Amadou Hampaté Bâ [Mali]

Bonjour,

Je viens de faire une expérience très agréable. J'ai traversé le Mali en lisant Amkoullel l'enfant peul (pas de i dans le titre chez Babel édition !).

Comme je ne faisais pas réellement du tourisme mais plus de la socio-géographie, j'ai été simultanément confronté à l'apprentissage de la société malienne et de ses rapports sociaux actuels et à l'histoire de ces rapports dans le récit d'amadou hampaté ba.

Or les deux sont très liés.

Une expérience que je conseille. Lorsque l'on a été baptisé d'un nom malien (le mien est seydou Diâ), les contacts changent et de nouvelles portes de la compréhension s'ouvrent, notamment celle des rapports de cousinage.

bonne idée de mêler les impressions de voyage et des données livresques.

J’ai lu Amadou Hampaté Bâ, il y a très longtemps (A sa sortie en fait, recommandé par Pivot dans « Lire » à l’époque). J’aime beaucoup

Hampaté Bâ, c’est le Pagnol africain. Des récits truculents, des histoires rocambolesques, qui n’oblitère pas un discours plus sérieux sur l’Afrique, ses traditions, l’islam…

Il parle de l’islam, l’islam de la tolérance, l’islam des écoles coraniques et de leur rôle dans l’éducation des enfants. A l’époque ou les fondamentalismes s’exacerbent il faut relire Hampaté Bâ pour avoir une vision différente d’un Islam modéré et paisible.

Après sa mort, les épreuves d’un troisième volet des mémoires ont été trouvées par ses proches, qui avaient plus ou moins annoncé, une parution à venir. Je ne manque jamais de regarder périodiquement dans le rayon adéquat depuis presque dix ans. Rien ne vient … Du reste cela fait bien longtemps que l’on en parle plus.

je n'ai pas vu beaucoup d'histoires truculentes dans le 1er tome, sauf que dans le contexte décrit par Hampaté Bâ les adultes n'interviennent pas contre les adolescents qui règlent leurs comptes comme ils veulent, jusqu'à l'âge de 14 ans. D'où des farces et du vandalisme vis-à-vis de grincheux.

Hampâté Ba appartient à un milieu riche et introduit dans des structures familales élargies. Dès son adolescence il se montre responsable et se fait écouter de ses camarades.

C'est vrai qu'il prône sagesse et tolérance, ne s'élève pas avec vigueur contre le colonialisme par exemple. Il représenterait assez bien une Afrique d'avant la rupture.

Au sujet de Amikoullel l'enfant peul , c'est un livre que j'ai lu il y a des années. Tout simplement extraordinaire. Un livre que je recommande vivement à tous. Ce livre est "tout public" et peut aussi être lu par des ados que les centaines de pages ne rebutent pas. Mais ce livre se lit facilement. Il est très vivant et, je pense, est susceptible de captiver la jeune classe.

Par contre, je ne savais pas qu'il y avait une suite.
Merci pour la référence. Je la note précieusement dans ma liste (déjà longue) de livres à lire.


Amicalement,

Laurent


http://candy25.labrute.fr

En l'occurence la suite s'appelle "Oui mon commandant" et forme un cycle avec Amikoullel l'enfant peul.
Il y a aussi "L'etrange destin de Wangrin" qui est pas mal.
Wangrin est un personnage secondaire du cycle précédent.

Et puis quelques autres choses autour de contes africain, moins interessantes.

Merci pour l'info.
J'ajoute le titre sur ma liste de livres à lire.
Il y en a tellement...
J'espère vivre vieux !


A+

Laurent

J'ai bientôt fini "Amkoullel l'enfant peul". Derrière la grande simplicité des tournures, le peu d'effets, se cache un grand écrivain qui choisit le mot juste. Difficile de ne pas être ému, bien souvent. J'ai l'impression que pour les gens qui, comme moi, ne connaissent rien à l'Afrique, c'est une très bonne entrée en matière. Et quant à la famine de 1914, il est remarquable de voir qu'elle n'avait pas touché les villages bénéficiant d'une bonne irrigation, mais que la quasi inexistence de routes avait empêché d'aider suffisamment les affamés.

Que j'ai été heureuse de trouver ce fil car je me demandais s'ill en existait un et m'apprêtais à vous parler de Amkoullel, L'enfant Peul et de Oui, mon commandant.

Une découverte grâce à un cadeau de mon "zamour" ! Il existe une suite à Oui mon commandant me semble-t-il, toujours chez Babel. Ces deux livres sont sortis, enfin, de mes cartons et pas âbimés ( Ouf !!! ) J'ai apprécié de découvrir une culture inconnue pour moi ainsi que des pans entiers d'histoire qui m'étaient encore étrangers.
Je crois que quelqu'un a dit que cette lecture pouvait être faite aussi par des ados, je le crois aussi car malgré le nombre de pages, c'est vivant et dans un style fluide. Tout à fait le " type " de livre que je glisse dans la bibliothèque de mon dernier de 13 ans.

J'aimerais bien lire les contes qu'il a écrit. Quelqu'un les a t il lus ?

