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| | Paul Auster | |
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Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Paul Auster Jeu 08 Juil 2010, 09:25 | |
| The New York Trilogy A mon avis, ce bouquin vaut le coup surtout pour le dernier volet. Non pas parce qu'il explicite le lien entre les trois récits - ce qui d'ailleurs n'était pas forcément nécessaire - mais parce que les personnages ont plus d'épaisseur. Certes l'écriture de The locked room est moins originale que celle des autres volume, mais c'est peut-être cette originalité qui m'a un peu rebuté dans le cas de City of glass et Ghosts. Enfin... la lecture des deux premiers récits est probablement nécessaire pour pleinement apprécier le troisième. A vrai dire, le premier texte m'a tout suite mise très mal à l'aise. La rencontre avec Peter Stillmann (le fils) qui a lieu au tout début du livre est profondément dérangeante. J'ai eu beaucoup de mal à passer outre ce sentiment de malaise et de disharmonie. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose... c'est une autre manière d'aborder l'écriture et de s'interroger sur son sense... Cependant, je ne suis pas sûre d'avoir retenu grand chose de ce récit - entendons nous bien, quelque chose qui n'a pas été abordé plus tard dans The locked room. La mention du nom de l'auteur lui-même n'apporte rien de plus à l'œuvre. J'ai trouvé Ghosts un peu trop plat. A vrai dire l'idée de base est intéressante mais Paul Auster en a, à mon avis, fait un récit poussif. Bon je ne tiens pas non plus à descendre en flèche The New York Trilogy que j'ai tout de même apprécié - sans toutefois être complètement conquise. La perte de l'identité est le thème central des trois récits. Et c'est le troisième volet qui le traite de la manière la plus subtile : à travers la fascination (entre haine et admiration) que Fanshawe exerce sur son ami d'enfance, et la transformation de celui-ci. C'est d'ailleurs cette obsession devenue malsaine qui fait la force de The locked room . A propos du nom Fanshawe, j'ai fait quelques recherches et il se trouve qu'il s'agit de premier roman écrit par Nataniel Hawthorne (je vous renvoie au fil sur cet auteur ). En revanche, je n'ai pas trouvé de résumé de l'œuvre. J'ai aussi apprécié toutes les anecdotes (par exemple la vie de Da Ponte) rapportées dans les différents récits.
Dernière édition par Moon le Lun 18 Oct 2010, 11:07, édité 3 fois | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Paul Auster Jeu 08 Juil 2010, 09:39 | |
| Je suis amusée de lire mes critiques enthousiastes d'autres livres de Paul Auster et qui remontent maintenant un peu (il y a trois ans pour Moon Palace et plus d'un an pour Anna B.). Autant ces livres m'avaient vraiment marquée sur le coup, autant maintenant avec le recul le souvenir en est devenu un peu flou. | |
| | | Rat de cave pilier
Nombre de messages : 38 Age : 124 Localisation : Décontracté du gland Date d'inscription : 24/03/2009
| Sujet: Re: Paul Auster Jeu 08 Juil 2010, 17:31 | |
| Salut, Je me souviens également d'avoir dévoré quasiment tous les romans de Paul Auster avec enthousiasme il y a une dizaine d'année... J'ai récemment été très déçu à la relecture de Moon Palace... @+ | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: paul auster Sam 10 Juil 2010, 01:06 | |
| En voyant les nombreux commentaires sur Auster, j'ajoute aussi qq's mots. J'ai été fascinée par Moon Palace et légèrement décue par L'Homme dans le noir", un bon livre, je le reconnais, mais après avoir lu le premier, je m'attendais à quelque chose de mieux. J'avoue qu'on ne peut juger un auteur ayant lu deux livres seulement. Je vois qu'il a beaucoup écrit, alors il faudra que je commence à le lire. | |
| | | christineb neophyte
Nombre de messages : 5 Age : 63 Localisation : Jura au bout du monde Date d'inscription : 29/08/2010
| Sujet: un peu trop froid Lun 13 Sep 2010, 09:50 | |
