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| | Jules Supervielle | |
| | Auteur | Message |
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Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Jules Supervielle Mar 27 Mai 2008, 17:56 | |
| Echanges, tiré de Gravitations.
Dans la flaque du petit jour Ont bu les longs oiseaux nocturnes Jusqu'à tomber morts alentour Au dernier soupir de la lune.
Voici les flamants de l'aurore Qui font leur nid dans la lumière Avec la soie de l'horizon Et le vent doré de leurs ailes. | |
| | | Syl pilier
Nombre de messages : 1553 Age : 61 Localisation : Belgique Date d'inscription : 23/01/2008
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 27 Mai 2008, 19:05 | |
| Tchipette, j'adore Supervielle !
Je vous rêve de loin, et, de près, c’est pareil, Mais toujours vous restez précise, sans réplique, Sous mes tranquilles yeux vous devenez musique, Comme par le regard, je vous vois par l’oreille.
Vous savez être en moi comme devant mes yeux, Tant vous avez le cœur offert, mélodieux, Et je vous entends battre à mes tempes secrètes Lorsque vous vous coulez en moi pour disparaître.
Extrait de « Oublieuse mémoire », 1949. | |
| | | Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 04 Juin 2008, 18:46 | |
| Les vieux horizons déplacent les distances, les enfument, Orgueilleux d'être sans corps comme Dieu qui les créa, Jamais le marin de quart ne sait quand il les traverse. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Dim 22 Nov 2009, 10:48 | |
| La mer
C'est tout ce que nous aurions voulu faire et n'avons pas fait,
Ce qui a voulu prendre la parole et n'a pas trouvé les mots qu'il fallait,
Tout ce qui nous a quittés sans rien nous dire de son secret,
Ce que nous pouvons toucher et même creuser par le fer sans jamais l'atteindre,
Ce qui est devenu vagues et encore vagues parce qu'il se cherche sans se trouver,
Ce qui est devenu écume pour ne pas mourir tout à fait,
Ce qui est devenu sillage de quelques secondes par goût fondamental de l'éternel,
Ce qui avance dans les profondeurs et ne montera jamais à la surface,
Ce qui avance à la surface et redoute les profondeurs,
Tout cela et bien plus encore,
La mer.
(In Oublieuse mémoire) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Ven 04 Déc 2009, 17:54 | |
| Attendre que la Nuit ...
Attendre que la Nuit, toujours reconnaissable A sa grande altitude où n’atteint pas le vent, Mais le malheur des hommes, Vienne allumer ses feux intimes et tremblants Et dépose sans bruit ses barques de pêcheurs, Ses lanternes de bord que le ciel a bercées, Ses filets étoilés dans notre âme élargie, Attendre qu’elle trouve en nous sa confidente Grâce à mille reflets et secrets mouvements Et qu’elle nous attire à ses mains de fourrure, Nous les enfants perdus, maltraités par le jour Et la grande lumière, Ramassés par la Nuit poreuse et pénétrante, Plus sûre qu’un lit sûr sous un toit familier, C’est l’abri murmurant qui nous tient compagnie, C’est la couche où poser la tête qui déjà Commence à graviter, A s’étoiler en nous, à trouver son chemin.
(In Amis inconnus) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 09 Déc 2009, 16:58 | |
| Au soleil
Il ne s'agit pas d'être le feu, mais de se faire un peu de feu Quand on a froid et que l'humide veut régner sur nous peu à peu, II ne s'agit pas d'aller toujours sur une grand-route prévue Mais de pouvoir flâner un peu comme fait même l'âne qui broute, II ne s'agit pas d'être partout mais de choisir un petit coin, Appelez-le arbre, maison ou femme ou bien morceau de pain, Un jour je t'expliquerai ce que sont le ciel, les étoiles Et ce que tu es toi-même, avec ton or innocent, Je te ferai quelques croquis sur le tableau noir de la nuit, Mais si tu veux y voir clair, il faut venir tous feux éteints. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 02 Mar 2010, 19:53 | |
| L'Espérance
Dans l’obscurité pressentir la joie
Savoir susciter la fraîcheur des roses,
Leur jeune parfum qui vient sous vos doigts
Comme une douceur cherche un autre corps.
Le cœur précédé d’antennes agiles,
Avancer en soi, et grâce à quels yeux,
Eclairer ceci, déceler cela
Rien qu’en approchant des mains lumineuses.
Mais dans quel jardin erre-t-on ainsi
Qui ne serait clos que par la pensée ?
