Clifford D. Simak

Demain les chiens (1952)

Citation :

Toute la controverse peut se ramener à cette unique question : l'Homme a-t-il existé ? Si à la lecture de ces contes, le lecteur ne sait que penser, qu'il se rassure en se disant qu'il est en excellente compagnie. Les savants et érudits eux-mêmes, qui ont passé leur vie à étudier [...] et qui possèdent plus d'éléments d'appréciation qu'eux, en sont dans ce domaine au même point.

L'Homme n'est-t-il qu'une fiction ? A-t-il vraiment appris au Chien à parler ? Qu'en est-il des robots, n'ont-ils pas toujours existés ? Qui était Webster ?

A travers huit contes que se racontent autour du feu, dans un futur très éloigné, les Chiens, l'évolution de l'Homme et du Chien est racontée, depuis la désertion des villes jusqu'à la "disparition" de l'Homme (je ne raconte pas comment il disparaît )...

Très plaisant, ce roman - qui peut aussi se lire comme huit petites nouvelles - un peu désuet (toujours cette obstination des robots des anciens auteurs de S-F), recèle quelque morale sur le comportement humain.

Je l'ai lu il y a une bonne dizaine d'années. J'ai le souvenir d'un beau conte philosophique. Cela m'a donné envie de lire d'autres livres du même auteur...

Demain les chiens fait partie des mines du temps, titre général chez omnibus avec

Ils marchaient comme des hommes

Dans le torrent des siècles

Chaîne autour du soleil

Au carrefour des étoiles

le lien d'actu SF vous dit tout, même ce qui est désagréable, sur cet omnibus.

J'adore... Simak est un de mes auteurs SF préféré... Demain les chiens, mais aussi dans le torrent des siècles, projet Vatican XVII, le chemin de l'éternité.

Même ses recueils de nouvelles comme une chasse dangereuse ou l'épave de Tycho sont excellents.

Un auteur à découvrir ou redécouvrir d'urgence.

Je viens de faire l'acquisition de Visiteurs d'ailleurs, sorti chez le Bélial. Un recueil de nouvelles dont plusieurs inédites. J'en dirais plus une fois que je l'aurais dévoré

Des nouvelles qui se laissent lire, agréables, du bon Simak, mais aucune d'exceptionnelle hélas ! Du coup, je suis un peu resté sur ma faim. J'avais préféré les recueils une chasse dangereuse ou les épaves de Tycho.
Mais si on ne connaît pas cet auteur, cela peut servir d'introduction à une partie de son oeuvre, celle qui traite des rapports avec des extraterrestres ou des êtres étranges (hommes du futur, par exemple).

La science-fiction prolonge des mythes anciens (immortalité, ubiquité, toute-puissance, etc.) à la manière du mythe et/ou du conte. Selon Jean-Pierre Vernant, le mythe permet d' « [e]xprimer et [de] transmettre sous forme narrative, différente des énoncés abstrairs du philosophe et du savant, un savoir concernant la réalité » (La mort, les morts dans les sociétés antiques (sous la direction de G. Gnoli et J.-P. Vernant), Cambridge University Press et Maison des Sciences de l'Homme). C'est de cela que découle l'importance de la forme du récit (narration) et pas seulement discours : les écrits de Platon restent de l'ordre du discours et donc demeurent abstraits.

La science-fiction prolonge des mythes anciens (immortalité, ubiquité, toute-puissance, etc.) à la manière du mythe et/ou du conte.

Ancien oui, mais pas seulement et Demain les chiens en est un excellent exemple. cet ouvrage -- recueil ? -- recèle sous forme narrative une pléthore de réflexions :
- philosophiques (qu'est-ce que l'homme, à partir de quoi et selon quelle borne peut-on le définir comme tel) ;
- ethnologiques (étude d'une multitude de culture comme celle des Hommes, des Chiens, des Mutants, des Robots) ;
- morales (peut-on parler d'une Nature humaine immuable) ;
- sociologiques (un brin d'évolutionnisme sociologique parfois mais surtout des réflexions sur l'individualisme, l'argent, la propriété, la pertinence des villes, la possibilité de créer une société idéale, l'autonomie...) ;
- herméneutique (les introductions précédant chaques contes sont les analyses, réalisées par les Chiens, concernant l'origine de ces-dits contes et la véracité de l'existence de la race des Hommes et de ses biens étranges moeurs, rejoignant l'aspect ethnologique, voire etologique de l'ouvrage).
- scientifiques (darwinisme, conquête spatial, manipulation génétique et technologiques).

Présenté comme cela, je pourrai laisser augurer un pavé un tantinet abscont... Et bien non : 310 pages (chez l'éditeur Jai Lu et un ouvrage qu'il m'était bien difficile de refermer tant l'envie de connaître la suite était présente.

