Enfin un journal, Marianne , qui met les pieds dans le plat !
Matrice d'Orages d'acier, l'un des livres clés sur la grande boucherie, ces Carnets de guerre 1914-1918 consistent en une quinzaine de petits cahiers d'écolier où l'engagé volontaire de 19 ans a consigné avec régularité et acuité les épisodes d'un conflit qu'il a vécu de bout en bout. Déjà d'une brutalité inouïe, on est sidéré de constater qu'Orages d'acier ne constitue qu'une version édulcorée de l'expérience de Jünger, qui ne fait pas mystère de ses enthousiasmes guerriers.
L'indifférence à la mort des autres n'est supportable que lorsqu'on attache peu d'importance à sienne. Sur ce plan, on peut faire crédit à Jünger d'une invraisemblable témérité au cœur de situations où parler de pluie d'obus n'avait rien d'une métaphore.
Catalogue d'atrocités où des corps mutilés et puants, décrits avec une jubilation d'équarrisseur, surgissent à chaque page, ce document vient, s'il en était besoin, rappeler que la culture (Jünger était déjà fin lecteur) n'est pas un antidote à la barbarie.
Comme l'écrivait Freud en 1915 : «Nous descendons d'une lignée infiniment longue de meurtriers qui avaient dans le sang le plaisir du meurtre, comme peut-être nous-mêmes encore.» A lire Jünger, le «peut-être» n'était qu'une précaution oratoire.
Carnets de guerre 1914-1918, d'Ernst Jünger, Christian Bourgois éditeur, 572 p., 24 €. Paraissent aussi en poche chez le même éditeur, dans la collection «Titres» : Jardins et routes, journal, 1939-1940 (294 p., ). Premier et second journaux parisiens, 1941-1945 (775 p.). La Cabane dans la vigne, journal, 1945-1948 (293 p.,).
un auteur qui a nourri l'imaginaire guerrier des jeunes Allemands entre les deux guerres.