Pierre Mertens

pilier Nombre de messages : 14224 Date d'inscription : 25/02/2007

Pierre Mertens, éclaircissements

Jacques Franck

Mis en ligne le 06/05/2013

Une phalange de critiques haut de gamme ont dit les qualités de son œuvre.

Les romans et nouvelles de Pierre Mertens ont suscité au fil du temps une ample production d’analyses, de commentaires, d’interprétations, d’élucidations, qui a trouvé son acmé lors d’un colloque en 2009, au centre culturel de Cerisy-la-Salle, où se poursuit la tradition des "décades" organisées à partir de 1910 par Paul Desjardin à l’abbaye de Pontigny, auxquelles participèrent André Gide, Paul Claudel, Paul Valéry, François Mauriac, André Malraux et bien d’autres.

Né à Bruxelles en 1939, juriste formé à l’Université de Bruxelles, Pierre Mertens, fils d’un critique musical du "Pourquoi Pas ?" que je rencontrais aux premières de la Monnaie, s’est trouvé rapidement observateur judiciaire de la Ligue des Droits de l’Homme et d’Amnesty international. Cette expérience conjointe à un penchant précoce pour la littérature a débouché sur une démarche consistant à lier le destin individuel de ses personnages aux bourrasques de l’Histoire qui les définissent, les défient, les tourmentent, les emportent. Ce faisant, il a ouvert le roman belge, le plus souvent d’implantation locale et d’inspiration néoclassique, aux drames de la planète, dans les mêmes années où Conrad Detrez rapportait ce qu’il avait vécu de personnel et de politique, y compris la torture, sous la dictature au Brésil, dans "L’Herbe à brûler", prix Renaudot 1978.

Les actes des Journées de Cerisy-la-Salle viennent de paraître, préfacés par Anne Begenat-Neuschäfer, qui enseigne les littératures romanes à l’université d’Aix-la-Chapelle. Le croisement d’apports de provenance différente voire antagoniste ont créé sur le sol belge, explique-t-elle, "une littérature qui se veut à la fois identitaire et allant au-delà du national".

Les Journées furent ouvertes par Jacques De Decker qui, avec sa généreuse intelligence coutumière, mit en exergue la conception transnationale de la littérature qui caractérisait les critiques littéraires de Mertens dans le journal "Le Soir". Mais aussi son approche juridique des écrivains : ses études de Malraux, Pasolini, Kafka et autres prennent volontiers la forme d’une plaidoirie, tandis que les thèmes développés traitent plus souvent qu’à leur tour de responsabilité et de culpabilité.

Une phalange belge s’était transportée à Cerisy-la-Salle. Marc Quaghebeur a montré comment le système de dédoublement des personnages et des situations dans "Une paix royale", de même que la prolifération des métaphores, ont induit une écriture baroque faite d’incessants jeux de miroir. C’est bien, me semble-t-il, ce qui a rendu ce roman peu lisible par les lecteurs peu initiés à ce type de jeux, outre certains propos malencontreux qui ont opposé ceux qui reconnaissent aux romanciers tous les droits et ceux qui, comme moi, ne sont pas disposés à leur reconnaître une immunité de droit divin.

Marie-France Renard a délivré une brillante analyse de l’insistante présence du célèbre "Paysage avec la chute d’Icare" de Bruegel l’Ancien dans l’œuvre et l’imaginaire de Mertens. D’où le thème récurrent de la chute physique et morale chez l’auteur de "Perdre", mais aussi les "stratégies de survie" mises en œuvre par ses personnages. De son côté, Bernadette Desorbay a consacré une étude approfondie aux "séductions" auxquelles, contrairement à tant d’intellectuels, de Sartre à Michel Foucault, l’auteur des "Eblouissements" a échappé : l’utopie communiste, les délires maoïstes, l’exaltation national-socialiste, etc.

De l’exposé de Giuliano Schiavoni, de l’université du Piémont oriental, retenons qu’à la célèbre interrogation de Primo Levi : "Peut-on encore écrire après Auschwitz ?", Mertens a répondu, que ce n’était pas seulement un droit, mais un devoir : "la culture de la vie doit s’adosser à la connaissance de la mort". Un juste et superbe propos.

Deux femmes belges auront eu le dernier mot, si tant est qu’il existe un dernier mot. Monique Dorsel, ancienne directrice du Théâtre-Poème, a estimé que l’écriture de Mertens était "à suivre comme une partition". Huguette de Broqueville, présidente du PEN Club francophone de Belgique, a raconté dans une "chronique décalée" combien le détricotage des écrits de Pierre Mertens l’avait subjuguée. Que des lauriers, donc.

Chutes et écartèlements : l’œuvre de Pierre Mertens Colloque Ed. Peter lang, Francfort-sur- le-Main 326 pp

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Il n''eest plus guère dans l'actualité alorrs que des livres précédents avaient fait grand bruit, notamment

Les Éblouissements de Pierre Mertens (1987) paru au Seuil.

Bonjour Soussou Smile

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