Seuguh a écrit:

Demain les chiens (1952)

[...]. Très plaisant, ce roman - qui peut aussi se lire comme huit petites nouvelles - un peu désuet (toujours cette obstination des robots des anciens auteurs de S-F), recèle quelque morale sur le comportement humain.

Jenkins, un des robots, est le seul personnage présent dans les différents contes de cet ouvrage (dont le récit court sur des milliers d'années), témoin et acteur assurant le fil rouge et la cohésion narrative et -- auto -- réflexive du roman (en sus des introductions que j'ai évoquées plus haut.)

L'aspect désuet de la présence des robots n'est de on point de vue pas de mise ici : pouvant s'auto-reproduire, leur présence permet de confronter différents possibles de l'évolution de l'humanité et d'évoquer des réflexionx bien actuelles concernant la post-humanité : biologique via la communauté des Chiens, génétique via celle des Mutants, et technologiques enfin via celle des Robots (l'usage des majuscules est présent dans le roman, insistant en cela sur le fait que l'usage du concept de culture n'est pas l'apanage de l'humain.).

Histoire de parfaire encore un peu mon étalage promotionnel concernant Demain les chiens, il y est également question, dans les introductions herméneutiques canines, de l'aspect stylistique et linguistique des différents contes, permettant entre autre à Simak un clin-d'oeil à la qualité douteuse de certains romans de science-fiction.

Si après tout cela on considère la science-fiction comme sous-genre littéraire, hé bien grand bien leur fasse ! car après tout ces auteurs savent aussi profiter de l'ombre de l'indifférence pour y révéler des piques de réalité. Et en tant que partisan d'une sociologie par la littérature, cette mise au ban me rend d'autant plus proche d'eux : ami-e-s de la pluridisciplinarité et adversaires du tout-commercial je vous salue.

Tu as raison de parler de demain les chiens que j'ai envie de lire depuis longtemps. Mais je ne l'ai pas encore fait. inutile de parler "d'étalage promotionnel" à propos de messages pertinents et judicieux.

J'ai d'autres tentations - je parle des livres, hein !, pour certains auteurs comme philip José Farmer, dont Moebius se réclame.

rotko a écrit:

[...] inutile de parler "d'étalage promotionnel" à propos de messages pertinents et judicieux.

Ta réflexion est bien pertinente Rotko, mais c'était ironique (j'avais oublié les guillemets) comme tu l'as peut-être aussi soupçonné. Disons que j'exprimai par là mon enthousiasme longuement exposé quant à la richesse (intellectuelle et artistique) qui, l'air de rien, foisonne dans ce roman

rotko a écrit:

J'ai d'autres tentations - je parle des livres, hein !, pour certains auteurs comme philip José Farmer, dont Moebius se réclame.

Je n'ai pas encore lu ni abordé ces auteurs, foutue multiplicité d'ouvrages tentateurs .

Citation :

Tu as raison, Anharmo, de parler de demain les chiens que j'ai envie de lire depuis longtemps..

eh bien, nous y voici, et à plusieurs ;

Les surprises commencent dès l'introduction : une préface s'interroge sur des mythes anciens et l'existence des hommes ; on a là un pastiche assez amusant des préfaces critiques sur des textes anciens, avec les tounures habituelles des exégètes ou du moins de leurs vulgarisateurs :

Citation :

"Rover est persuadé que dans le premier conte nous sommes en plein mythe et qu'il ne faut donc accepter aucune situation, aucune déclaration pour sa valeur nominale, mais que tout le conte est pénétré d'un symbolisme dont nous avons depuis longtemps perdu la clé."

belle façon de nous livrer les clichés des éditions peu ou prou savantes des écrits fondateurs.

Or ce premier texte, La cité, réputé abscons, ressemble à du Ray Bradbury, au moins dans son début, et les temps réputés anciens sont en fait légèrement postérieurs à notre époque (!), mais avec des constantes de notre vie quotidienne :

la tondeuse à gazon (hélas !) et les légumes naturels, disons bio, qui ne trouvent plus aucun crédit auprès de la population. Quant aux villes, désaffectées ou en passe de l'être...

De Philip José Farmer j'ai lu, il y a un certain temps, le monde lavalite, un martien nommé Jésus et nombre de nouvelles dans Fiction
J'adore cet auteur atypique , presque autant que Ray Bradbury et Simak qui m'ont attiré vers la Science Fiction. Pour moi, ce genre n'a jamais été de "la sous littérature" comme certains l'ont prétendu !

je crois qu'il faut lire les contes dans l'ordre : dans l'un on voit le retour à la campagne pratiqué à grande echelle, dans le suivant, la tanière, on opte pour d'autres solutions, autrement dit on veut faire des citoyens ce qui semble bon sur l'instant. D'un côté "Fuyez la ville", de l'autre pratiquons "l'habitat groupé", condensons l'habitat dans les logements collectifs.