| j'ai lu deux ou trois livres d'auster, après avoir bu les romans de son épouse, et passant par curiosité de l'un à l'autre : 1er volet de la trilogie newyorkaise, Vertigo et un autre (lequel ?). Je ne prétends donc pas être une spécialiste de cet auteur, mais j'ai fermé la porte, peut-être hâtivement. Après les livres de siri hustredt, ceux de Paul Auster m'ont paru de grande froideur et de peu de profondeur psychologique. En fait, ce sont les livres d'un homme, très attaché à l'aspect technique des choses et aux enchainements. Dans la trilogie new yorkaise, j'ai même eu l'impression qu'il s'amusait davantage à trouver des raccourcis, des passages secrets, des innovations dans la technique de l'écriture, et aussi dans les idées et leurs associations, qu'à l'histoire elle même. En résumé, je me suis sentie face à un technicien dont les livres, intéressants, n'éveillaient pas chez moi d'émotion, sauf des émotions intellectuelles. J'aimerais beaucoup qu'on me réponde à ce sujet. javascript:emoticonp(' ') | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Mar 14 Sep 2010, 05:11 | |
| j'ai un faible pour la cité de verre, titre que j'aime relire, car l'errance dans une grande ville pour en chercher le sens me fait penser à des ecrivains et des artistes comme Francis Alys. Tous les titres d'Auster ne me plaisent pas autant, mais certains titres (est-ce Mr Vertigo ? j'hésite) m'interessent beaucoup, y compris le carnet rouge qui doit être sur ce fil. | |
| | | mimi54 pilier
Nombre de messages : 550 Age : 55 Localisation : nancy Date d'inscription : 11/03/2010
| Sujet: Re: Paul Auster Mar 14 Sep 2010, 05:46 | |
| - rotko a écrit:
j'ai un faible pour la cité de verre, titre que j'aime relire, car l'errance dans une grande ville pour en chercher le sens me fait penser à des ecrivains et des artistes comme Francis Alys.
Tous les titres d'Auster ne me plaisent pas autant, mais certains titres (est-ce Mr Vertigo ? j'hésite) m'interessent beaucoup, y compris le carnet rouge qui doit être sur ce fil. j'ai adoré cité de verre, notamment pour la promenade au gré des rues et des avenues de New York; je m'y croyais totalement | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Paul Auster Sam 16 Avr 2011, 07:37 | |
| Paul Auster à l'université de Copenhague, le 13 mai... J'y serai ! Si vous avez une question pour l'auteur qui vous trotte dans la tête, je peux l'envoyer aux organisateurs. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Sam 16 Avr 2011, 08:06 | |
| - Moon a écrit:
- Paul Auster à l'université de Copenhague, le 13 mai... J'y serai ! Si vous avez une question pour l'auteur qui vous trotte dans la tête, je peux l'envoyer aux organisateurs.
ben voyons ! ma question "Au nom de GDS*, l'auteur continue-t-il à noter tous les faits de hasard déjà collectionnés dans le carnet rouge, pour sa réflexion personnelle et une éventuelle utilisation dans l'intrigue de ses romans/scénarii ?" | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Paul Auster Sam 16 Avr 2011, 08:16 | |
| Comment ça ben voyons !? Je peux envoyer UNE question aux organisateurs et s'ils considèrent qu'elle est intéressante, elle sera posée. Je ne raconte pas d'histoires, moi. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Sam 16 Avr 2011, 09:13 | |
| je ne mets nullement en doute ta proposition ou la demarche de l'université, je cogitais en mon esprit minimal. Ma question semble anodine, la réponse eventuelle le sera moins si elle est acceptée. Car les "coincidences" réelles, relevées par Auster dans ce carnet rouge, sont lourdes d'une histoire familiale chez les individus. Il s'agit donc de rien de moins que la face cachée de ses personnages de roman, des confidences qu'il a pu recevoir, ou trouver par exemple chez Sophie Calle qui figure dans ses romans. tu peux au besoin ajouter cette "explication" de ma question pour une reformulation. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Ven 01 Juil 2011, 04:13 | |
| Dans Seul dans le noir tout est justifié par l'impossibilité à vivre dans le monde réel tel qu'il est,[...] Auster propose un tableau cohérent et assez beau du monde des possibles. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| | | | chtip habitué(e)
Nombre de messages : 22 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/05/2010
| Sujet: Re: Paul Auster Sam 30 Juil 2011, 12:15 | |
| J'avais lu Moon Palace il y a quelques années, alors que j'étais en prépa, en anglais. Peut-être était-ce la langue (que je ne maitrisais pas encore vraiment bien et qui me rendait la lecture un peu fastidieuse), mais j'en garde un souvenir très flou et peu marquant. Un livre que j'avais trouvé plaisant, mais pas réellement enthousiasmant (je ne saurais plus vraiment dire pour quelles raisons).
