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| | Annie Ernaux | |
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Auteur | Message |
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Albert pilier
Nombre de messages : 2302 Localisation : île de france Date d'inscription : 22/06/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Sam 07 Aoû 2010, 17:26 | |
| Annie Ernaux parle bien du conflit de loyauté dans lesquels sont pris les enfants pour qui la culture de l'école et de l'entourage amical est aux antipodes de la culture familiale. C'est un choix douloureux: renier sa culture familiale pour monter dans l'ascenseur social et voir se creuser le fossé avec ses proches, ou bien adhérer aux valeurs familiales et renoncer au plaisir d'évoluer.
On voit dans ses livres que même lorsqu'on a fait le choix de la réussite, ce n'est pas sans douleur, c'est au prix de se couper de ses racines. | |
| | | fontelle pilier
Nombre de messages : 2068 Age : 77 Localisation : Anjou Date d'inscription : 15/06/2006
| Sujet: Re: Annie Ernaux Sam 07 Aoû 2010, 22:25 | |
| "[quote]Ce qu'ils disent ou rien" si je ne me trompe pas est le récit de cette même mère qui se retrouve dégradée en Maison de Retraite.[/quote]
Non, c'est le récit de l'adolescence, quand elle devient femme et cherche l'amour (enfin...le sexe) Et quand elle prend conscience, surtout du décalage intellectuel entre elle et ses parents. | |
| | | Hexagone pilier
Nombre de messages : 524 Age : 53 Localisation : Ile de France Date d'inscription : 15/11/2009
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 20 Oct 2010, 19:20 | |
| Acheté par hasard sur une brocante, je viens de terminer " La place", Annie Ernaux avec beaucoup de pudeur, de retenue et de délicatesse évoque son père. Ce père disparu. Au travers de la biographie de celui-ci, elle évoque à mots couverts la place de l'homme dans la vie. Cette place est-elle celle du mort dont il ne reste que la trace sur l'oreiller. La place à prendre dans la société, la place que l'auteur semble avoir du mal à prendre entre deux catégories sociaux professionnelles ? Il plane une vacuité dans l'écriture de Ernaux, un vide que rien ne comble. Le style est froid, plat, on dirait presque un rapport d'un médecin légiste ou d'un entomologiste disséquant un insecte. C'est cela, Ernaux dissèque froidement la vie d'un homme. Sans sentimentalisme elle donne à éprouver des émotions. Sans doute l'ouvrage est-il un exercice de style assez réussi. Méritait-il de remporter le prix Renaudot ? Je l'ignore. Un livre court, rapide qui semble aussi intéressant qu'une posologie de médicaments, mais qui se révèle adapté à ce que l'auteur a voulu transmettre, un témoignage direct d'une vie passée ici bas.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 23 Jan 2011, 07:17 | |
| Tu as donc d'autres récits à découvrir avec plaisir :
la Honte chez Folio, elle raconte une violente scène de couple, et "Je ne suis pas sortie de ma nuit", ou les dernières années de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Ces deux livres de moins de 200 pages sont chez Folio.
Rappel : Dans Les Années, à partir de photos d’elle, Annie Ernaux déroule 60 ans d’histoire française, l’intime et la collective, agrégeant au passage tout ce que l’oreille et les yeux ont pu retenir du temps qui passe, chansons ou slogans publicitaires, manchettes de journaux ou discours politiques, apparition de nouveaux mots ou modes vestimentaires. Elle ne restitue pas le passé à l’aune de l’adulte qu’elle est devenue, ne juge pas l’histoire ni la hiérarchise a posteriori, mais nous plonge dans un flux continu, dans une sorte de présent sans cesse actualisé, où les époques changent sans même qu’on s’en aperçoive.
source : le Temps.
