Olivier Truc, Le dernier Lapon

j'en entends beaucoup de bien !

Finie l'éternelle nuit polaire. Le soleil, disparu depuis quarante jours, va enfin montrer le bout de ses rayons. De quoi revigorer Klemet, le héros et policier sami qui officie à la brigade des rennes de Kautokeino, en Laponie centrale. Seulement, un tambour de chaman qui devait être exposé au centre culturel, disparaît

. La mort d'un éleveur de rennes va compliquer l'enquête du policier et de sa jeune coéquipière, Nina. Et réveiller bien des passions. Au fil des pages et à mesure que l'ensoleillement grandit, l'auteur nous plonge dans l'univers méconnu d'un peuple tiraillé entre traditions et modernité.

prix 20 Minutes, attribué dans le cadre du festival Quais du Polar, jusqu'au 1er avril à Lyon, Le Dernier Lapon (éd. Métailier,)

je le lirai sans doute quand les printemps sera là; fixe et définitif !

Le dernier Lapon chez Metailié.

1/2

On pense à un polar ethnique comme chez Tony Hillerman, et l’intrigue policière, bien tressée, se déroule dans un univers peuplé de rennes, qui connaît les aurores boréales, les coutumes du peuple Sami : ce dernier réparti sur un grand terroir qui dépend de la Finlande, de la Suède et de la Norvège.

La disparition d’un tambour rituel, et le meurtre d’un éleveur de rennes forment les fils principaux ; on les suit avec des personnages principaux et secondaires qui méritent notre attention : chacun a ses caractéristiques, ses traits de culture, et chez Olivier Truc, ce n’est pas un bazar bon marché.

Au-delà de l’histoire prenante, dans laquelle on s’immerge sans perdre le nord, les considérations humaines et civilisationnelles forment à la fois la scène principale et le ressort de l’intrigue.

Citation :

Depuis longtemps Aslak savait que les étrangers s’intéressaient aux pierres de son pays […] Ils parlaient de pierres, de minerais, de mines. Ils parlaient de richesses. Ils parlaient de progrès. Ils s’attendaient en général à soulever l’enthousiasme des éleveurs sami. Et ils s’étonnaient souvent de ne rencontrer que des visages fermés.

Les étrangers ne comprenaient pas. Là où ils voyaient des mines et ce qu’ils appelaient le progrès, les éleveurs voyaient autre chose. Ils voyaient des routes qui couperaient leurs pâturages, de camions qui effraieraient leurs rennes, des accidents lorsque les animaux devaient traverser les routes.

Le dernier Lapon chez Metailié.

2/2

Le couple d’enquêteurs retient l’intérêt : un Sami devenu policier, une Suédoise, nouvelle dans la profession, mais qui montre de la détermination, tous deux marqués par un passé, s’alliant et se confrontant dans une intrigue aux ramifications inattendues où chacun trouve des difficultés à sa mesure. Les personnages secondaires bien représentés, ne jouent pas des rôles de figurants.

Le passé intervient aussi dans les affaires en cours : des épisodes du XVIIe siècle renaissent dans des rites - tambours, Joïks (chants narratifs), et des cartes, celles-ci symboliques ou géographiques, mettant aux prises des cultures différentes, voire antagonistes : l’une, la Sami, tournée vers un passé perdu, l’autre, disons occidentale, rêvant d’un avenir industriel et économique, en fait marquant le territoire de barrages et de mines, et les populations de son signe distinctif : une insatiable CUPIDITE .

Le dernier Lapon dépasse largement le cadre du polar intéressant et bien ficelé. Il donne une vision panoramique, historique, géographique, et humaine du peuple Sami pris en tenailles par la Suède, la Norvège et la Finlande.

Une œuvre à recommander !

Alain, je ne sais pas si c'est ici que je peux en parler, alors je mets en spoiler...
 