Et puis récemment, après un voyage aux Etats-Unis, j'ai eu envie de me plonger dans des romans ayant comme toile de fond l'Amérique... et suis revenue vers Paul Auster le New Yorkais. Je viens donc d'achever le premier volet de la trilogie New-Yorkaise, la Cité de Verre et ce fut un peu comme une révélation. Comme si je comprenais soudainement pourquoi on faisait tout un plat de cet auteur (chose qui m'avait paru un poil exagéré à la lecture de Moon Palace).
Ce qui m'a plu, c'est la façon de l'auteur de nous faire petit à petit basculer dans la folie au côté de ses personnages. Lorsque je finissais pas reposer ce livre sur ma table de chevet, j'avais l'impression d'être encore à New York et de ressentir très vivement le danger que courrait Stillman. Et j'ai trouvé que la mise en abime entre narrateur, personnage, écrivain, donne encore un peu plus d'épaisseur à l'histoire: presque un deuxième niveau de lecture.
Bref. Ca m'a donné envie de relire Moon Palace pour essayer de comprendre ce que j'avais manqué la première fois. | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Paul Auster Lun 31 Oct 2011, 12:08 | |
| Je n'ai lu que Moon palace, de PA, à une époque un peu agitée de ma vie. J'avais apprécié, mais j'ai un peu oublié. Hier, j'ai commencé sa fameuse trilogie et je suis vraiment restée hypnotisée par sa Cité de verre. J'ai fini le livre et compte me jeter sur la suite. D'abord, je ne peux pas m'empêcher de penser à Borges. Pour l'enchevêtrement de thèmes à "réflexion" (au sens propre et figuré), de personnages, situations, etc... On entre dans un labyrinthe, dont on ne sort plus. Entre folie, hyperréalisme, abstraction et fantastique, l'auteur livre une synthèse unique qui nous fait tourner en rond, à l'instar du père dingue qui a élevé son fils "sans mots". Bien sûr, la littérature, (et son essence, les mots) est un des sujets majeurs et émouvants du récit puisque l'auteur se trimbale lui-même au milieu de cette histoire délirante, y entraînant sa femme, Siri. Du coup, le lecteur est assommé. De vraisemblance ? D'invraisemblance ? Pour la technique narrative, j'ai été très impressionnée par le monologue de Peter, le fils, tout au début : l'homme élevé sans langage. On est touché, heurté, outré, etc... PA touche là à quelque chose de très primitif chez l'homme : le langage. Priver un enfant de cela, c'est opérer une mutilation impardonnable et contre-nature... La souffrance humaine (mentale et/ou matérielle) est omniprésente dans ce livre aux dimensions New-Yorkaises tentaculaires, mais pas toujours froides (j'ai aussi trouvé un côté rassurant à la mégapole, avec le lac Hudson, les parcs, etc...). Qu'est l'individu face à la ville ? Face à son passé détruit ? Rappelons que Quinn est d'abord un être totalement pulvérisé par ses deuils. Sa vie ne tient que par quelques fibres nerveuses. On imagine la stupeur d'une telle douleur refoulée. Bref, comme Borges, c'est impossible à commenter. Je suis secouée et admirative. | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Paul Auster Lun 31 Oct 2011, 12:18 | |
| - rotko a écrit:
- rotko a écrit:
- ma question
