Stendhal

"Je fais tous les efforts possibles pour être sec. Je veux imposer le silence à mon coeur qui croit avoir beaucoup à dire. Je tremble beaucoup de n'avoir écrit qu'un soupir, quand je crois avoir noté une vérité"

Stendhal (De l'Amour)

ah ! Stendhal !
Stendhal, Le Rouge et le Noir, livre de poche n°357.
Je viens d'en lire, sur le web, un résumé si (trop) complet que je ne tomberai pas dans le même travers !

J'adore"le Rouge et le Noir"!

Julien Sorel a des ressemblances avec Jean-Jacques Rousseau qui me vont droit au coeur : Certes, la rencontre avec Mme de Rénal, souvenir de la rencontre de Jean Jacques avec Mme de Warens, mais surtout les pensées solitaires de Julien, dans la montagne, loin de la société compassée et contraignante, ses rêves d'un envol, par n'importe quel moyen, et dans une grande exaltation, ah ! quelle belle musique !

La colère de Julien au tribunal, apostrophant les jurés aux ordres : voila un agitateur qui n'a pas froid aux yeux et dit aux pleutres leurs 4 vérités.
Les amours de Julien, avec séjour sous le tilleul le soir, et la grande échelle pour la nuit...

J'aime aussi l'attitude de Stendhal qui ne se laisse pas prendre au jeu, qui critique et désavoue son personnage, mais qui le respecte suffisamment pour lui garder ses moments de bonheur intime ou ses épreuves finales.

Citation :

"Halte-là lecteur, je t'en ai dit beaucoup, imagine le reste...",

que ce soit pour Julien, ou Mme de Rénal, ou Mme Derville.

Mon dernier mot : les coups de griffe pour ceux qui les méritent, les Valenod et leurs semblables, et cette chaleur d'un auteur pourtant réputé anticlérical pour le curé Chélan, l'abbé Pirard, et d'autres belles âmes...

Stendhal, Mina de Vanghel, Petite bibliothèque ombres.

Citation :

Ces caractères [froids, positifs, assez enjoués mais dépourvus d’imagination] font un effet étonnant sur les âmes qui ne sont qu’imagination.

On reconnaît le souci du théoricien de De l’amour à mettre en présence, sous forme de lois et presque d’équations chimiques, des études de caractères.

Ici Mina use de calculs compliqués et de déguisements multiples pour parvenir à ses fins amoureuses. Il en résulte un récit - que Stendhal expédie parfois comme un scénario, où les péripéties sont abondantes, et nombreux les détours. Planent comme souvent les ombres de Jean-Jacques Rousseau et de Beaumarchais, mais on n’a d’yeux que pour la belle figure de Mina l’amoureuse « une âme trop ardente pour se contenter de la vie » .

Qu’est-ce qui me plaît le plus dans la Chartreuse de Parme ?

D’abord le roman d’amour de Fabrice avec Clélia Conti, qui se déroule dans un cadre si inattendu, une prison, et qui suscite chez les deux amoureux un sentiment d’attente fait d’incertitudes.

Stendhal ne cède pas au romanesque facile : quelle idée a donc Clélia de faire ce voeu stupide de ne pas « voir  » son amant, ce qui les oblige par la suite à de multiples ruses qui pimentent leurs rencontres !

Quand tout autre romancier aurait fait une scène d’action de l’évasion de la prison, on voit l’auteur traîner les pieds : au lieu de raconter l’histoire en direct, en multipliant les péripéties, en montrant un Fabrice ingénieux et maîtrisant les difficultés, il en fait un récit distancié, (profusion des "dit-il" ou "il raconte") qu’il banalise :

Citation :

Il [Fabrice] se mit à descendre cette étonnante hauteur. Il agissait mécaniquement, dit-il, et comme il eût fait en plein jour, descendant devant des amis, pour gagner un pari.

Citation :

il arriva au bas de la grosse tour sans autre inconvénient que d'avoir les mains en sang. Il raconte que depuis le milieu de la tour, le talus qu'elle forme lui fut fort utile…

Contre toute attente, l’auteur présente un héros passif, et même qui s’endort !

Citation :

Ses jambes lui semblaient comme du coton ; il n'avait plus aucune force. Malgré le péril, il s'assit et but un peu d'eau-de-vie qui lui restait. Il s'endormit quelques minutes au point de ne plus savoir où il était ; en se réveillant il ne pouvait comprendre comment, se trouvant dans sa chambre, il voyait des arbres...

Tout le texte est ici et le récit de l’évasion au livre second, chapitre XXII.

. . Merci Rotko de nous en parler ainsi, avec chaleur !

A vrai dire, ce que j'ai préféré dans La Chartreuse de Parme, c'est le caractère volcanique de la comtesse - son inventivité, sa spontaneité.
Elle m'a peut-être davantage touchée que Clélia...

Mais j'en reparlerai plus tard... J'ai beaucoup apprécié cette première lecture de Stendhal, il me faut un peu de temps.

Je n'ai toujours pas reparlé de La Chartreuse de Parme.