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| | | IzaBzh pilier
Nombre de messages : 1193 Age : 58 Localisation : Yonne Date d'inscription : 02/06/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mar 25 Jan 2011, 12:15 | |
| J'ai lu "La femme gelée", "Passion simple" et un autre aussi dont je ne parviens pas à me rappeler le titre... Je me rappelle juste que je les ai beaucoup aimés Pour la peine, je rajoute "Les armoires vides" à ma liste ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 21 Avr 2011, 05:34 | |
| 77 pages Editions Nil Yvetot, un dimanche d'août 1950. Annie a dix ans, elle joue dehors, au soleil, sur le chemin caillouteux de la rue de l'Ecole. Sa mère sort de l'épicerie pour discuter avec une cliente, à quelques mètres d'elle. La conversation des deux femmes est parfaitement audible et les bribes d'une confidence inouïe se gravent à jamais dans la mémoire d'Annie. Avant sa naissance, ses parents avaient eu une autre fille. Elle est morte à l'âge de six ans de la diphtérie. Plus jamais Annie n'entendra un mot de la bouche de ses parents sur cette sœur inconnue. - Citation :
"Elle était plus gentille que celle-là" Se confronter à une absente, tel est le sujet de ce petit livre. On se rappelle Althusser recevant le prénom d'un frère aîné décédé. Des morts qui nous compliquent la vie. | |
| | | Arundathi pilier
Nombre de messages : 449 Age : 77 Localisation : Evian Date d'inscription : 17/04/2011
| Sujet: Re: Annie Ernaux Jeu 21 Avr 2011, 06:11 | |
| "Je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée."
Une nouvelle rencontre avec Annie Ernaux ... Son dernier livre "L'autre fille" reste toujours à vif, percutant ... l'interrogation toujours en finale ...
"Passion simple" mon préféré, "La place" m'a beaucoup touché, tous les écrits, les essais d'Annie Ernaux valent un arrêt sur les mots ... écriture sans fioriture, dérangeante oui, mais combien passionnante ! | |
| | | Marie kiss la joue Animation
Nombre de messages : 2576 Age : 36 Localisation : Rennes/Paris Date d'inscription : 03/04/2007
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 24 Avr 2011, 15:46 | |
| Annie Ernaux était l'invitée de François Busnel jeudi dernier dans l'émission La grande librairie sur France5; l'interview n'est pas très longue mais intéressante ! http://www.france5.fr/la-grande-librairie/?page=videos&id_article=5018 (à partir de 20 minutes environ). | |
| | | mimi54 pilier
Nombre de messages : 550 Age : 55 Localisation : nancy Date d'inscription : 11/03/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 25 Avr 2011, 11:50 | |
| L'autre fille
Ce texte est une commande d’un éditeur à l’occasion de la création d’une nouvelle collection : « Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Il n’y a pas de plus beau cadeau qu’un être puisse faire qu’un lettre, c’est un peu de lui qu’il donne, à l’autre, aux autres, sans retour ni récupération possible. Une lettre c’est un morceau d’âme que l’on couche sur le papier pour l’éternité, c’est un peu ou beaucoup de son intimité dont on se démet pour l’offrir à l’autre.