Je viens d'en terminer la lecture. Après un démarrage un peu lent, j'ai plongé dans ce monde franchement frais où les relations entre Samis et Scandinaves "blancs" ne sont pas toujours au beau fixe. Ce n'est pas sans rappeler les divergences de vue sur la propriété de la terre entre Indiens et Anglo-Saxons colonisateurs. D'autant qu'ici aussi il y a des chamans. Alors lorsqu'un tambour - l'un des rares n'ayant pas été détruits par la clique des chrétiens prompts à christianiser un peuple jugé païen - est volé à peine arrivé à destination, le monde des Sami s'émeut. Et les deux policiers des rennes chargés de l'enquête ont fort à faire pour démêler le vrai de la légende.
 
Et si ce vol cachait des exactions commises il y a bien longtemps pour certaines, naguère pour d'autres ? Bref, on est embarqué sur une moto-neige pour foncer à toute allure sur la toundra enneigée en excellente compagnie.
 
Le récit alterne avec bonheur présent et passé, action et méditation, et c'est une vraie découverte d'un monde qui pour ma part m'était totalement inconnu. De là à dire que j'irai passer mes prochaines vacances en Laponie... non, quand même pas. Moins quarante et un quart d'heure d'ensoleillement par jour, c'est un peu juste.

 Nestor a fait le necessaire oui, un peu juste sur le terrain, question température, mais agréable à lire au chaud  

rotko a écrit:

 Nestor a fait le necessaire :fleur:oui, un peu juste sur le terrain, question température, mais agréable à lire au chaud  

Merci Nestor !

certaines réflexions faites par Joce ou par Rotko ne sont pas sans me rappeler les deux livres que je viens de lire de Edward Abbey : désert solitaire et le gang de la clef à molette[/b quand j'aurais lu [b]le dernier lapon j'essaierai d'établir un parallèle. Peut-être que cela sera intéressant, Rotko ?

Citation :

j'essaierai d'établir un parallèle. Peut-être que cela sera intéressant ?

bien sûr ! tu as toute ma confiance, Ysandre  

merci  
j'ai hâte de lire ce livre. 

la hâte a réussi à me faire sortir de mon terrier ! il fait lourd et le vent est chaud, vraiment chaud.
le dernier lapon va m'apporter un peu de fraîcheur.

 Je le commence ce soir...
bonne soirée

coucou Mazel  je suis allée dodo avec le dernier lapon et j'ai du me faire violence pour éteindre la lumière !
bonne lecture.

Après tout ce que je viens de lire sur ce fil, ce lapon m'inspire, j'ai très envie de lui courir après   et, si possible, de vous rejoindre, les Grains !

Coure, ma Nic ! plus on est de fous ..... 

 passionnante cette chasse à l'homme au début.

Par contre, je n'accroche pas trop au début de la période "moderne", mais je suppose que ça va s'arranger.

oui, Mazel, en fait, il campe les personnages et met en exergue l'environnement "vrai" et la modernité. C'est une démarche difficile, mais je trouve qu'il s'en tire bien.
Je suis allée sur Google pour me documenter sur cette bizarre partie du monde , tellement différente de la nôtre de part sa position près du pôle. J'apprends plein de choses ! 

Ysandre a écrit:

oui, Mazel, en fait, il campe les personnages et met en exergue l'environnement "vrai" et la modernité. C'est une démarche difficile, mais je trouve qu'il s'en tire bien.
Je suis allée sur Google pour me documenter sur cette bizarre partie du monde , tellement différente de la nôtre de part sa position près du pôle. J'apprends plein de choses ! 

 pas encore fait de recherche sur la Laponie. Il me semble avoir lu il y a quelques années un livre sur le sujet, plus qu'à le rechercher. Il me semble qu'à l'époque j'avais trouvé des trucs intéressants.
 Ysandre