"Au nom de GDS*, l'auteur continue-t-il à noter tous les faits de hasard déjà collectionnés dans le carnet rouge, pour sa réflexion personnelle et une éventuelle utilisation dans l'intrigue de ses romans/scénarii ?" Comme quoi ma question tenait la route puisqu'il y répond sur cette video J'ai complètement oublié de vous faire le compte rendu de cette visite à Copenhague ! C'était d'ailleurs très intéressant. Il est revenu sur la manière dont les faits réels inspirent ses romans. L'anecdote qui m'a le plus marqué concerne La cité de verre. Apparemment, il aurait vraiment reçu un coup de fil d'une personne cherchant à joindre un détective. La première fois il a raccroché, la seconde fois aussi et puis il a attendu pour une troisième qui n'est jamais venue... alors il a écrit un roman. Moi qui avait été déçue par la Trilogie New-Yorkaise, j'ai un peu changé d'avis. J'ai aussi appris que par solidarité avec son éditeur danois (qui a des soucis financiers), il insiste pour que la traduction danoise sorte avant la version anglaise (du moins au Danemark). Monsieur Auster est maintenant membre honoraire de mon université (l'université de Copenhague donc). | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| Sujet: Re: Paul Auster Lun 31 Oct 2011, 13:47 | |
| Fichtre ! L'histoire est pourtant si bien pensée qu'on n'imagine pas un instant que ce soit parti, comme ça, de quelque chose de si spontané et hasardeux. Ah que j'aimerais être romancière pour pouvoir exploiter tout ce qui m'arrive, même (et surtout) l'anodin ! C'est ça leur don : transformer l'anodin en matière artistique. | |
| | | Dindon pilier
Nombre de messages : 2737 Date d'inscription : 20/07/2008
| | | | Arundathi pilier
Nombre de messages : 449 Age : 77 Localisation : Evian Date d'inscription : 17/04/2011
| Sujet: auster Mer 07 Aoû 2013, 13:48 | |
| J'ignore si je suis sur le bon fil ! Je voulais juste signaler qu'au début de la semaine j'ai vu un excellent film tiré justement d'un auteur que j’affectionne beaucoup. Il s'agit de Paul Auster. En voici le résumé, je me suis régalée à le visionner, j'y pense encore aujourd'hui, je désire vous faire partager mon enthousiasme ! L'Amitié avec un grand A y est omniprésente, je me suis dis que la vie a cela d’extraordinaire qu'elle nous fait toucher du doigt le fait de faire partie intégrante du cosmos et de l'univers, et que nous avons besoin les uns des autres.
Cela fait partie de ces films qu'on n'oublie pas, parce qu'ils ne sont comme aucun autre, ce qui les rend tout simplement, au sens propre, exceptionnels. Tout comme le sont les livres de Paul Auster, comme en témoigne "Tombouctou", roman où le narrateur est un chien. Smoke SYNOPSIS Les destins d'un écrivain désespéré, d'un adolescent noir fabulateur et de l'ex-femme d'Auggie, photographe amateur et patron du café de Brooklyn où ils se croisent, vont se mêler, s'entremêler et basculer. Ours d'argent, prix spécial du jury, Festival de Berlin 1995. Grand prix du public, Festival de Locarno 1995.
Il est des films qu'on aime, qu'on a raison d'aimer, dont on connaît toutes les raisons qui font qu'on les aime. Et puis ceux dont on ne sait rien, sinon qu'on les aime. Et qu'on ne les oubliera plus. Brooklyn. Un métro aérien serpente entre des immeubles gris. Dans un magasin de cigares, une conversation s'est engagée sur les mérites comparés des joueurs d'une équipe de base-ball. Deux plans, quelques secondes à peine, et, soudain, on éprouve l'impression étrange d'être né à Brooklyn et d'avoir toujours vécu dans la boutique de cigares d'Auggie, au coin de la 3e et de la 7e Rue. Un drôle de type, Auggie.