De la tanière, je retiens une dénonciation d'un monde où tout est accessible sans effort, ce qui entraîne, faute de stimuli, l'agoraphobie du personnage de Webster, en fait une sorte de passivité entretenue. C'est agréable à lire, avec un petit drame à la clé qui s'achève avec le conte.

Nombre de choses nous ramènent à des réalités humaines déplaisantes : le meurtre du rouge-gorge par celui qui vient de réinventer l'arc et la flêche. Les références à la "méchanceté" de l'Homme sont légion. Simak a l'art de poser des questions au lecteur pour le pousser à réfléchir. "L'ennui naquit un jour de l'uniformité", j'en passe et des meilleures. Il n'est point besoin parfois de lire de grands philosophes pour se poser des questions essentielles

Dans Demain les chiens Simak s'est bien amusé, je crois. Mettre les humains nez à nez avec leurs imperfections foncières alors qu'ils se prennent pour les maîtres du monde est une gageure, mettre en exergue la sagesse d'un animal qu'ils ont méprisé, abaissé,et cette réflexion dans l'un des contes sur la présence "unique" de l'homme dans l'univers (il pensait ça, l'Homme !). L'humour de Simak est souvent sous jacent.
Une petite critique, cependant. Comment le cerveau électronique de Jenkins a-t-il pu "évoluer" au point de devenir totalement humain : les sentiments, la compréhension, la philosophie, etc.... ?

Ce que j'ai le plus apprécié :

La fidélité des chiens envers l'homme.

Le fait que chaque espèce doit vivre sa vie (les loups doivent manger de la viande)

lLexpantion est naturelle pour un groupe (les fourmis, les robots sauvages)toute civilisation qui stagne est vouée à la destruction.

La solution de Simak: offrir à chaque groupe un monde où il pourra vivre selon ses lois.

le HIC : les mutants....pas concernés, démissionnaires ?

NB :les mutants sont ceux qui sont le plus surveillés par les chiens à par les horlas.

Oui, Fontelle, j'ai été un peu déçue qu'il ne mette pas davantage les mutants en avant. Nous ne savions pas ce qu'ils faisaient, simplement qu'ils se sentaient supérieurs et rejetés par les hommes.
Mais si tu ramènes cela à notre société, les mutants sont les surdoués, tu ne crois pas qu'il y a une certaine similitude ? Muter, ce n'est pas forcément devenir un monstre à cause des radiations, par exemple, ce peut être un gène qui active une partie du cerveau, celle qui ne sert pas aux autres. Le mutant à une forme d'intelligence différente, une possibilité d'assimiler plus grande que le commun des mortels. Il pourrait aussi être télépathe, télé ceci, télé cela, simplement parce que la ... nature lui a donné des capacités supérieures.

Oui, mais dans le livre les mutants se désintéressent totalement de l'humanité et de l'avenir de la terre.

iLs sont très égoïstes et se désolidarisent des humains.

Simak insiste à plusieurs reprises sur "leur sourire méprisant"', le fait qu'ils ne répondent à aucune question, qu'ils s'enferment.....

bref, ils ne se sentent pas concernés : la preuve - ils ont découvert les univers parallèlles bien avant les chiens, s'en sont emparés et y ont disparu, sans en avertir chiens ni robots....

Peut être avaient ils le pouvoir de connaître l'avenir ? et si c'est ça, ils ont eu peur.
Ils avaient peut-être la réponse ? nulle race ne peut survivre sans en sacrifier une autre et le meurtre était interdit.

Que dire de la fidélité des chiens, Fontelle ? ils ont été domestiqués, asservis ! peut être ont-ils été victime du syndrome de Stockolm ? Leur fidélité a été une chose, leur amour pour l'homme les porte à développer certains pouvoirs dont ils sont dotés : l'odorat, l'ouïe, la perception des choses que nous ne connaissons pas.
Et puis... et puis ce livre me fait rêver à un monde qui serait beau, mais ce Simak du diable me fait aboutir à l'imperfection même : l'humain.

je fais volontairement l'impasse sur les fourmis à la fin. ça, ça ne me plait pas du tout, mais alors, pas du tout!!!!

Ysandre a écrit:

Quant à Demain les chiens de Simak, c'est une pure merveille ! une histoire de l'humanité sur plusieurs siècles, la psychologie de "lhomme" y est épluchée de façon magistrale et ... ça tient debout. Les chiens dont la fidélité et l'attachement à l'homme n'est jamais démentie se montrent les plus sages, les plus aptes à lui succéder. C'est très beau, même si c'est une utopie, on y croit, ou l'on voudrait y croire

le film Demain les chiens de Mathias Montavon et Marianne Thivillier a été réalisé en 2009.
film français, titre anglais "yellow dogs".


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vraiment pas envie de voir le film. J'ai l'impression très forte et bizarre qu'il détruirait tout ce que mon imaginaire à construit autour de ce livre. Et j'ai beaucoup appris, beaucoup construit autour de ce que j'ai appris.