CarmillaDans la fabuleuse histoire de la littérature gothique, l'Irlandais Le Fanu fait figure de précurseur, lorsqu’il écrit
Carmilla, en 1871, soit 26 ans avant Stoker.
Il n’est pas le seul à aborder le mythe du vampire, né au 18è.
Mais
Carmilla possède des singularités qui rendent ce court récit attachant et extrêmement sensuel.
L’écriture faussement simple nous hypnotise et nous devenons vite esclaves du récit, à l’instar de l’héroïne, Laura, qui devient esclave de l’envoûtante
Carmilla, arrivée un soir dans son château de Styrie, après un curieux accident de carrosse.
Laura vit avec son père dans cette contrée isolée. La nouvelle invitée, qui doit se reposer pour se remettre de l’accident, subjugue la pure Laura.
Carmilla est belle et languide. Mais surtout, elle s’attache voluptueusement à elle, l’enlace fréquemment, et lui donne même un baiser.
Baiser particulier car baiser vampirique, comme on le découvre à la fin, quand on réalise que chaque matin, Laura se réveille avec des traces dans le cou et devient apathique.
Heureusement, un ami traqueur de vampires la sauvera à temps.
L’originalité réside dans l’audace saphique de cette relation entre deux demoiselles, à peine voilée dans le texte.
Il y a un amour très ambigu dans cette amitié inégale car l’une sait que l’autre est sa victime.
Carmilla séduit pour mieux asservir mais s’éprend aussi de Laura. Cela donne une intensité affective et une profondeur au vampire aimant / amant, qui susurre à l’oreille de Laura : «
Si ton cher cœur est blessé, mon cœur éperdu saigne avec le tien. Dans l’extase de ma très grande humiliation, je vis dans l’ardeur de ta vie, et tu mourras – doucement – dans la mienne. »
Le mythe du vampire condamné depuis 400 ans à trouver du sang frais pour survivre reste traditionnel, mais il est renouvelé par le regard de l’auteur : l’érotisme le dispute à l’innocence.
Une merveille du genre.