A première vue, un mec trapu et vaguement bourru. Seulement, comme tous les héros de Smoke, Auggie ne ressemble pas à ce qu'il paraît. Dans ses yeux, dans son sourire, on lit une indulgence perpétuelle. Un amour des autres. La tendresse. Et puis, il a un secret, Auggie. C'est ce que découvre Paul. Un écrivain déglingué depuis la mort de sa femme, qui vient régulièrement lui acheter deux paquets de Schimmelpenninck, sans lesquels la vie lui serait encore plus intolérable. Chaque jour depuis treize ans, Auggie, à 8 heures du matin, prend en photo le coin de sa rue. « Quatre mille photos du même endroit, dit-il, quatre mille jours de suite par tous les temps. C'est pour ça que je ne peux jamais prendre de vacances.
Faut que je sois à mon poste, chaque matin. Chaque matin au même endroit, à la même heure. » Paul est vaguement gêné, comme le sont ceux qui découvrent chez l'autre une manie curieuse qu'ils ne partagent pas. Il feuillette vite les pages de l'album. « Vous allez trop vite. C'est à peine si vous regardez les photos, lui dit doucement Auggie. Mais elles sont toutes pareilles ! Elles sont toutes pareilles, mais chacune est différente. » C'est vrai. Il y a celles prises en été, où les gens se baladent en short et T-shirt. Et d'autres, automnales, où ils sont surpris, embusqués derrière leur parapluie. Il y a des photos lumineuses où, pleins d'espoir, certains se pressent vers un avenir radieux. Et d'autres reviennent, plus sombres, plus douloureux. Exactement comme nous avions pénétré dans Brooklyn et dans le magasin de cigares, Paul plonge dans le monde d'Auggie.
Lui, qui se contentait de regarder, se décide à voir. Alors, sur une photo, il aperçoit la silhouette de sa femme. Elle passait souvent, cette année-là, à 8 heures, juste au moment où Auggie appuyait sur le déclic. C'est un moment absolument magique. Simple. Evident. Bouleversant. Un homme pleure le souvenir d'une femme disparue, un instant ressuscitée. Un autre le contemple en silence. Et l'on sent, d'abord entre eux, puis entre eux et nous, naître ce sentiment que le cinéma montre rarement si bien : la compassion. Des moments aussi intenses, il y en a beaucoup dans ce film où se croisent des êtres ordinaires, transcendés par une flamme qui semble constamment les éclairer de l'intérieur pour mieux faire ressortir, au coeur de leurs faiblesses, leur beauté cachée.
Mais la beauté de Smoke, c'est d'avoir su à ce point éviter les dangers qui le menaçaient : le sentimentalisme ou, puisque le scénario est signé Paul Auster, un côté littéraire, artificiel, sophistiqué... Or, non. A chaque instant, la légèreté côtoie la gravité et l'ironie, la tendresse. Car les héros de Smoke mentent. Ou plutôt non, ils inventent, ils embellissent. Rashid, par exemple, ne fait que tricher avec la réalité. Il prend l'identité de Paul, rencontré par hasard, pour s'approcher de ce père dont il apprendra, également par hasard, pourquoi il a fui, jadis... Ruby, elle, s'en vient, des années après, demander à Auggie d'aider leur fille dont jusqu'alors il n'avait pas soupçonné l'existence.
