Jean-Pierre Duprey a 16 ou 17 ans quand il écrit ses premiers poèmes. Le même âge que Rimbaud… (et que moi ! Hihihi !)
Il est rapidement publié dans la revue En Marge.
C'est à André Breton qu'il adresse ses textes. Celui-ci est admiratif : "Vous êtes certainement un grand poète, doublé de quelqu'un d'autre qui m'intrigue. Votre éclairage est extraordinaire." Breton avait-il pressenti l'insolite de la destinée de Duprey ou s'était laissé influencer par le titre de son recueil "Derrière son double" ?
Est-ce ce "quelqu'un d'autre" qui tourmente le jeune poète ? Est-ce ce fantôme, ce double ombreux qui empêche Duprey de trouver sa place ? Est-ce lui qui pousse le poète à chercher l'absolu qui ronge, consume certaines âmes ?
Jean-Pierre Duprey a longtemps cherché par l'écriture, la sculpture (il avait choisi le fer pour matériau, le fer… oxydable, donc plus vulnérable que la pierre ou le marbre)
Il a crié son angoisse du vide, du néant, sa hantise de la mort :
… hurlant avec la peau du loup dont je rêve les dents…
… J'ai dormi près d'une statue l'espace compris entre les deux lèvres d'un gouffre. Un gouffre dont j'ai le vertige en moi…
C'est un poète "essentiel" selon moi. Non pas essentiel par son importance, sa célébrité mais parce qu'il écrivit pour vivre, pour "tenter de vivre".
… Qu'est-il de plus triste au monde que de partir sans chanter ?
Il n'aura publié que trois recueils avant sa mort, le 2 octobre 1959 : Derrière son double – La Fin et la Manière – La Forêt sacrilège.
C'est à André Breton qu'il adresse sa dernière lettre. Il demande à sa femme d'aller la poster. Pendant son absence, le poète se pend dans son atelier…
Duprey est un poète maudit. Il n'a pas trouvé ce qu'il cherchait, cet idéal toujours fuyant, toujours insaisissable.
Mais, comme le dit Baudelaire :
Les poètes, les artistes et toute la race humaine seraient bien malheureux, si l'idéal, cette absurdité, cette impossibilité, était trouvé. Qu'est-ce que chacun ferait désormais de son pauvre moi, de sa ligne brisée ?
Je republie ici le poème que Rotko a proposé dans la rubrique qui suis-je, parce qu'il illustre bien la pensée du poète... C'est un texte que je ne connaissais pas, j'espère qu'il est bien de Duprey ! :o
Un jour je dormirai du sommeil dont j’ai peur
Pour ne plus m’éveiller
Je descendrai au fond de ces temps oubliés
Où les sirènes pleurent.
Et les très longs voyages repliés dans ma tête
Seront chiffons de rêve
L’archange qui nous garde et sans nous ne s’élève
Sera l’ange de la fête
Puisse durer longtemps le phare du vaisseau
Qui nous porte sur terre
L’abri que se construisent les marins sous les flots
Me semble bien précaire
Allégés de leur poids ils sont bulles de verre
Portés par les anges
Un rêve qui les cogne claque comme une orange
Entre deux bras de mer.
JP Duprey