Je ne connais pas "Les Marchands" de J pommerat mais j'ai découvert avant-hier "Cet enfant" aux Bouffes du Nord (magnifique théâtre sur le boulevard de la Chapelle à Paris, dirigé par P Brook et M Rozan).
"Cet enfant" est une commande de la Caisse d'Allocations Familiales du Calvados. Cette pièce a été écrite par J Pommerat à partir de rencontres avec des habitantes lors de l'accueil en résidence de sa troupe à Hérouville-Saint-Clair.
Le plateau est nu. Les personnages surgissent du noir ; l'éclairage en douche et contre-jour est parfois limite – les visages ne sont pas toujours mis en lumière. La mise en scène est sobre. Souvent les personnages restent figés sous la lumière, statufiés. C'est un parti pris de J Pommerat qui a aussi fait la mise en scène.
Entre les tableaux, 4 musiciens jouent derrière une toile diaphane une musique aux accents rock ou jazz (batterie, saxo, guitare, synthé).
Le texte est dru, violent par la force de la parole. Ce sont des monologues, des duos, ou trios (père/fille, fille mère, père fils). C'est le conflit de génération, l'incompréhension, la rancoeur accumulée dans les coeurs qui se déverse soudain : des choses enfin dites. Touchés, on se prend parfois à rire de la banalité de cette agressivité du verbe.
Un mauvais point cependant, cette impression sonore très désagréable due aux micros HF, un bijou de technologie presque invisible et collé au coin de l'oreille du comédien mais qui lui enlève son âme. Cela fait deux spectacles (Electre de Sophocle avec Birkin aux Amandiers) que je vois et c'est incroyable comme cela s'entend tout de suite. L'electronique enlève à la voix toute sa chaleur. Mais pourquoi utiliser de tels artifices surtout dans un théâtre comme les Bouffes et avec des comédiens qui n'avaient vraiment pas besoin de cela ?
Les applaudissements sont très chaleureux à la fin du spectacle. Je regrette que les 4 musiciens ne viennent pas saluer avec les comédiens.
"Cet enfant" est publié chez Actes-Sud et précédé de "D'une seule main" dans ce même recueil.