Paul NIZON (Allemagne)

355 p. Actes Sud

Paul Nizon met ici en lumière l'absolue liberté des créateurs, à commencer par la sienne, invitant à jouer sa vie comme un passant, entre émerveillement et fuite. Il s'agit de se laisser absorber par le monde - par le biais des voyages, des villes, des femmes - et de le regarder, de l'écrire pour l'absorber à son tour. Tout en rendant hommage à Van Gogh, mais aussi à Soutine et Dietrich, pour la peinture ; aux cinéastes Fellini et Bertolucci ; aux écrivains Robert Walser, Sean O'Casey...,

Paul Nizon évoque aussi bien des souvenirs analysés que des réflexions sociologiques nées de l'observation du quotidien ou des fragments d'un art poétique. Les entretiens, quant à eux, reviennent de manière éclairante sur sa conception de l'écriture, du père et de la paternité, du bonheur... .

Chien : Confession à midi de Paul Nizon, 114 p. chez Actes Sud

je suis en train de lire ce récit singulier d'un homme incapable de rester dans une situation établie. A chaque fois il prend le large, quitte à vivre dans la rue, avec son chien. Ce dernier est l'objet d'observations attentives, lui aussi obéissant d'habitude, suit parfois sa propre volonté. Seul lien avec les vivants.

Citation :

Je ne pouvais vivre qu'en transit, ou bien entre deux chaises, comme on dit. Dès que j' étais installé dans un appartement ou un emploi, les choses perdaient leur saveur. Je connaissais tout d'avance, et ce monde connu s'étendait devant moi comme un désert. Comme je m'ennuyais !

un livre très attachant, ainsi que le chien   

Rotko a écrit:

je suis en train de lire ce récit singulier d'un homme incapable de rester dans une situation établie

je note pour le chercher, ça m'intéresse bougrement !

Citation :

"C'était un imaginatif, mon chien. J'aimais bien quand il restait campé sur ses pattes à renifler et à aspirer l'air entre ses babines. Il était mon compagnon et moi j'étais son associé. Je disais NOUS quand je lui adressais la parole. Nous allons leur montrer. Nous allons bientôt ficher le camp. Nous n'allons pas nous laisser faire. Nous deux. Allez viens."

j'ai cherché les critiques de la presse concernant ce livre, je n'en ai pas trouvé !  

fais-moi confiance, je suis un fouineur, parfois découvreur.

Nizon est un ami de Pajack -qui est beaucoup plus jeune.

En plus de ses réflexions sur "comment j'ai dévié", ie abandonné la famille, il rappelle des destins d'abandon,

- comme l'affaire Roman, le prétendu médecin qui avait menti à toute sa famille, et qu'il avait tuée ensuite, se voyant découvert dans sa double vie,

- ou le prisonnier des Russes, devenu lui-même paysan soviétique, au point d'oublier sa langue maternelle...

Il est plus rare de trouver des "hors la société", sdf etc en littérature que dans la rue où ils ne sont même plus l'objet d'un regard.

belle écriture, sans effets ni trémolos. j'ai lu la moitié du texte.

d'accord, mon Excellence, je voulais juste voir.....  

Terminé Nizon.

Dans ce titre on voit combien il est facile de perdre son statut social, pour atterrir dans la rue, dans le monde des anonymes qui n'ont plus d'existence, au point que les gens ne vous regardent plus. Vous êtes dépersonnalisé, moins qu'un chien dont on suit le parcours.

Nizon raconte des exemples d'hommes  qui ont fui l'humanité, ou ont été mis à son ban.

Il y avait eu naguère un contexte, à Drancy :

Citation :

"Hier encore ils étaient avocats, médecins, industriels, hommes d'affaires, chercheurs, artistes, intellectuels ou tailleurs, fourreurs, ouvriers. Maintenant ils sont moins que du bétail, marchandise vivante, sans dignité et sans nom. Exclus de l'humanité. On va les déporter dans les lointaines fabriques de la mort, les gazer, les transformer en savon."

Maintenant, Nizon regarde le monde de la rue, où vivent des ados sans avenir,  ou des victimes de ruptures amoureuses inattendues.

Un couple insolite hante les pages du livre, celui d'un homme qui écrit à sa table, sous laquelle sommeille un chien."L'écrivain" est aussi le nom que le narrateur, vivant dans la rue, donne à un autre passant qui garde fière allure dans la débine. On y verra sans peine une métaphore de l'auteur qui se nourrit d'expériences personnelles...

il faut que je le trouve ....

