapté au cinéma.

Extraits

Citation :

Ils me virent arriver et tomber à genoux à leurs pieds en leur demandant de l’aide, même s’ils ne comprirent pas, et s’ils crurent que je voulais échapper à la drogue qui contamine le corps et les veines, et non à l’autre, qui s’insinue en douce par les yeux, qui s’enkyste dans le cœur et le pourrit, la maudite drogue que les plus naïfs appellent l’amour, mais qui est aussi nocive et mortelle que celle que l’on trouve dans la rue enveloppée dans de petits paquets.

Citation :

Je la vis le serrer dans ses bras, comme si elle avait protégé un petit animal des intempéries, je les vis rester ainsi très longtemps, et je pensai à quel point la vie était difficile, et à la file indienne des amoureux, et au dernier de la file, celui que personne n’aime, et je me demandais si c’était Ferney ou si c’était moi.

la chanson

Dans la rue, au coin , sur la place , au carrefour papa
Elle est de retour
Rosario Tijeras
Pour qu'on se cache

Et elle s'appelait Rosario
Du quartier elle était le dernier legs
Avec son pistolet dans la main
Toujours prête à tuer
En haines et désillusions
Rosario était la numéro un
Jamais elle n'a aimé et on ne l'a jamais aimée

[Refrain]
Et dans ses yeux la douleur a toujours existé
Tout cela parce que dans son enfance
Un pervers l'a violé et elle s'est vengée

C'était Rosario Tijeras,
Celle du pistolet, du miroir et du rouge à lèvres
Dans son portefeuille toujours rempli de vice,
Sexe, balles , plaisir et douleur
Celle des mille et une vies
Pan ! Pan ! Pan !
Rosario
Jamais elle n'a aimé et on ne l'a jamais aimée

Et elle a confondu l' amour
Ce fût une balle qui est entrée dans son coeur
Jamais, jamais elle n'a pleuré
Et dans son âme des pleurs se sont toujours écoutés
tous ceux qu'elle a tué
L'un d'entre eux est venu mal blessé et s'est vengé
Rosario est morte ainsi
Et au cimetière personne ne l'a pleurée


Et elle a confondu l'amour
Jamais, jamais elle n'a pleuré
Parmi tous ceux qu'elle a tué
L' un d'entre eux est venu mal blessé et s'est vengé
Rosario est morte ainsi
Et au cimetière personne ne l'a pleurée

en espagnol de Colombie :

Spoiler:

et la video

le roman a été adapté à l'ecran sous le titre "Rosario"par Emilio Maillé (ou Rosario Tujeras,) film colombien

avec : Flora Martinez (Rosario), Unax Ugalde (Antonio), Manolo Cardona (Emilio)

Pour avoir la chanson par juanes

cliquer ici

Je me demande ce que donne le film par rapport au livre : il risque de montrer ce que le narrateur soupçonne ou apprend par déduction, mais qu'il ne voit pas, soit parce que Rosario le lui cache, soit parce qu'il détourne les yeux (en particulier dans une altercation entre automobilistes).

C'est là à mon sens la force du roman : laisser deviner ce qui n'est pas vu, ce qui n'est pas franchement dit.

Amadak a écrit:

Dans "La fille aux ciseaux" la stupeur et le tremblement coulent sur les pages de l'auteur colombien Jorge Franco Ramos.

Certes, mais ce sont les rapports entre les personnages qui m'ont interessé, et surtout le non-dit qui entoure la jeune fille, mysterieuse et que l'auteur ne trahit pas.

Rotko: l'analyse que tu fais sur ce livre avec les citations choisies, sont puissantes et je trouve tout celà beaucoup plus fort en français qu'en espagnol, moi mème avec les contes que j'ai traduits, je les ressens meilleurs en français. On a dit celà aussi sur "les disparus" C'est l'amour pour cette langue qui me pousse à ces pensées. je ne trahis pas mon pays en disant ces choses
mais quelques fois j'ecoute une très vieille chanson de Joséfine
Baker " j'ai deux amours "mon pays et Paris"c'est mon cas

J'ai ce livre dans ma liste à lire et vu qu'il n'existe pas à la biblio vais devoir attendre une bonne occasion pour l'acheter

je reviens sur le film car depuis j'ai rencontré un hispanisant qui m'a dit avoir adoré le film, et comme je le sais de confiance, c'est une garantie de qualité.

la video d'annonce.

C'est chaud, mais c'est le climat

la fille aux ciseaux (Rosario Tijeras)

https://www.youtube.com/watch?v=INDgmdeyiD8&feature=related

j'ai emprunté Melodrama 350 p chez Metailié.


A cette intrigue pleine d'équivoques et d'ambiguïté se mêle une galerie de personnages inoubliables. Mélodrame classique de qualité, grand feuilleton fait d'intrigues et de suspense, ce roman dépasse le genre par l'actualité totale de son point de vue et la qualité de son écriture. Jorge Franco est considéré par Gabriel Garda Màrquez comme l'un de ses héritiers littéraires.

je diffère la lecture, pourtant entamée, de ce livre. L'histoire me paraît un peu embrouillée, entre Paris et Medellin, entre le présent et le passé, avec des personnages nouveaux qui interviennent sans avoir été présentés.

Les phrases sont pourtant denses, apportant du solide à chaque fois, et des scènes en elles-mêmes cocasses.

mais j'ai d'autres tentations en cours.

Rosario, 2006, film de Emilio Maille avec Flora Martinez, Unax Ugalde,

Citation :

"Lorsque j'écris, je vois les personnages comme s'ils étaient derrière une fenêtre embuée...Flora a réussi à traverser cette fenêtre floue pour devenir tout simplement Rosario Tijeras. J'aime beaucoup le film, il contient l'âme de mon roman."

dit Jorge Franco Ramos.

"Depuis que Rosario a rencontré la vie, elle n'a pas cessé de se battre avec elle".
Quand on naît à Medellín, ville de la drogue et de la prostitution, où les femmes et les enfants ont si peu d'importance, on n'a guère de chance de vivre. Mais Rosario est une fille qui ne ressemble à personne : belle, tenace, fatale.
Quand Antonio et Emilio, deux amis issus d'un milieu aisé, croisent la route de Rosario, ils en tombent immédiatement amoureux et se retrouvent plongés dans un monde de plaisir, de violence et de mort.

Le film montre bien cet enfer de drogue, de sexe et de mort, avec aussi des instants de dévotion et le recours aux prières religieuses pour protéger des balles.

Mais le réalisateur filme platement, il accumule les scènes pour nous en mettre plein la vue, ce qui nuit à l'intérêt du film, je crois.

On reste quand même époustouflé par cette violence quotidienne qui se traduit dans des fêtes continuelles. On est aussi perdu dans les innombrables personnages. Les règlements de compte sont sans fin, et on voit même Rosario tirer sur un mort dans son cercueil, en présence de l'assistance.

Plusieurs scènes dans des cimetières baroques, d'autres qui font un violent contraste entre une richesse spectaculaire, et les allées étroites des bidonvilles en briques.

Merci Rotko, j'ai vu le fil aujourd'hui. Ce livre j'avais beaucoup aimé,une image de cette Colombie violente,celle de Fernando Vallejo aussi.