Ah pensons tout bas, n’effarouchons rien,
Je sens que se forme un secret soleil.
( La Fable du monde ) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Sam 06 Mar 2010, 18:00 | |
| Chaque âge a sa maison
Chaque âge a sa maison, je ne sais où je suis, Moi qui n'ai pour plafond que mes propres soucis. Ce parquet m'est connu, je marche sur moi-même, Et ces murs c'est ma peau à distance certaine. L'air s'incline sur moi, son front n'est pas d'ici, II m'arrive d'un moi qui mourut à la peine.
(In Oublieuse Mémoire) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Lun 15 Mar 2010, 11:43 | |
| Nocturne en plein jour
Quand dorment les soleils sous nos humbles manteaux Dans l'univers obscur qui forme notre corps, Les nerfs qui voient en nous ce que nos yeux ignorent Nous précèdent au fond de notre chair plus lente, Ils peuplent nos lointains de leurs herbes luisantes Arrachant à la chair de tremblantes aurores.
C'est le monde où l'espace est fait de notre sang. Des oiseaux teints de rouge et toujours renaissants Ont du mal à voler près du coeur qui les mène Et ne peuvent s'en éloigner qu'en périssant Car c'est en nous que sont les plus cruelles plaines Où l'on périt de soif près de fausses Fontaines.
Et nous allons ainsi, parmi les autres hommes, Les uns parlant parfois à l'oreille des autres.
(La fable du monde, ed. Gallimard) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 16 Mar 2010, 18:45 | |
| Le Voyage Difficile
Sur la route une charrette, Dans la charrette un enfant Qui ne veut baisser la tête Sous des cahots surprenants.
La violence de la route Chasse l'attelage au loin D'où la terre n'est que boule Dans le grand ciel incertain.
Ne parlez pas : c'est ici Qu'on égorge le soleil. Douze bouchers sont en ligne, Douze coutelas pareils.
Ici l'on saigne la lune Pour lui donner sa pâleur, L'on travaille sur l'enclume Du tonnerre et de l'horreur.
« Enfant cache ton visage Car tu cours de grands dangers. — Ne vois-tu pas, étranger, Que j'ai un bon attelage.»
Garçons des autres planètes N'oubliez pas cet enfant Dont nous sommes sans nouvelles Depuis déjà très longtemps.
Sous quelle fougère où dort un insecte Votre âme cherchait sa couleur première ?
C'était par quelque temps d'éclipse, Seul au monde un frisson, un sourire triste.
De temps à autre toute une biche Entre le feuillage s'en venait voir,
Puis s'éloignait sous la surveillance d'un songe Qui la couvrait d'herbes, de ronces,
Et toujours prête â revenir.
***
Le soleil parle bas A la neige et l'engage A mourir sans souffrir Comme fait le nuage.
Quelle est cette autre voix Qui me parle et m'engage ? Même au fort de l'hiver Serait-ce la chaleur Qui fait tourner la Terre Toujours d'un même coeur,
Et, pour me rassurer, Dans toutes les saisons Se penche à mon oreille Et murmure mon nom ?
Dans la forêt sans heures On abat un grand arbre. Un vide vertical Tremble en forme de fût Près du tronc étendu.
Cherchez, cherchez, oiseaux, La place de vos nids Dans ce haut souvenir Tant qu'il murmure encore.
(Extrait du "Forçat Innocent")
Dernière édition par Constance le Mar 16 Mar 2010, 19:13, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 16 Mar 2010, 19:00 | |
| Etonnant ce poème, on dirait qu'il part dans une direction, les peurs de l'enfant, puis il va dans une autre, à tendance écologique, disons...
c'est bien un seul poème ? | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 16 Mar 2010, 19:16 | |
| J'avais oublié de placer un espace ... ... c'est chose faite ... ... reste que ces poèmes sont toujours extraits du "Forçat innocent" ... | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mar 16 Mar 2010, 19:35 | |
| J'ai préféré poser la question plutôt que de me creuser la tête, ce qui est difficile ce soir | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jules Supervielle Ven 16 Avr 2010, 08:10 | |
| À Lautréamont, poème de Guanamiru
N’importe où je me mettais à creuser le sol espérant que tu en sortirais Et j’écartais du coude les maisons et les forêts pour voir derrière. J’étais capable de rester toute une nuit à t’attendre portes et fenêtres ouvertes En face de deux verres d’alcool auxquels je ne voulais pas toucher. Mais tu ne venais pas Lautréamont.
