Grazia Deledda [Italie - Sardaigne]

Grazia Deledda, Elias Portolu, chez autrement.

Prix Nobel en 1926, Grazzia Deledda est la romancière du monde sarde. On imagine un Giono chrétien qui propose une vision pastorale - au sens rural et religieux du terme, des bergers nuorais. Le récit est une épure, dont la finesse du trait fait penser aux vignettes de Saint François d'Assise.

Elias sort de prison, faible physiquement et moralement, heureux de reprendre sa place dans le clan Portolu. Il mènerait une vie tranquille de berger, s il n'était attiré par la beauté de Maddalena, future fiancée de son frère Pietro. Il ne sait quelle conduite adopter.

Dans cette vie sarde rythmée par les fêtes populaires et les pèlerinages, le faible Elias hésite entre deux mentors : Zio Portolu, son oncle, au bon sens païen, ou l'abbé Porcheddu, religieux atypique certes, mais homme soucieux de spiritualité.

Elias écoute le second, qui n'est jamais désavoué par Grazzia Deledda.

Si cet abbé truculent devient pour Elias un austère maître à penser, ne serait-ce pas pour privilégier la construction dramatique du récit ? On suit l'intrigue, sans être pleinement convaincu par le sentiment de culpabilité qui hante Elias, sans cesse hésitant entre le "bien" et le "mal".

Le pays sous le vent est actuellement édité par les éditions Autrement.

première phrase :

Citation :

Malgré toutes les précautions et les mesures que nous avions prises, notre voyage de noces fut un vrai désastre.

Grazia Deledda, Le pays sous le vent, éditions Autrement

Des sentiments complexes et des justifications équivoques.

La narratrice est une jeune mariée qui écrit

Citation :

« pour se justifier vis-à-vis des mort et des vivants, mais surtout de [sa] propre conscience. »

Elle raconte sa jeune vie partagée entre deux endroits, celui de sa famille et celui où elle s’installe avec son mari, un village montagneux et maritime, où souffle le vent.

Elle fait vivre les premiers émois de son cœur pour deux hommes : le beau - mais indéfinissable Gabriele, passion qui reste lettre morte. En revanche, unie à son mari, elle rencontre à nouveau Gabriele, quelques années plus tard, malade et décharné, tel un fantôme.

Le pays sous le vent

Entre attirance et peur, entre bienveillance et méchanceté, la narratrice vit un profond malaise qui contamine son entourage. Les sentiments forts qui l’agitent se traduisent, semble-t-il, dans les alternances d’un temps qui passe de la beauté tranquille à la grosse tempête.

Elle essaie en vain de se situer entre le bien et le mal, entre dieu et le diable, sans gérer clairement sa conduite :

Citation :

Je savais très bien que c’était le fond romantique de mon tempérament qui agissait, mais j’essayais de l’expliquer par des raisons mystiques.

Le pays sous le vent

Si la paysage est farouche, les habitants ne le sont pas moins sous la plume de Grazia Deledda :

Citation :

Des visages, encore des visages, les uns derrière les autres, où dominent les deux différents types de cette race forte, dont le sang chaud, la chair musclée et sensuelle, et les élans généreux et sentimentaux s’allient à un caractère subtil et pratique.

Des visages pleins, dont la couleur vive est atténuée par le blond des cheveux et le bleu verdâtre des yeux. Des visages perçants et bruns, au profil presque linéaire aux yeux noirs et vifs. Mais on distingue aussi des figures mauresques, avec des cheveux épais et crépus, de mâchoires larges et des yeux dévorants.

Il s’agit sans doute des derniers descendants des envahisseurs barbares qui s’étaient installés ici jadis, dans ces régions maritimes et fertiles.

Cet extérieur correspond à la personnalité intime de la narratrice.