« T’écrire, ce n’est rien d’autre que faire le tour de ton absence. Décrire l’héritage d’absence. Tu es une forme vide impossible à remplir d’écriture. » Avec une écriture ciselée, bien à elle, Annie Ernaux écrit cette lettre à sa sœur ainée morte de la diphtérie à 7 ans et qu’elle n’a jamais connue. Les mots sont choisis avec précision, il n’y a rien de trop.Il y a comme une économie de phrases et de mots, et pourtant, tout y est. Un concentré de ressenti. Un voyage au cœur d’elle-même, au pays de son enfance. « A mon enfance racontée, pleine d’anecdotes, ne correspond pour la tienne que le vide. »
Annie Ernaux dit la douleur d’être celle qui reste, celle qui remplace. « A la fin, elle dit (en parlant de sa mère qu’elle entend par hasard, étant enfant) de toi elle est plus gentille que celle-là. » « Je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée » « Les parents d’un enfant mort ne savent pas ce que leur douleur fait à celui qui est vivant. »
Annie Ernaux se pose plus de question, qu’elle ne trouve de réponses .Il y a tout le poids des non dits de cette époque. Elle savait, pour sa sœur, mais n’en a jamais rien dit à ses parents. Chacun a fait comme si l’autre ne savait pas. « Me conforter à leur désir de mon ignorance de toi. »
Cette lettre m’a touchée, émue par moment. J’ai beaucoup d’admiration pour celle ou celui qui avec des mots simples, choisis et forts, sait parler de son intime sans déballage, mais au contraire avec finesse. L’art est difficile, la frontière entre la pudibonderie, et l’étalage indigne est tenue, Annie Ernaux réussi l’exercice avec brio : en dire assez mais pas trop, avec élégance. Il y a quelques années, j’avais été un peu déroutée par son écriture ; je me remettrai à l’ouvrage.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Sam 10 Sep 2011, 16:47 | |
| oui, je ne l'ai pas encore fini, mais c'est bon d'en parler tout de suite, pour ne pas étouffer. 1/2 Le petit livre d’Annie Ernaux, l'autre fille, se présente, même matériellement, comme une lettre dont vous connaissez la destinataire et l’argument. Il est placé sous le signe de la photo, de ce qui était quotidiennement sous les yeux et qui n’a pas été vu sur le moment. C’est à la fois un portrait avec une fausse légende, une vue idyllique des parents, démentie par la suite, et un regard rétrospectif sur le cadre ; il est représenté par deux photos dans le texte, deux façades raides et austères, sans présence humaine. Annie Ernaux fait resurgir de son enfance le mensonge fondamental, le secret calculé qui, forcément, revient aux oreilles. Elle le revisite avec souffrance et amertume, et elle dit le malheur des objets hérités, d’une arrivée dans une famille marquée par une histoire. - Citation :
- « Les parents d’un enfant mort ne savent pas ce que leur douleur fait à celui qui est vivant. »
Elle a vécu dans une chambre mortuaire, glacée par les croyances et les cantiques. Elle a joué le rôle d’une remplaçante qui n’est pas à la hauteur, ce qu’elle découvre après coup, avec le sentiment d’avoir été la dupe de ses parents. Elle s’interdit de prononcer les mots de père ou mère, a fortiori d’appellations plus. tendres. C’est un texte fort, sans recours, puisqu’à l’époque, comme maintenant, les rôles ont été distribués irrévocablement. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mar 20 Sep 2011, 11:15 | |
| L'autre fille2/2 - Citation :
- Je suis venue au monde parce que tu es morte et je t’ai remplacée.
L’autre fille est à mes yeux le meilleur livre d’Annie Ernaux qui, en fin de volume, montre l’impact de ce secret de famille sur sa vie personnelle et sa création littéraire. A ce titre, il touchera le lecteur, sans oublier que chacun trouvera dans sa propre vie des absents, qui ont, à son insu, marqué son enfance et l’attitude adoptée à son égard, en particulier dans les milieux catholiques, expressément mentionnés par l’auteur. | |
| | | IzaBzh pilier
Nombre de messages : 1193 Age : 58 Localisation : Yonne Date d'inscription : 02/06/2010
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 12 Oct 2011, 12:54 | |
| L'autre fille
