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 Souaderies

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rotko
Souad Beni Akhy
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Ysandre
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Ysandre


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MessageSujet: Re: Souaderies   Souaderies - Page 3 EmptyMar 05 Nov 2013, 14:23

non, ma Sapho, ce sont les souaderies de Souad !cheers 
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Souad Beni Akhy
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Souad Beni Akhy


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MessageSujet: Ma petite pierre   Souaderies - Page 3 EmptyVen 08 Nov 2013, 14:06

Ma petite pierre  

Ma petite pierre
Quand j'étais petite, ma mère disait toujours : « On ne peut deviner ce qui tourne dans la tête des autres, ni prévoir la destination de ce qui détient des pattes».
Pour que maman soit tranquille, je tâchais de ne jamais faire que ce qui lui plaisait. Et comme elle était aussi ferme que mon père quant à ce que je n’aille nulle part sauf à l’école, je n’avais pas d’ami(e). Enfin si! Mon amie était une pierre qui m'a tenu compagnie un beau jour sur le chemin vers l’école et ne me quittait plus depuis que je m'étais dit: « si je perds cette pierre, mon père mourra". Ce n’était pas une pierre précieuse... enfin si ! pour moi, elle l’était quoiqu’elle ne fût qu’un caillou, parce qu’elle était devenue mon amie. 
Mon amie n’avait ni tête ni pattes. J' étais donc sa tête et ses pattes. Et comme elle ne parlait pas, je parlais aussi à sa place. Elle était merveilleuse dans les rôles que je lui assignais quand nous jouions toutes les deux sur la terrasse après l’école: le rôle de l’adorable maman qui écoutait plus qu’elle ne parlait, celui de la sœur que je n’ai pas; celui de l’institutrice, feuilletant mes cahiers et louant mon travail et mes qualités ; ou encore celui de la bonne élève qui récitait si bien et à voix haute ses leçons. Quant au rôle de la mauvaise élève, je ne l’aimais pas et ne pouvais l’assigner à mon amie. Le fait qu’elle n’était qu’un caillou et qu’elle n’était donc pas capable de décider de son sort me défendait d'être injuste.
 
Chaque jour, je conduisais ma pierre à coups de pied jusqu’à l'école et de même au retour. Pour que papa ne meurt pas, je faisais tout pour ne pas la perdre, et elle m'a conduit dans d'interminables pétrins. Des fois, je devais la chercher sous les sabots des chevaux de cochers ou sous des automobiles ; d'autres, dans des bourbiers où je devais enfoncer le bras pour la récupérer. Une fois, sans le vouloir, je l’ai faite tomber dans le bassin d’une mosquée où je passais boire un peu d’eau sur mon long chemin de retour de l’école. Un vieil homme qui faisait ses ablutions me vît plongée dans le bassin tentant de récupérer ma pierre, et courut après moi en criant injure et malédiction. L’homme a failli m’attraper parce que je n’ai bougé qu’après avoir retrouvé mon amie. On avait beau me gronder pour l'état où je rentrais de l’école, mais me changer était une cause perdue d'avance ; ne s'agissait-il pas de la vie de mon père ! 
 
Un jour, madame Maffre, la maîtresse de français avait saisi une bouteille de coca dans le cartable d'un élève. Et pour donner l'exemple de la manière dont les bons élèves gardent propres leurs cartables, et n'y mettent que les affaires de l’école, madame Maffre avait choisi mon cartable. Toute fière de moi comme toujours, elle commença à sortir mes affaires une à une en disant: « regardez comment votre camarade entretient ses affaires scolaires : les cahiers de français dans une poche, ceux de l’arabe dans une autre, dans la troisième, la trousse et la craie, ça c'est un cartable de bonne élève et ... », et la maîtresse se tût. De ses yeux grands ouverts, il était clair qu’elle avait senti de la main ma petite pierre. Elle ne la sortit pas. Par contre elle mit le nez dans le cartable pour s’assurer si c'était bien ce qu'elle avait cru toucher au fond du cartable de la bonne élève, et j’ai failli mourir. J’ai eu peur qu’elle ne sorte la pierre et qu’elle ne me fasse une scène, mais elle n'en fît rien, peut-être aussi pour ne pas avoir à chercher un autre exemple, mais surtout parce qu’elle était gentille. Madame Maffre remit mes affaires dans le cartable, et me le rendit sans mot dire.
 