Je reviens sur L'étrange destin de Wangrin : j'ai beaucoup ri des magouilles du personnage, j'ai été aussi émue et touchée de sa fin tragique, et enfin j'ai appris plein de choses sur le Mali.
En fait, c'est presque un personnage théâtral notre Wangrin :
- dans une grosse première partie, le filou de la comédie qui réussit toujours à tirer son épingle du jeu
- dans le dernier tiers, le héros tragique, d'abord aveugle face aux signes annonciateurs de la chute, mais malgré tout digne dans sa descente aux enfers.

Je me pose quand même une question : j'ai trouvé qu'Hampâté Bâ insistait quand même beaucoup sur l'authenticité de l'histoire (préface et postface), en disant qu'il n'avait presque rien inventé, même dans les tournures de phrases, etc. Vu l'importance de l'oralité dans son œuvre et en Afrique, je pense que c'est crédible, mais je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il y a un peu d'antiphrase là-dedans.
Qu'en pensez-vous ?

je n'ai lu que le premier livre de son autobiographie: Amkoullel l’enfant peul , mais tu me donnes envie d'aller faire un tour du côté de ce livre.
Maintenant, la vérité en Afrique, et la vérité en France, ne correspondent peut être pas à la même définition.

L'habitude de la transmission orale modifie les faits au fil de la subjectivité, plus encore que la transmission écrite. C'est probablement authentique pour lui

le « mystérieux pays de Kaïdara »

Dans cette version en vers et en français de Kaïdara, Hampâté Bâ offre aux lecteurs un texte éminemment poétique dans lequel il arrive à rendre la valeur des mots, la richesse de l'image et des rythmes musicaux du poème africain.


Dans le récit africain, tout comme dans le roman du Graal, la quête ésotérique est présentée sous la forme d’un voyage. Il s’agit là d’un symbole à la fois universel et très ancien. On le rencontre, par exemple, en Egypte, puisque le défunt du Livre des Morts (c’est-à-dire en fait le candidat à l’initiation, car les textes qui constituent le Livre des Morts sont à l’origine des textes initiatiques, semble-t-il) doit accomplir tout un périple. Au cours de ce périple, il devra franchir les douze portes que franchit aussi la barque du soleil, au cours de son parcours nocturne. On remarquera que ce chiffre douze se retrouve aussi dans Kaïdara, puisque nos trois chercheurs, Hammadi, Dembourou et Hamtoudo vont assister, au cours de leur traversée du pays de Kaïdara, à une présentation de douze symboles. Rappelons également les fameux travaux du héros grec Héraclès, qui désignent sans doute les étapes d’une initiation et qui sont eux aussi au nombre de douze. Le roman de Chrétien de Troyes étant resté inachevé, rien ne permet de dire si l’on y aurait trouvé aussi le chiffre douze, comme nombre-clé de l’aventure initiatique. Remarquons cependant que, dans la tradition des légendes du Graal, les chevaliers de la Table Ronde qui entourent le Roi Arthur sont au nombre de douze.
La présentation de symboles est un trait très caractéristique des sociétés initiatiques africaines. Ainsi, par exemple, dans les société d’initiation bambara qu’a étudiées Dominique Zahan, chaque stade de l’initiation est symbolisé par un animal et un des moments importants de l’initiation consiste dans la révélation de ce symbole et dans l’explication de sa signification. On notera que, dans Kaïdara, l’explication proprement dite du sens des symboles n’intervient qu’à la fin et n’est révélée qu’à celui qui a su tout sacrifier pour devenir digne de l’initiation complète. Ce processus est sans doute commun à toutes les formes d’initiation africaines. Les révélations qui sont faites aux jeunes bambara ne livrent pas en fait le sens profond des symboles, celui-ci ne doit être révélé qu’à la fin, à ceux qui auront suivi le cursus jusqu’au bout et qui auront montré qu’ils possèdent bien les qualités requises. En fait il semble que la présentation des symboles ait davantage pour but de piquer la curiosité de l’adepte et de l’inciter à percer le chiffre des choses, que de lui donner véritablement un savoir immédiatement perceptible. Les symboles voilent en dévoilant et ce qu’ils dévoilent au fond, c’est tout simplement l’ignorance de l’adepte, ignorance féconde, car c’est elle qui ouvre la porte aux révélations futures :
« Tu sauras où quand tu sauras que tu ne sais pas » dit la voix invisible qui accueille les trois voyageurs spirituels. Parole lourde de sens et qui éclaire bien des choses relativement à la structure de la pédagogie initiatique employée en Afrique noire.
La présentation des symboles constitue également le point essentiel des aventures de Perceval le Gallois. C’est aussi l’épisode le plus connu du roman de Chrétien de Troyes et certainement celui qui aura fait couler le plus d’encre, car, le roman étant resté inachevé, nous ne savons pas, nous ne saurons sans doute jamais la signification exacte des symboles entrevus par Perceval chez le Roi pêcheur. Nous en sommes donc réduits à des conjectures. En tout cas, le rapprochement avec « Kaïdara » et les sociétés initiatiques africaines permet de confirmer le caractère initiatique de l’épisode.