Un petit livre qui m'a beaucoup touchée, non seulement parce que j'aime énormément cette auteure pudique, mais également pour le style empreint de sensibilité sans sensiblerie et de beaucoup de justesse. Beaucoup de retenue, de souffrances inavouées, du côté des parents autant que du côté de "l'autre" fille, des questionnements qui durent toute une vie, faute de réponses de la part de la famille. Et surtout l'impression de ne devoir sa vie qu'à la mort de sa soeur. Ah, les secrets de famille, quel poids ! Ce livre n'est aucunement misérabiliste, je tiens à le préciser. Un vrai coup de coeur ! Il faut dire que le sujet me concerne de près, puisque j'ai vécu une histoire similaire... | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 12 Déc 2011, 07:53 | |
| 1084 pages chez Quarto Gallimard contient : Les armoires vides ; La honte ; L événement ; La femme gelée ; La place ; « Hôtel Casanova », « Histoires », « Retours » ; Journal du dehors ; « Littérature et politique » ; Une femme ; « Cesare Pavese » « Images, questions d URSS » ; « Je ne suis pas sortie de ma nuit » ; Passion simple ; « Leipzig, passage », « De l autre côté du siècle » ; Se perdre ; L occupation ; « Le chagrin », « L homme de la poste à C. », « La fête » ; Les années. Précédés de 100 pages de photos accompagnées d'extraits du Journal intime inédit. Pour en savoir plus, lire l'entretien sur RUE 89 Extrait. Mon père, lui, représente ma classe sociale, la classe dont je suis issue. C'est quelqu'un qui portait le monde paysan, le monde auquel ma mère voulait échapper, et elle a tout fait pour y échapper. Mon père non, et il avait aussi une culture ouvrière. Très certainement il était animé par une haine de classe à l'égard de la bourgeoisie. La honte qui le nourrissait, je la raconte. Un voyage-pèlerinage à Lourdes, une scène dans un restaurant où les gens riches du groupe sont bien servis car ils prennent le menu à la carte, et nous, personne ne prête attention à nous car nous sommes au menu. Il ressortait ça souvent, avec des mots d'une extrême violence sur les « bonnes femmes couvertes de bijoux ». | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Dim 22 Avr 2012, 07:33 | |
| Annie Ernaux parle de ses origines sociales, de l'argent, de ses livres, et de l'actualité en général. son livre le plus violent qui parle...? - Citation :
- De mes origines sociales ou de ma féminitude? Je disais «les Armoires vides», parce qu’il y a les deux: j’y parle à la fois du sexe et du social. Même s'il est certain que «l’Evénement» peut apparaître très violent, «la Honte» aussi.
il ne s’agit pas de choquer, plutôt de faire craquer le vernis des choses consensuelles, comme vous dites. De dire ce qui ne se dit pas, oui. Ecrire la vie, par Annie Ernaux, Gallimard, coll. Quarto, 1 088 p. L'Atelier noir, Editions des Busclats, 206 p., L'Ecriture comme un couteau, entretiens avec Frédéric-Yves Jeannet, Gallimard, Folio, 148 p. Un entretien sur bibliobs | |
| | | Kurtyn pilier
Nombre de messages : 134 Age : 31 Date d'inscription : 21/08/2012
| Sujet: Re: Annie Ernaux Ven 07 Sep 2012, 10:58 | |
| - Moon a écrit:
- J'ai lu La Place, et j'ai trouvé ce récit poignant: la vie menée par le père et la mère (enfance, jeunesse), la volonté de s'en sortir, le fossé entre les classes et pour finir entre Annie et son père... soulignés par une écriture dépouillée à l'extrême.
Après ce n'est pas non plus inoubliable mais je ne m'attendais pas à ça. L'évocation de la Normandie au début du XXème siècle est terrifiante. La Place est le meilleur Ernaux à mes yeux... J'ai eu du mal à accrocher avec ses autres livres, mais celui-ci est particulièrement intéressant. Je joins ici la petite "fiche" écrite à propos de la Place ; - Citation :
- Lorsque j’ose refermer ce petit livre poignant, il me vient à l’idée de voir si mes parents vont bien. Doux sentiment de culpabilité. En fait, pas vraiment doux. La place d’Annie Ernaux est de toute évidence un livre difficile, non par le style de l’auteur (Annie Ernaux adopte, ici encore, une écriture « blanche ») mais par son sujet : la perte de son père. Livre qui oscille entre autobiographie et biographie du père, La place rend à la fois compte de l’enfance de l’écrivain et des difficultés financières et sociales de ses parents. C’est surtout un éclairage important sur la condition paysanne et ouvrière, des « petites gens », des « petits commerçants », en un mot des classes laborieuses, même si les férus de sociologie me reprocheront ce terme. Ernaux porte un regard à la fois tendre et caustique sur ces instants difficiles, quand le petit café familial accordait des crédits à tous mais connaissait la « nécessité », quand les dimanches se succédaient, inlassablement, sans surprise ni fanfare.