 Le lendemain, je me suis trouvé une loge pour ma pierre dans un trou dans le mur de l'école parce que madame Maffre était gentille et que je ne pouvais pas la décevoir une autre fois. Mais en classe, je ne pensais plus qu'à ma pierre. La peur que quelqu'un ne me la prenne ne me laissait plus me concentrer sur la leçon. « Il n’est nullement pratique que nous ne puissions pas laisser l’un de nos yeux garder ce que nous avons peur de perdre. Pourquoi alors avons-nous deux yeux ! ».
 
Madame Maffre qui était aussi l’amie de mon père, voulait de temps en temps faire le geste de me prendre sur son chemin à la sortie de l'école, mais je ne pouvais pas lui dire d'attendre que j' aille chercher ma pierre. Comme je ne pouvais pas justifier mon attitude, je me mettais seulement à pleurer. Ce que je redoutais le plus, c’est que madame Maffre ne pense que j’avais peur qu’elle m’enlève, l’enlèvement des enfants était, comme il l’est toujours, aussi fréquent que familier à Marrakech. J’avais préparé quoi lui dire pour ne pas la vexer si jamais elle tenait à savoir pourquoi je refusais qu'elle me raccompagne après l’école ; Lui dire que ma pierre me servait pour me défendre contre des gamins qui me barraient le chemin vers chez moi serait un mensonge aussi laid que stupide. J’ai donc préféré lui raconter la vérité : que j’aimais tant ma petite pierre, que c’était mon amie, que je tenais à ne jamais l’égarer, et que sinon mon père mourrait. « Me comprendrait-elle ? me disais-je, Il n’est pas impossible qu’elle m’arrache ma pierre. Dieu, si elle me l’ôtait, faites qu’elle la jette tout près et qu’elle s’en aille avant que les pieds de la foule n’envoient loin mon amie ».
 
 De longues nuits s’écoulèrent sans que je ne rêve ni des fantômes, comme d’habitude, ni du feu ravageant les fils d' électricité et menaçant d’une explosion qui n’arrivait pas et qui ne cessait de menacer ; ni du visage de mon père criant comme pour quelque chose de grave que je ne comprenais pas ; ni de cette épine se rapprochant pour me crever les yeux sans arriver ni arrêter d'approcher. Tout ce à quoi je rêvais était ma pierre : « Il ne faut pas que mon père meure, et c’était aussi mon amie ».
 Madame Maffre ne m’a pas posé de questions. Je n’aime pas les gens qui ne me demandent pas des explications quand j’en ai, pour empêcher qu’ils pensent du mal de moi ; mais j'aimais madame Maffre parce qu’elle était douce et indulgente ; et elle était la seule à prononcer ce qu’elle pensait de moi : « elle est intelligente cette petite ! elle est adorable cette petite... ». Une autre raison pour laquelle j’ adorais madame Maffre est qu’elle était la seule qui ne me réprimandait pas pour ne pouvoir ne pas aller trop tôt à l’école. Je sortais toujours trop tôt de chez moi pour être sûre d’arriver à l’heure. Mes parents me disaient toujours qu’une heure était largement suffisante pour que je sois à  à l’heure, mais je ne pouvais prendre aucun risque quand il s’agissait de l’école ; et personne ne m’avait jamais expliqué que si c’était toujours le quatrième ou le cinquième portail de la médina que je trouvais ouvert pour continuer vers l’école, c’est que ce n’était que quand j’y arrivais qu’il fût sept heures du matin, l’heure de l’ouverture de tous les portails.
 