Mais, est-elle bien sa fille ? « Mathématiquement, il y a une chance sur deux », dit Ruby, avant d'ajouter cette phrase superbe : « A toi de voir. » Et Auggie s'en va, un sourire aux lèvres. Le doute est décidément la seule certitude possible. C'est le même sourire qu'Auggie arbore après avoir raconté à Paul, en panne d'inspiration, une soirée de Noël passée, il y a longtemps, en compagnie d'une vieille dame. Et, soudain, Paul ne sait plus que penser. Quoi, ce salopard d'Auggie, qui vient de l'émouvoir jusqu'aux larmes, se serait-il payé sa tête ? Ou alors ce sourire ne serait-il destiné qu'à lui faire croire en la fausseté de cette histoire vraie ? Mais qu'importe la vérité si on invente bien ses mensonges ? Si les mensonges parviennent à embellir l'existence ?
C'est toute la philosophie de ce film sinueux comme les volutes de fumée d'une cigarette, dessinant dans l'espace des arabesques inattendues. Il y a dans Smoke, une série de signes, de coïncidences. Une sorte d'harmonie, plutôt, que semblent créer les êtres qui s'y croisent. Smoke rend donc confiance dans la vie et dans un cinéma qui sait si bien la rêver. « On est innocent quand on rêve », dit, d'ailleurs, la chanson du film. Voilà : tous les personnages sont des innocents magnifiques qui nous invitent à les accompagner un bout de chemin. On les suit avec passion -
Pierre Murat Américain (1h50). Réalisation : Wayne Wang. Scénario : Paul Auster. Image : Adam Holender. Décors : Kalina Ivanov. Montage : Maysie Hoy. Musique : Rachel Portman. Avec : William Hurt (Paul Benjamin), Harvey Keitel (Auggie), Harold Perrineau (Rashid), Stockard Channing (Ruby), Forest Whitaker (Cyrus Cole), Ashley Judd (Felicity). Production : G. Johnson, P. Newman, H. Kuroiwa, K. Horikoshi. Distribution : Pyramide
Télérama (Pierre Murat) | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Mer 07 Aoû 2013, 14:41 | |
| je mets le message ci-dessus sur le fil de l'auteur. J'avais vu le film SMOKE dans de mauvaises conditions (salle bondée, 1er rang etc) et l'article explicite bien le propos. De Paul Auster j'ai lu plusieurs fois cité de verre, mon favori, et le carnet rouge, petit recueil de choses vues/vécues, qui me revient souvent à l'esprit. | |
| | | Arundathi pilier
Nombre de messages : 449 Age : 77 Localisation : Evian Date d'inscription : 17/04/2011
| Sujet: Re: Paul Auster Mer 07 Aoû 2013, 15:13 | |
| Merci rotko d'avoir "recadré" mon fil ! Suis ravie que tu apprécies également Paul Auster ! Je n'ai pas lu "le carnet rouge", je note donc pour me le procurer très vite ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Mer 07 Aoû 2013, 16:17 | |
| tu le liras sur les pages précédentes, ce n'est pas un récit, mais un recueil de notes. | |
| | | Ysandre pilier
Nombre de messages : 18014 Age : 121 Localisation : sud ouest Date d'inscription : 25/06/2009
| Sujet: Re: Paul Auster Lun 19 Aoû 2013, 16:19 | |
| aujourd'hui, je n'ai pas trouvé à la médiathèque ce que j'avais noté. Mais j'ai pris Tombouctou j'ai aussi trouvé un Philippe Besson que je n'avais pas encore lu retour parmi les hommes et portrait sépia d'Isabel Allende. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Paul Auster Mer 30 Oct 2013, 12:14 | |
| je retrouve dans chronique d'hiver chez Actes sud le paul auster du carnet rouge.
1/2
A 64 ans l'écrivain fait le tour de ses premiers souvenirs, ie plaies et bosses à tout âge, accidents etc. pour parler ensuite des filles, depuis les premiers emois juqu'aux années étudiantes. Il enchaîne avec les différents logis, dont plusieurs dans le quartier latin ou plus largement à Paris et en France, ce qui lui permet des petites remarques sur les Français.
Chez certains, ce genre de souvenirs serait banal, Auster, lui, donne du piment à ces rappels, ce qui rend la lecture facile et agréable. | |
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| Sujet: Re: Paul Auster | |
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| | | | Paul Auster | |
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