Autour de moi des vaches mouraient de faim devant les précipices Et tournaient obstinément le dos aux plus herbeuses prairies. Les agneaux regagnaient en silence le ventre de leurs mères qui en mouraient. Les chiens désertaient l’Amérique et regardaient derrière eux Comme s’ils n’avaient pas réussi à exprimer leur pensée avant de partir. Resté seul sur le continent Je te cherchais dans le sommeil où les rencontres sont plus faciles, On se poste au coin d’une rue, l’autre arrive rapidement. Mais tu ne venais même pas Lautréamont Derrière mes yeux fermés.
Je te rencontrais un jour à la hauteur de Fernando Noroniza Tu avais exactement la forme d’une vague mais en plus véridique, en plus circonspect, Et tu filais vers l’Uruguay si petites journées. Les autres vagues s’écartaient de toi pour mieux saluer tes malheurs Elles qui ne vivent que douze secondes en imminence de mort Te les donnaient en entier Et tu feignais de disparaître comme elles Pour qu’elles te crussent dans la mort leur camarade de promotion. Tu étais de ceux qui élisent l’océan pour domicile comme d’autres couchent sous les ponts. Et moi je me cachais les yeux derrière des lunettes noires Sur un paquebot où flottait une odeur de femme et de cuisine La musique montait aux mâts furieux d’être mêlés même de loin aux attouchements du tango J’avais honte de mon cœur où coulait le sang des vivants Alors que tu es mort depuis 1870 et privé du liquide séminal Et tu prends la forme d’une vague pour faire croire que ça t’est égal.
Le jour même de ma mort je te vois venir à moi Avec ton visage d’homme Tu déambules favorablement les pieds nus dans de hautes molles de ciel Et à peine arrivé d une distance convenable Tu m’en lances une au visage. Et te voilà parti Lautréamont. | |
| | | Kervinia pilier
Nombre de messages : 3822 Age : 35 Localisation : Seine-et-Marne Date d'inscription : 04/04/2010
| Sujet: Re: Jules Supervielle Mer 09 Juin 2010, 19:49 | |
| Pfiou, je viens de finir de préparer un oral d'étude sur dossier que je passe demain devant des copines. Dans ce dossier, il y avait ce très joli poème, tiré du recueil Débarcadères. C'est la première fois que je lis un poème de ce poète. Jusque là, je ne le connaissais pas même nom :
"Serai-je un jour..."
Serai-je un jour celui qui lui-même mena Ses scrupules mûrir aux tropicales plages ? Je sais une tristesse à l’odeur d’ananas Qui vaut mieux qu’un bonheur ignorant les voyages.
L’Amérique a donné son murmure à mon cœur Encore surveillé par l’enfance aux entraves Prudentes, je ne puis adorer une ardeur Sans y mêler l’amour de mangues et goyaves.
N’était la France où sont les sources et les fleurs J’aurais vécu là-bas le plus clair de ma vie Où sous un ciel toujours vif et navigateur Je caressais les joncs de mes Patagonies.
Je ne voudrais plus voir le soleil de profil Mais le chef couronné de plumes radieuses, La distance m’entraîne en son mouvant exil Et rien n’embrase tant que ses caresses creuses. | |
| | | Clertie pilier
Nombre de messages : 404 Age : 32 Date d'inscription : 11/08/2011
| Sujet: Re: Jules Supervielle Ven 09 Sep 2011, 06:11 | |
| Poème extrait de Ciel et Terre (1942) Plein ciel
J'avais un cheval Dans un champ de ciel Et je m'enfonçais Dans le jour ardent. Rien ne m'arrêtait J'allais sans savoir, C'était un navire Plutôt qu'un cheval, C'était un désir Plutôt qu'un navire, C'était un cheval Comme on n'en voit pas, Tête de coursier, Robe de délire, Un vent qui hennit En se répandant. Je montais toujours Et faisais des signes : "Suivez mon chemin, Vous pouvez venir, Mes meilleurs amis, La route est sereine, Le ciel est ouvert. Mais qui parle ainsi ? Je me perds de vue Dans cette altitude, Me distinguez-vous, Je suis celui qui Parlait tout à l'heure, Suis-je encor celui Qui parle à présent, Vous-mêmes, amis, Êtes-vous les mêmes ? L'un efface l'autre Et change en montant".
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| Sujet: Re: Jules Supervielle | |
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| | | | Jules Supervielle | |
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