L’écrivain, lors de son enfance, à la chance d’aller à l’école ; cela attirera, jusqu’à ses études supérieures, moqueries et malaises pour ses parents. Cette petite ne fait rien, elle n’est pas à l’usine textile, elle fait son intelligente. Son père lui en voudra toujours d’atteindre un niveau dont lui ne peut rêver légitimement ; bien lire, bien écrire, bien parler, en un mot, savoir. La place est aussi le récit de cette barrière infranchissable dressée entre les parents et la fille, la barrière de la culture. Pour autant, on ne sent à aucun moment la honte de Ernaux pour ses parents, on ne devine jamais une rupture totale entre ces deux mondes. Car il faut bien dire que, malgré la mort du père et les privations perpétuelles, il subsiste dans ce livre une grande histoire d’amour, cet amour inaudible, ici en forme d’hommage discret, amour impalpable et léger qui lie à jamais des membres d’une famille, fussent-ils riches, pauvres, cultivateurs, commerçants ou intellectuels. La loi des familles a ses remparts, ceux-là même que le social et l’éloignement ne peuvent briser. Enfin, pas toujours. et une citation tirée de La Place : - Citation :
- « Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque de « passionnant » ou d’ »émouvant ». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée.
Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilatoire. L’écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j’utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles. » "Je ne suis pas sortie de ma nuit" et "Journal du dehors" sont aussi fichés par là. | |
| | | pmh pilier
Nombre de messages : 84 Localisation : Paris Date d'inscription : 10/02/2013
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 11 Fév 2013, 10:15 | |
| - rotko a écrit:
L’autre fille est à mes yeux le meilleur livre d’Annie Ernaux qui, en fin de volume, montre l’impact de ce secret de famille sur sa vie personnelle et sa création littéraire.
J'aime beaucoup l’œuvre d'Annie Ernaux, sa lucidité, son exigence de vérité, sa pudeur également car elle n'est jamais vulgaire selon moi, bien au contraire. J'ai presque tout lu d'elle, à ce jour. Je recommande d'ailleurs, moi aussi, son anthologie Ecrire la vie parue chez Gallimard. Il m'est difficile de choisir une oeuvre en particulier ; cependant, s'il fallait faire un choix, ce serait L'autre Fille, si court, si dense -à égalité avec Les années. J'ai conservé dans mes archives cette critique de L'autre Fille parue dans Libération, intitulée "Peine de soeur" : http://www.liberation.fr/livres/01012340974-annie- ernaux | |
| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mar 26 Mar 2013, 21:47 | |
| Je viens de lire L'écriture comme un couteau, un entretien avec Frédéric-Yves Jeannet qui date de 2003. C'est vraiment très intéressant. Quelle intelligence ! Quelle maîtrise dans l'analyse de son écriture, de ses choix et de ses motivations. Elle apporte un éclairage très instructif sur ses différents livres (elle ne veut pas parler d'"œuvre" !). J'ai retenu de ma lecture une sorte de florilège que je me fais un plaisir de partager avec les Grains : - Citation :
- La place, Une femme, La honte et en partie L’événement sont moins autobiographiques que auto-socio-biographiques. Et Passion simple, L’occupation sont des analyses sur le mode impersonnel de passions personnelles. p. 23
Et comment s’accorder sur une définition de la vérité… Pour moi la vérité est simplement le nom donné à ce qu’on cherche et qui se dérobe sans cesse. P.30
Pour revenir précisément au « je » : avant tout, c’est une voix alors que le « il » ou le « elle » sont, créent, des personnages. P. 31