Nizon et frédéric Pajak ont des points communs, et c'est par un éloge ambigu que j'ai trouvé Nizon. Pajak ne nourrit pas un grand amour de soi, ni toujours des autres : faut lire Pajak, pour comprendre son attitude.

est-il vraiment nécessaire que je lise Pajak avant ? chuis surchargée, tu comprends !...  

non, tu aurais d'ailleurs du mal à trouver Pajak dans ton "trou de verdure" (excuse l'expression). Demande Nizon, dont on reparlera avec dans le ventre de la baleine (Actes Sud).

d'accord !
ne t'excuse pas pour "le trou de verdure"   , il y coule une rivière .... bien sûr.. ce n'est pas l'Océan    mais je t'assure que la médiathèque de Niort recèle des trésors, elle est immense ! et ce n'est pas une coquille vide, et toutes les petites bibliothèques des villages proches en bénéficient, même si, parfois, il faut attendre son tour, et que, comme partout, ils n'ont pas "tout".
j'aime bien ton expression "trou de verdure" !  

hé bé ... tu t'es trompé ! je viens de vérifier à la médiathèque de Chauray où je vais quand je suis là, ils ont la guerre sexuelle de Frédéric Pajak !  

prends-le, je ne connais pas ce titre.

dans le ventre de la baleine (Actes Sud). de Nizon, 150 p.

D'où vient le plaisir qu'on ressent à lire Paul Nizon ?

Serait-ce la force de ses petites miniatures où il propose des humains inhabituels ?

L'autre jour, j'ai revu les hommes du cloaque, les égoutiers. Ils marchaient en titubant, hébétés, les bords retroussés de leurs bottes de caoutchouc pendaient presque jusqu'au sol. Ils pataugent paraît-il dans les eaux sales et gluantes sur de véritables tapis grouillant de rats, ou plongés jusqu'au ventre dans la boue gargouilllante, chacun d'eux perdu dans la lueur papillonnante de sa lampe-chapeau, ils font des journées de cinq heures.

Je suis étrangement troublé quand je les aperçois, ces intouchables, ou devrais-je dire : soldats de l'invisible, journaliers de la nuit.

puis il passe à autre chose, aux "visages dénués d'expression" de ceux qu'il rencontre, puis à

"un étrange clochard dans mon quartier, il porte une musette et marche d'un pas militaire."

Citation :

je ne l'ai jamais vu avec une bouteille, c'est ce qui le différencie des autres clochards, il ne boit pas, il marche, toujours seul en l'occurence. Son visage paraît petit et ridé, il a quelque chose de sénile, une expression faussement madrée, mais fait penser en même temps à la gargouille d'une cathédrale, c'est le même aspect poreux et fangeux.

Citation :

 « Ma mère était assise en contre-jour, dans son fauteuil roulant, à l’extrémité du long couloir d’hôpital, elle dressait la tête, les yeux clos, l’une de ses mains était agitée d’un tremblement nerveux. Je m’approchai de la voyante. Le visage avait l’air ratatiné les yeux étaient comme taris. Je lui pris la main, ouvris les doigts noueux, déformés et les mis dans ma propre main. De l’autre, moins pour l’aider, elle, que moi-même, je caressai les joues émaciées de cette tête rapetissée et murmurai le cœur serré :
,
- Tu me reconnais tout de même. T’as pas mal. Viens juste d’arriver. Heureux de te voir. Ca fait longtemps

Et mère, dans sa rigidité de statue, sans tourner la tête, répondait : soufre pas, Dieu merci. Les mots sourdaient en un mince filet sur ses lèvres froides et décharnées. J’ai seulement mal près de l’épaule… »

Puis Nizon s’intéresse au « marcheur », un homme détruit par une inattendue mésaventure amoureuse.

On croit que le narrateur parle naturellement de ce qui lui vient à l’esprit, tant le style est fluide, mais les épisodes s’enchaînent comme il nous en prévient lui-même

Citation :

« Ce ‘n’est pas un hasard si je suis passé de ma mère au marcheur. »

Dans le ventre de la baleine séduit donc par ces miniatures sobres et émouvantes, mais aussi par l’enchaînement de ces « capriccios » ( Capriccio, un terme employé en critique littéraire pour exprimer la liberté prise par l'écrivain ) où défilent des personnages morts à la vie, qui inspirent l’auteur dans son travail de création.

j'ai retenue le ventre de la baleine par le site internet de la médiathèque.
grosse déception : ils n'ont pas Chloé Crachaudet et Bill Waterson (les BD) !

 le chien de Nizon, juste 29 pages car extrait.  
et pas de Pajak   

frederic pajak propose des livres avec des dessins ou des photos. A mon avis il est moins accessible que Nizon, commence par le feuilleter, et si la curiosité s'éveille ...

feuilleter Pajak?
impossible car pas repris à la bibliothèque.