Barbey d'Aurevilly (1808-1889)

le (1) barbet barbey d'Aurevilly ne fait pas le poids à côté du géant Hugo

(1) provocation, normale de ma part, dirait Mahiwan

J'avais anticipé Rotko , ma provocation

Le bonheur dans le crime

Là encore, Barbey d'Aurevilly nous offre un beau portrait de femme à qui il distribue de nombreux attributs masculins pour l'époque : intelligence supérieure, adresse physique, indépendance, fierté, audace, liberté. Là encore, la femme est plus libre, plus généreuse, plus forte que l'homme. C'est elle qui ose, qui prend des risques, qui assument ses désirs alors que l'homme les subit.

Même si l'auteur peste après ce genre de femme : « elles font bien tout ce qu'elles veulent de leurs satanés corps, ces couleuvres de femelles, quand elles ont le plus petit intérêt à cela » (je me suis interrogée sur le pluriel accordé à « leurs satanés corps »), on sent bien tout du long l'admiration qu'il leur porte : « Il fallait, certes, qu'elle l'aimât (...) pour avoir tout planté là d'une existence exceptionnelle, qui pouvait flatter sa vanité (...) Lui , l'aimant, jouait certainement moins gros jeu qu'elle. » Aussi, je reste sceptique sur la réputation de misogynie de Barbey d'Aurevilly.

La société en prend aussi pour son grade, plus scandalisée par un mariage hors norme que par un crime. Jusqu'à la femme trompée, dame du monde, qui est habitée par la jalousie et la colère mais qui va souhaiter protéger « les gens comme il faut du pays ».

Cette fois, j'ai trouvé un peu lassants les stratagèmes du conteur qui visent à retarder l'intrigue et à différer les rebondissements. En revanche, les nombreux éléments qui restent non explicités ne me gênent pas, je trouve même cela d'une grande modernité.

Drôle de hasard : alors que j'ai fini la lecture du Bonheur dans le crime dans le tram m'emmenant au cinéma, j'y ai ensuite découvert la bande annonce de La Servante, de Kim Ki-Young (film de 1960 actuellement en rediffusion).

Suite à un déménagement dans une maison plus grande, la femme d'un professeur de musique persuade celui-ci d'engager une domestique. Mais bientôt, la servante devient la maîtresse et la calme maison devient alors le lieu d'un dramatique huis clos.

Le dessous de carte d'une partie de Whist. Barbey s'y exprime avec plus d'amertume, on y ressent très fort la haine du "bourgeois". Mais en même temps, la société d'aristocrates "purs" qu'il décrit n'est pas très jolie. En fait, ces Diaboliques me semblent plus un prétexte à écrire de manière quasi documentaire sur le monde qui l'entoure, l'intrigue étant simplement utilisée pour tenir le lecteur. Et je fais un peu une indigestion de ce XIXe siècle-là ; je vais donc abandonner pour l'instant Barbey d'Aurevilly.

Et peut-être poursuivre cette partie de whist avec Poe et son Double Assassinat dans la rue Morgue avant d'attaquer le Scarabée d'or aoûtien.

Citation :

Cette fois, j'ai trouvé un peu lassants les stratagèmes du conteur qui visent à retarder l'intrigue et à différer les rebondissements.(1) En revanche, les nombreux éléments qui restent non explicités(2) ne me gênent pas, je trouve même cela d'une grande modernité.

(1) oui, c'est la coquetterie de Barbey dans l'intrigue, elle est aussi visible dans le style (mots désuets, expressions alambiquées), dans le personnage - et ses moustaches ! je n'aime pas trop le style à "effets", Balzac y voyait des allures "de garçon coiffeur".

(2) oui, ne pas tout éclairer, ce serait réducteur et rasoir.

Barbey d'Aurevilly est un de mes auteurs préférés depuis plusieurs années, j'aimerais parler de lui avec des personnes qui le ressentent sans forcément l'analyser, sans faire de l'intellectualisme et en restant dans l'émotionnel pur. Ce que je préfère dans la littérature, c'est l'émotionnel, ce qui donne la chair de poule. C'est aussi ce que je préfère dans l'art. Parce qu'à force, on oublie que l'art se situe d'abord à ce niveau-là.

je ne sais pas ce qu'en aurait pensé Barbey lui-même, je ne le connais pas assez, mais suffisamment pour croire qu'il travaillait ses textes et ne laissait rien au hasard.

En revanche si tu veux parler d'émotion, j'ai eu connaissance du rideau cramoisi par le film d'
Alexandre Astruc, avec Anouk Aimée, et cette histoire m'avait beaucoup touché.

Je m'en fiche qu'il travaillait ses textes ou pas, bien évidemment qu'il devait le faire, mais peu m'importe. Le résultat est que ça me prend dans les profondeurs, je suis hypnotisée et magnétisée quand je le lis. Et "l'intrigue" m'importe peu d'ailleurs. Il pourrait passer 300 pages à décrire un flacon d'eau de javel que ça serait aussi jouissif. C'est commeCéline, un de mes auteurs préférs aussi, qui pourtant n'a rien à voir avec Barbey d'Aurevilly, qui_ peut décrire des dizaines de pages sur un truc minuscule mais tellement bien qu'on y est.
Merci pour le rideau cramoisi que je n'ai pas vu mais que je tenterai de voir.

quelle oeuvre préfères-tu de B. d'A ?

tu peux lire les posts au-dessus de ta tête. je lui adresse quelques réserves sur ses mots désuets. Il aimait bien être précieux, voire affecté, dans son genre...

L'ensorcelée et la vieille maîtresse sont mes 2 préférés, mais en fait j'aime tout. Je comprends qu'on puisse le trouver désuet ou précieux, mais quand je le lis, je ne trouve pas du tout. Ou alors peut-être que je suis moi-même précieuse et désuette, ce qui est très possible !!!!

Romans, de Jules Barbey d'Aurevilly, édité par Judith Lyon-Caen, Gallimard, "Quarto", 1 216 p

Lettres à Trébutien. 1832-1858, de Jules Barbey d'Aurevilly, édité par Philippe Berthier, Bartillat, 1 318 p.,

Exceptionnelles par leur style, leur densité, le fourmillement d'informations sur son inspiration et ses méthodes de travail, ses ambitions et ses désillusions, l'histoire et les moeurs du XIXe siècle, ses 389 lettres à Guillaume-Stanislas Trébutien (1800-1870) dessinent à la fois un formidable autoportrait et l'histoire d'une singulière amitié.

l'article in le Monde des livres.