Au fond, le but final de l’écriture, l’idéal auquel j’aspire, c’est de penser et de sentir dans les autres, comme les autres – des écrivains, mais pas seulement – ont pensé et senti en moi. p. 42
Si j’avais une définition de ce qu’est l’écriture ce serait celle-ci : découvrir en écrivant ce qu’il est impossible de découvrir par tout autre moyen, parole, voyage, spectacle, etc. Ni la réflexion seule. Découvrir quelque chose qui n’est pas là avant l’écriture. C’est là la jouissance – et l’effroi – de l’écriture, ne pas savoir ce qu’elle fait arriver, advenir. p. 136
Existe-t-il un intime à partir du moment où le lecteur, la lectrice ont le sentiment qu’ils se lisent eux-mêmes dans un texte ? p. 139
Surtout, un livre est pour moi une vision qui se réalise au fur et à mesure, il n’existe pas avant la dernière phrase. P. 145 Sa définition de l'écriture trouve en moi un écho inattendu dans la mesure où je ne l'aurais pas imaginée venant d'A. Ernaux. | |
| | | pmh pilier
Nombre de messages : 84 Localisation : Paris Date d'inscription : 10/02/2013
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 27 Mar 2013, 08:29 | |
| Je n'ai pas encore lu L'écriture comme un couteau mais l'avis de nicyrle donne envie En ce qui me concerne, j'ai toujours apprécié Annie Ernaux. Ses livres, très élaborés, reflètent non seulement sa sincérité mais aussi son exigence et sa lucidité. J'ai remarqué qu'elle ne laissait pas indifférent : soit on aime, soit on critique, en tout cas on ne reste pas neutre. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 27 Mar 2013, 10:35 | |
| je crois aussi qu'elle peut être inégale, et que suivant les livres, l'avis du lecteur peut varier, ce qui est mon cas | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Annie Ernaux Mer 27 Mar 2013, 10:46 | |
| zut ! je n'ai pas regardé à la médiathèque d'ici ! elle y est sans doute ! je note. Ton analyse me plait beaucoup, ma Nic ! | |
| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| | | | pmh pilier
Nombre de messages : 84 Localisation : Paris Date d'inscription : 10/02/2013
| | | | Marie kiss la joue Animation
Nombre de messages : 2576 Age : 36 Localisation : Rennes/Paris Date d'inscription : 03/04/2007
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 01 Avr 2013, 17:01 | |
| Personnellement, j'aime moins les livres dans lesquels elle parle de ses relations amoureuses, disons qu'ils me touchent moins que les autres. Pour autant, l'écriture est la même donc je ne dirais pas qu'ils sont moins bons... | |
| | | pmh pilier
Nombre de messages : 84 Localisation : Paris Date d'inscription : 10/02/2013
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 01 Avr 2013, 19:08 | |
| Je comprends ton point de vue Marie. En fait, je me rends compte que ce que j'aime surtout chez Annie Ernaux c'est son écriture, le rythme de son écriture et son style. Elle réussit à m'intéresser à des thèmes très intimes. Pour moi, il se dégage de ses textes une petite musique, très personnelle. | |
| | | nicyrle pilier
Nombre de messages : 5882 Age : 81 Localisation : Tout en bas, sous les orangers Date d'inscription : 05/02/2008
| Sujet: Re: Annie Ernaux Lun 01 Avr 2013, 21:36 | |
| Je vous comprends très bien, Marie et pmh. Il me semble pourtant que, même avec une petite musique très personnelle qu'on retrouve de livre en livre, il y a eu dans son écriture des variantes en fonction du sujet abordé ou, peut-être, des objectifs que poursuivait l'écrivain ; dans certains cas, personnellement, j'ai moins apprécié, je pense par exemple à L'événement ou Les années, j'avais l'impression de "sentir" l'effort pour parvenir à ce niveau de dépouillement dans le style. | |
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| | | | Annie Ernaux | |
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