bonjour Mazel   tu vas bien ce matin ? il fait beau chez toi ?
j'avais un regard très superficiel sur la Laponie : mes quelques lectures sur cette partie du monde ne m'avaient pas appris grand chose !
je ne là situais pas bien, j'ignorais tout un tas de choses ! Dans le livre, on parle des endroits désertiques où se trouvent les rennes et leurs éleveurs, ils appellent cela "le vidda". J'ai tapé ce mot sur google. Rien ! on me renvoi au Vidal des médecins ou autres vida, mais pas de définition pour Vidda. D'après le contexte, il s'agit de la toundra. Olivier Truc parle du joik (prononcer yoïk) musique et chant poétique des samis (lapons). Là c'est intéressant !
où Truc est génial, c'est quand il mène le lecteur dans l'histoire d'un peuple ancien, opprimé par la religion - en gros, protestante - des pays de cette région : la suède, le danemark, la finlande, etc.... écrasé dans son identité et ses croyances et qui, tout en se soumettant, se défend ! Bon journaliste d'investigation. Et historien, poète, humaniste, en plusss !

 bonjour Ysandre,
c'est certain, on apprend pas mal de chose en lisant ce livre.
Pour le vidda, voilà ce que j'ai trouvé.
 

*
Le poignard lapon.
Autre symbole, celui-là beaucoup plus personnel, c'est le célèbre poignard dans son étuis typique! N'oublions pas que jusqu'en 1985, tout humain se déplaçant à l'intérieur des terres, sur les hauts plateaux de la vidda, que ce soit un éleveur de rennes, un pêcheur ou un marcheur, portait toujours le célèbre poignard, accroché à sa ceinture au côté gauche. C'était une nécessité que de porter une telle arme, simplement pour pouvoir couper quelques bouleaux,  faire un feu ou vider un poisson! Depuis que les lapons ne portent plus leurs superbes costumes, cette coutume s'est perdue. Mais elle revit lors des mariages ou des cérémonies privées.

*
Les rennes de Laponie menacés par le réchauffement climatique
LE MONDE ECONOMIE | 26.03.07
KAUTOKEINO (Norvège) ENVOYÉ SPÉCIAL

Ces dernières semaines, le Vidda, le plateau du Finnmark, cette immense étendue glacée et quasi désertique du Grand Nord norvégien, en plein coeur de la Laponie, a été anormalement parcouru d'escouades de scooters des neiges chevauchés par des éleveurs de rennes samis (lapons) pressés et inquiets, tirant derrière eux un traîneau chargé de fourrage. Ils parcourent ainsi des dizaines de kilomètres dans une neige épaisse pour aller nourrir les troupeaux de rennes, éparpillés sur le plateau dans l'espoir de trouver des pâturages.

Si, l'été, les troupeaux paissent le long des côtes au nord de la région, l'hiver, après la transhumance vers le sud, tous se retrouvent à l'intérieur des terres. A plusieurs centaines de kilomètres au nord du cercle polaire, on s'attendrait à des conditions de froid éprouvantes. Elles le sont, parfois. "Normalement, on peut avoir moins 30 degrés pendant des semaines d'affilée, précise Mikkel Aslak Logje, un éleveur sami. Mais, cet hiver, nous n'avons eu que de courtes périodes de quelques jours où il a fait très froid." Cet hiver plus doux que la normale a eu pour conséquence une neige plus abondante, et, en début d'hiver, une alternance de chutes de neige, de pluie, de redoux et de gel, qui ont transformé la neige en couches de glace polie par un vent également plus fort. "Sur la plupart des pâturages, il y a trois ou quatre couches de glace qui se superposent, constate John Haetta, un éleveur. Avec en plus les quantités de neige qui sont tombées, il devient presque impossible pour les rennes de casser la glace pour accéder au lichen, leur seule nourriture en hiver."

CONFLITS

En Suède, le gouvernement est déjà intervenu avec une aide d'urgence de 37 millions de couronnes (4 millions d'euros) pour du fourrage en cours de distribution, après que les éleveurs suédois ont lancé des cris d'alarme car les rennes risquaient de mourir de faim par dizaines de milliers. En Norvège, l'Etat n'est pas intervenu : maintenant que la fin de l'hiver approche et que la neige commence à fondre, les pâturages jusque-là inaccessibles le deviennent à nouveau progressivement. La crise semble passée. Mais de nombreux bergers s'inquiètent. "L'homme ne doit pas nourrir le renne, c'est le renne qui doit nourrir l'homme, dit l'un d'eux. C'est pour cela que le changement climatique pourrait bien marquer la fin de l'élevage de cet animal."