J'ai adoré ce roman où les personnages sont tellement vivants que l'on a l'impression qu'ils pourraient se détacher des pages. C'est vrai que rotko parle avec chaleur de ce livre. Je pourrais ajouter qu'il contient également des descriptions de paysages absolument magnifiques. J'ai encore bien présent à l'esprit ce petit lac du nord de l'Italie. Le cadre entier de ce roman qui contient des personnages si étincelants est une pure merveille.
Ah l'Italie de Stendhal !
D'autre part, je reprends ce que j'ai dit à propos de la Comtesse. C'est vraiment le personnage qui m'a le plus touchée.

Citation :

Stendhal ne cède pas au romanesque facile : quelle idée a donc Clélia de faire ce voeu stupide de ne pas « voir » son amant, ce qui les oblige par la suite à de multiples ruses qui pimentent leurs rencontres !

Entièrement d'accord. Le roman de Stendhal est un vrai "roman romanesque" mais qui ne sombre pas dans la facilité.

Le Rouge et le noir



Le cadre de ce roman est très différent. On quitte l'Italie lumineuse pour la campagne française et Paris. D'ailleurs les premières pages où Stendhal décrit Verrière sont splendides. C'est une belle entrée en matière qui nous met immédiatement dans le bain.

Citation :

La petite ville de Verrières peut passer pour l'une des plus jolies de la Franche-Comté. Ses maisons blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges, s'étendent sur la pente d'une colline, dont des touffes de vigoureux châtaigniers marquent les moindres sinuosités. Le Doubs coule à quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications bâties jadis par les Espagnols, et maintenant ruinées.
Verrières est abritée du côté du nord par une haute montagne, c'est une des branches du Jura. Les cimes brisées du Verra, se couvrent de neige dès les premiers froids d'octobre. Un torrent, qui se précipite de la montagne, traverse Verrières avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement à un grand nombre de scies à bois, c'est une industrie fort simple et qui procure un certain bien-être à la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois. Ce ne sont pas cependant les scies à bois qui ont enrichi cette petite ville. C'est à la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l'on doit l'aisance générale qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les façades de presque toutes les maisons de Verrières.
À peine entre-t-on dans la ville que l'on est étourdi par le fracas d'une machine bruyante et terrible en apparence. Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavé, sont élevés par une roue que l'eau du torrent fait mouvoir. Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour, je ne sais combien de milliers de clous. Ce sont de jeunes filles fraîches et jolies qui présentent aux coups de ces marteaux énormes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformés en clous. Ce travail, si rude en apparence, est un de ceux qui étonnent le plus le voyageur qui pénètre pour la première fois dans les montagnes qui séparent la France de l'Helvétie. Si, en entrant à Verrières, le voyageur demande à qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la grande rue, on lui répond avec un accent traînard : Eh ! elle est à M. le maire.

Je dirais que la description du caractère, des réflexions des personnages est encore plus poussée dans Le Rouge et le noir. C'est un livre tout en subtilité ou chaque personnage agace et touche. A commencer par Julien avec son ambition démesurée et ses discours enflammés pour une cause juste. Mme de Rénal avec sa religiosité et ses sentiments tendres. Mathilde avec son caractère manipulateur et la violence de sa passion.

J'ai ressenti un grand choc face à ce livre car je ne m'attendais pas du tout à ça. On m'avait beaucoup parlé de Julien & Mathilde, de l'aspect manipulateur de ce premier. Pourtant, il y autre chose.
Les dernières pages sont d'ailleurs absolument époustouflantes.

Spoiler:

Et maintenant, que lire de Stendhal ?

Moon a écrit:

Le Rouge et le noir
...

Merci de votre enthousiasme, qui me donne envie de relire Le Rouge et le Noir, que je n'ai lu qu'une fois , ainsi que La Chartreuse. Julien Sorel est un vrai héros de l'énergie. Le téléfilm sur France2, avec Carole Bouquet, était bien meilleur que le film avec Gérard Philippe et ... Danielle Darrieux (?).
Parfois, la télé donne envie de lire, et c'est là que je l'apprécie.
Bonne lecture à tous, et à vous Moon.

Merci Swanny et bienvenue sur GDS* !

Oui, swanny (heureuse de ta venue), c'est dans Le rouge et le noir de Claude Autant-Lara.

Moon a écrit:

Et maintenant, que lire de Stendhal ?

J'ai aussi beaucoup aimé Le rouge et le noir, ainsi que la chartreuse de Parme. A part Les promenades dans Rome, récit fort différent, j'ai aussi lu Lucien Leuwen. Il me semble que cela devrait te plaire, Moon, puisque tu "craques" pour Julien et Fabrice...