Un après-midi morose, où je ne savais pas pourquoi j’avais envie de pleurer, mon père vînt me prendre de l’école, et j’ai compris par la suite qu’il était venu prendre mon dossier scolaire parce qu'on allait vivre dans une autre ville. Je n’ai pas osé dire à mon père non plus qu’il me fallait prendre mon amie qui devait m’attendre dans son logis dans le mur. J'ai donc été obligée de partir sans elle. Et depuis, je ne l'ai plus revue : « Pourvu que mon amie ne pense pas que je l’ai oubliée. Elle aurait raison de se sentir abandonnée, parce que si l’une de nous devait se charger de prendre soin de cette amitié, il était clair que c’était moi. Je ne savais pas ce qu’elle aurait fait à ma place, mais je savais qu’à la sienne, je serais triste dans ce trou dans le mur sans plus personne à attendre, et que je l’attendrais.
 
Je n’ai pourtant jamais cessé de jouer avec mon amie dans ma tête. Et quand mes parents m’entendaient parler avec elle, ils croyaient toujours que je me parlais toute seule. J’avais un peu le sentiment de les tromper, mais je savais que ce qui comptait pour eux était que je joue « toute seule »
L’espoir de revenir un jour chercher mon amie ne m’a jamais abandonnée: « Je reviendrai certainement la chercher un jour. Si ce n’était pas bientôt, ça serait quand je grandirai, que je deviendrai libre comme les grands et que j’aurai le droit d’avoir des amis.. J’irai aussi voir madame Maffre ».
 
Plusieurs années après, je passais par Marrakech pour aller je ne sais plus où, et un torrent de nostalgie me fît tout laisser tomber pour aller chercher mon amie : " Serait-elle encore dans le mur? Je voudrais aussi voir madame Maffre, l’école de mon enfance, les ruelles par où je passais.." Je suis pleine de choses perdues!
 
Les ruelles de la médina sont devenues beaucoup plus petites. Il y a toujours de la foule, des sabots des chevaux de cochers et beaucoup d’automobiles. Le mur de l’école est devenu plus petit, la loge de mon amie est devenue plus proche du sol, mais mon amie n’y était plus. Mes yeux égarés, cherchant tout autour, ne me servirent à rien. Un regard vers la fenêtre où, autrefois, se tenait madame Maffre en attendant l’arrivée des élèves, et je fondis en larmes. La fenêtre pleurait un vide mortel.
Je suis libre maintenant, mais toutes les choses pour lesquelles je voulais ma liberté ne sont plus là !


Dernière édition par Souad Beni Akhy le Mer 13 Nov 2013, 23:41, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Souaderies   Souaderies - Page 3 EmptyDim 10 Nov 2013, 15:29

SOUAD ! où es tu ? quelqu'un sait où elle se cache ?
je voulais te demander ce que tu lis en ce moment Question  mettras-tu un compte rendu de tes impressions ? je voudrais bien pouvoir confronter tes opinions avec les miennes, sur un bouquin.Embarassed  ça t'embête pas, hein, Souad ?Question 
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MessageSujet: Re: Souaderies   Souaderies - Page 3 EmptyMar 12 Nov 2013, 18:15

pardonne-moi de n'avoir pas pris le temps de lire ta belle histoire, mais tu arrivais sur le forum, et ... il y a des gens qui passent, laissent leurs écrits et repartent aussitôt. Rotko précise toujours que l'on peut apporter ses créations sur le forum, mais que l'on doit participer à la vie du dit forum, lire et donner ses impressions, se mêler aux discussions intéressantes, apporter "sa petite pierre" quoi ! comme tu as déjà commencé à le faire. Alors même si tu n'as pas retrouvé celle qui était chère à ton cœur, tu peux en amener une autre, pour nous....Happy 
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MessageSujet: Re: Souaderies   Souaderies - Page 3 Empty

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