Dans le Finnmark, la plus grande région d'élevage de rennes de Laponie (la Laponie s'étend sur la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie), on compte quelque 170 000 têtes de bétail, soit environ un tiers de plus que ce qu'estime viable l'Office de gestion des rennes. Trop de bêtes, trop d'éleveurs aussi, des pâturages médiocres à cause des conditions climatiques, autant d'éléments qui font monter la pression et multiplient les conflits entre bergers. Ceux-ci en arrivent à pousser et à laisser paître leur cheptel sur un territoire voisin, ce qui provoque souvent des mélanges de troupeaux et un surplus de travail pour les séparer ensuite.

"Le Vidda, qui bénéficiait auparavant d'un climat continental avec un hiver sec et peu de neige, est en train de changer vers un climat plus côtier, avec de la neige lourde et mouillée et de mauvaises conditions hivernales pour l'élevage de rennes", explique Ole Henrik Magga, professeur à l'Ecole supérieure sami, à Kautokeino, qui vient de démarrer un programme d'étude sur les effets du changement climatique sur l'élevage des rennes. "Il faudra trouver de nouvelles formes d'élevage. C'est dramatique." Les rennes, aujourd'hui semi-sauvages, pourraient même devoir être cantonnés dans des fermes, ce qui changerait radicalement la culture sami. Paradoxalement, ces changements climatiques, qui inquiètent les Samis, ouvrent aussi des horizons nouveaux pour toute l'industrie pétrolière et gazière norvégienne, qui est en train de faire de la mer de Barents et de cette région arctique son nouvel eldorado.- Olivier Truc

merci Mazel  
oui, il parle dans le livre, non de réchauffement climatique, mais d'un hiver rude et des couches de glaces que les rennes ont du mal à casser pour trouver le lichen.
Tel que je comprends les samis à travers cet ouvrage, je comprends leur désarroi : le renne était depuis les temps anciens, leur seul moyen d'existence.
les indiens d'Amérique, les samis ... pauvres peuples  

Sapho a écrit:

Terminé LE DERNIER LAPON d'OLIVIER TRUC

 
 
Encore un prix :
 
Le dernier Lapon vient de recevoir le Prix du meilleur Polar francophone au salon du polar de Montigny-lès-Cormeilles.
 
 
 

olivierTruc a écrit:

En regardant bien, le mec en bleu, c'est moi, accompagnant une patrouille de la Police des rennes.

Voilà une livre que j'ai beaucoup apprécié! Pas la peine d'en faire un résumé, pas mal d'autres grains l'ont fait avant moi   

Cela fait plusieurs années que je m'intéresse aux populations du Nord et en particulier aux Inuits. D'abord avec LES DERNIERS ROIS DE THULE et ULTIMA THULE de Jean Malaurie et puis les merveilleux livres de JORN RIEL :Le jour avant le lendemain, La maison de mes pères, Le chant de celui qui voulait vivre.

Je ne connaissais rien de la LAPONIE . Ce livre avec sa palpitante intrigue m'a appris surtout l'histoire de ce peuple dix fois millénaire et la dure vie des éleveurs de rennes, peuple qui fut colonisé et qui connu un génocide culturel au 19ème siècle grâce aux missionnaires chrétiens. Peuple triste aussi d'avoir petit à petit perdu ses traditions chamaniques et ses tambours qui furent pratiquement tous brûlés. Reste le joik, ce chant traditionnel exécuté " a cappella " qui lui perdurera à travers le temps et dont on garde des enregistrements modernes " arrangés " tel celui de MARI BOINE

Rotko a écrit:

En regardant bien, le mec en bleu, c'est moi, accompagnant une patrouille de la Police des rennes.

il m'avait semblé te reconnaitre, mais je n'étais pas sûre.... la silhouette, oui, mais on ne te vois pas bien ! 

Ma Sapho, tu as aimé aussi ! je pense encore à ce livre et aux gens qui vivent dedans !