J'avais lu "Le rouge et le noir" en lecture obligatoire quand j'étais au lycée .... et je n'avais pas du tout aimé. Il faut dire qu'à l'époque je ne lisais pas, et une lecture obligatoire n'était pas vraiment faite pour me plaire.
Maintenant, avec quelques années de plus, et l'enthousiasme de Moon, j'ai envie de le lire (je ne dis pas relire, car je n'ai rien retenu du tout)

La relecture de La Chartreuse de Parme sous le soleil d'Italie a été un pure délice. Ma préférence pour la comtesse n'est pas démentie et j'ai trouvé encore plus de profondeur à l'exploration Stendhalienne. Sa peinture du caractère des personnages est tout simplement époustouflante.
Etrangement j'ai cette fois-ci été moins émue par l'évocation des paysages même si j'ai eu le sentiment de retrouver un petit coin de paradis près du lac de Côme.

Stendhal a écrit "le Rouge et le Noir", tout le monde le sait, mais qui a écrit "le Rose et le Vert" ?

Pour le surplus, je viens de terminer "la Vie de Rossini" et je dois dire qu'il s'agit sans doute ici de l'un des ses ouvrages les plus intéressants.

bienvenue à toi, barjaba !

je me dépêche avant que ne surgisse Moon qui se fera un plaisir de resoudre tes devinettes

Il me semble que "Le rose et le vert" est un roman inachevé.
Non ?

J'ai lu son premier roman il y a bien longtemps : Armance. Il pose les fondations de son style.
Bon souvenir.

rotko a écrit:

je me dépêche avant que ne surgisse Moon qui se fera un plaisir de resoudre tes devinettes

Bienvenue à toi tout de même Barjaba !

J'ai déjà entendu parler du Rose et le vert, je dois même l'avoir dans un coin mais je ne l'ai jamais lu.
Si tu pouvais davantage éclairer ma lanterne !

Bonjour,

Apparemment vous l'avez deviné, c'est Stendhal qui a écrit "le Rose et le Vert".

Cela étant, je n'en sais pas plus sur cet ouvrage !

Tu peux toujours nous parler de la vie de rossini

tout ce qui touche à Stendhal nous intéresse.

Il ne nous reste qu'à le lire !

Ce qui me tenterait pour l'instant, ce serait les chroniques italiennes.

Cher Rotko,

c'est drôle que dans tes deux derniers messages tu mentionnes justement les deux derniers ouvrages de Stendhal que j'ai acquis, à savoir "la Vie de Rossini" et les "Chroniques Italiennes".

La Vie de Rossini est un pur chef d'oeuvre. Stendhal nous emmène dans cette Italie qu'il adore, celle des théâtres, de l'opéra et des salons. Il démontre à quel point il est fin connaisseur de l'art lyrique, ou plutôt, pour reprendre ses termes, non pas connaisseur mais dilettante. Cet ouvrage parle plus de l'opéra (les compositeurs du moment, les ouvrages à la mode, les artistes, les théâtres eux-mêmes et - ce qui est passionnant ! - leur fonctionnement) que de Rossini lui-même. On trouvera même un exemple de budget détaillé pour une saison lyrique. Stendhal a évidemment une idée derrière la tête : inciter la France à imiter le modèle italien en la matière. Incidemment, Stendhal décrit quelques-un des nombreux opéras de Rossini, mais toujours en dilettante: il parle surtout de ce qu'il aime et n'hésite pas à critiquer ce qu'il n'apprécie que tièdement. Et, toujours en dilettante, il se lance parfois dans des analyses d'oeuvres qu'il n'a jamais entendues, ce qu'il avoue avec une touchante candeur. Certains disent que "la Vie de Rossini" est le plus réussi des ouvrages de Stendhal. En ce qui me concerne, je dirais que c'est celui que je préfère. Evidemment, pour apprécier cette oeuvre à sa juste valeur, il est bon d'être amateur d'art lyrique, voire juste un dilettante ![i]

Quant aux "Chroniques Italiennes", il s'agit d'un recueil de nouvelles que je n'ai pas encores lues. J'en parlerai donc ultérieurement.

Pour le moment, je suis plongé dans "Rome, Naples et Florence".

Bonne journée !

les manuscrits de stendhal sont consultables, ici

ça ne marche pas toujours....

un texte de lucien Leuwen

Citation :

Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu'il vit la persienne vert perroquet s'entrouvrir un peu ; c'était une jeune femme blonde qui avait des cheveux magnifiques et l'air dédaigneux : elle venait voir défiler le régiment.

Toutes les idées tristes de Lucien s'envolèrent à l'aspect de cette jolie figure ; son âme en fut ranimée. Les murs écorchés et sales des maisons de Nancy, la boue noire, l'esprit envieux et jaloux de ses camarades, les duels nécessaires, le méchant pavé sur lequel glissait la rosse qu'on lui avait donné, peut-être exprès, tout disparut. Un embarras sous une voûte, au bout de la rue, avait forcé le régiment à s'arrêter.

La jeune femme ferma sa croisée et regarda, à demi cachée par le rideau de mousseline brodée de sa fenêtre. Elle pouvait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Lucien trouva dans ses yeux une expression singulière ; était-ce de l'ironie, de la haine, ou tout simplement de la jeunesse et une certaine disposition à s'amuser de tout ?