le lecteur juge des personnages ?

L'interprétation des personnages

Kervinia a écrit:

Ce qui ne peut être interprété qu'avec des pincettes, c'est l'opinion que l'auteur veut donner de son personnage, mais après tout, rien ne nous oblige à suivre cette opinion... heureusement.

rotko a écrit:

L'auteur ne donne pas une opinion, il crée un personnage dont il étudie le comportement dans les situations,

Citation :

Un personnage de roman se prête certainement à diverses interprétations, mais à l'intérieur d'un certain créneau, sinon on pourrait en dire ce qu'on voudrait selon les humeurs. Ce qui n'est pas pensable, évidemment.
L'oeuvre litteraire est vaste, mais n'est pas une auberge espagnole.

Quelle latitude avons-nous dans l'interprétation, voire le jugement, des personnages d'un roman ? avez-vous une opinion la-dessus ?

je poursuis car cette question me paraît intéressante

Elle est abordée dans l'oeuvre elle-même par l'auteur,

- soit par des jugements directs sur le personnage (c'est fréquent chez Stendhal qui approuve ou désapprouve son personnage selon les circonstances) ou par le regard que le personnage jette sur lui-même : à mon avis on nepeut comprendre Julien Sorel qu'après avoir lu son virulent plaidoyer dans le procès.

le narrateur dit aussi son mot (Rieux dans la Peste) et les jugements du personnage référent sont à prendre en compte : ainsi Rambert et Tarrou sont jugés par le narrateur, et par l'histoire elle-même : ce n'est pas par hasard que le jésuite de la Peste meurt d'une maladie non identifiée.

- le personnage reste davantage soumis à notre propre interprétation (qui existe tout le temps, mais plus ou moins large) quand le narrateur est ambigu. Des Grieux dans Manon Lescaut n'est pas fiable, pourtant notre image de Manon dépend de lui qui est juge et partie.

Donnez vos réflexions car on touche là, grâce à Kervinia, un sujet important pour le lecteur et ses avis.

Tout est une question de point de vue. Si l'auteur a envie que le lecteur s'imagine le personnage qu'il lui propose, en général c'est pour lui proposer une question : "Et si tu étais lui."

L'auteur peut vouloir faire réfléchir, faire changer. On peut voir par exemple, avec l'oeuvre de Martyn Bedford ce que l'on voyait d'abord comme un psychopathe, puis pour un homme détruit, dont la personnalité est liée à la réalité qu'on lui a donné. C'est un exemple édifiant, c'est un apologue.

je ne connais pas Martyn Bedford, mais je te prête l'oreille.

L'auteur peut donner des indications sur son personnage par son nom : ainsi beaucoup de héros de Roger Vailland portent des noms d'oiseaux de proie, exemple Busard dans 325 000 francs : on y verra donc un prédateur résolu qui n'a pas froid aux yeux.

Dans l'Arabe d'Antoine Audouard, un personnage s'appelle Juste, ce qui indique sa stature morale dans le récit. Il sert donc de modèle ou d'étalon par rapport à des "déviants".

chez Balzac, César Birotteau allie le nom imposant d'un empereur avec un patronyme un peu ridicule pour désigner un coiffeur : on verra sa grandeur et ses petits travers qui prêtent à rire.

rotko a écrit:

je ne connais pas Martyn Bedford, mais je te prête l'oreille.

L'auteur peut donner des indications sur son personnage par son nom : ainsi beaucoup de héros de Roger Vailland portent des noms d'oiseaux de proie, exemple Busard dans 325 000 francs : on y verra donc un prédateur résolu qui n'a pas froid aux yeux.

Busard serait plus un passereau qu'un oiseau de proie car, plutôt que prédateur, c'est lui, être frustre et manipulable, qui sera la proie d'une femme qui le broiera, comme la presse de l'usine le fera ...

Constance a écrit:

Busard serait plus un passereau qu'un oiseau de proie car, plutôt que prédateur, c'est lui, être frustre et manipulable, qui sera la proie d'une femme qui le broiera, comme la presse de l'usine le fera ...

C'est vrai que Busard rêve plus qu'il ne réussit à étreindre.
Il veut voler de ses propres ailes pour "son sale petit bonheur égoïste", comme dit le syndicaliste, qui voudrait une lutte solidaire, alors que Busard "joue perso" dans tous les domaines.

le nom et le pseudo jouent un rôle chez Vailland, avec Marat dans drôle de jeu puis dans bon pied, bon oeil, comme ils jouent leur rôle chez Flaubert (Bovary a quelque chose de bovin), Balzac, Dickens, Proust (madame de Cambremer, alliance de Cambronne et de son mot historique).