Ernesto Sabato - [Argentine]

Animation Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007

Bien que nous en ayons déjà un peu parlé ici, il est grand temps d'ouvrir un fil spécifique sur ce géant de la littérature.

Né en 1911, Ernesto Sabato est tout d'abord un physicien de haut niveau, et c'est un voyage en Europe qui le décide à écrire. Il vit actuellement à Buenos Aires, et de gros problèmes de vue l'ont fait arrêter l'écriture...pour la peinture.

Héros et tombes

Dès la première page on le sait l'amour fou qui lie Alejandra au jeune Martin des Castillo finira mal. Alejandra, victime de la folie (la sienne ? celle de Fernando ?) meurt après avoir tué Fernando.
Et Martin se retrouve avec Bruno l'ami de toujours (d'Alejandra ? de sa mère ?), et leurs souvenirs dans un tentative désespérée pour retracer une histoire et la comprendre. Une histoire d'amour, une histoire d'Argentine, une histoire de famille.

Martin est fort jeune et débousselé mais tenace, il cherche tout au long des quartiers de Buenos Aires merveilleusement décrits, un sens à son histoire et finira par trouver un équilibre en partant pour le bout du monde, la Patagonie mythique au bout de sa route 3.

Un livre qui empêche de se coucher, haletant, superbe.
Un grain bien sûr et un I love you

Animation Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007

Citation :: Martin s'assit sur le bord du lit et la contempla. La clarté de la lune lui permettait d'exaaminer le visage d'Alexandra agité, par une autre tempête, la sienne, celle que jamais, il ne connaîtrait.Comme si dans les ténèbres, parmi les excréments et la boue, il y avait une rose blanche et délicate. Mais le plus étrange était qu'il aimait ce monstre hybride, princesse-dragon, rose-fange, fillette-vampire. Il aimait cet être chaste, ardent peut-être corompu, qui frémissait auprès de lui, contre lui, secoué par d'affreux cauchemars.

Animation Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007

Citation :: Pedernera regarde Lavalle qui marche en tête, avec sa chemise sale aux manches retroussées et son chapeau de paille. Il est malade, inquiet, fantôme loqueteux du Lavalle de l'Armée des Andes...Combien d'années ont passé ? Vingt-cinq ans de combats, de gloire et de défaites. Mais au moins, en ce temps-là, ils savaient pourquoi ils combattaient, ils voulaient la liberté du continent, ils luttaient pour la Grande Patrie.

Ernesto Sabato va franchir sa centième année

Son fils le cinéaste Mario Sabato a réalisé un film à l’hommage de son père. J’ai vu ce film lors d’un festival de cinéma et j’avoue que c’est un ouvrage bien tissé, avec qualité ou Mario Sabato exprime toute son émotion pour l’auteur vieillissant.

Ce documentaire chaleureux et émouvant, est un regard que son fils jette sur l’intérieur de la vie de l’écrivain Le film parcourt les sentiers les plus intimes de celui dont la renommée s’est propagée au-delà des frontières de notre pays, mais que peu de gens connaissent. Il nous dévoile l’homme qui vit humblement entouré de ses proches et amis dévoués, avec ses certitudes et ses doutes.

Le film n’est pas pour académiciens et ne prétend pas illustrer sur l’œuvre de cet intellectuel qu’ici se montre en toute sa modestie et son émoi, que sans doute il a inséré dans ses livres.
Avec de vieux films et photos familiales il a plongé dans les replis cachés de la mémoire, il a enregistré des vues depuis 1962 jusqu'à 2007 où se dévoile l’homme qui se cachait derrière ses lunettes noires.

L’itinéraire quotidien de Ernesto Sábato,,ses attachements du cœur, ses anecdotes, ses vacillations et ses certitudes traversent ce document d’énorme beauté visuelle et d’énorme qualité sentimentale

Sur le film on trouve le Ernesto Sábato, tourmenté, l’être sensible qui se souviens toujours de sa femme Matilde, l’intellectuel éloigné de toute prétention populiste, et le personnage qui aimant la paix et la démocratie, a lutté à tour de bras contre la dernière dictature Argentine.

Des personnages très proches de l’écrivain, Raul Alfonsin ,ancien président, Magdalena Ruiz Guiñazú, journaliste, Mercedes Sosa, Alejandro Dolina, des représentants de l’église, sont sur l’écran et parlent de Sabato comme homme et comme intellectuel de prestige mondial.
Mario Sábato a voulu rendre hommage à son père et avec ce film il a ouvert les porte de la vielle maison de Santos Lugares et en plus il a présenté son père en être de chair et d’os. Ce film est nécessaire, pas seulement pour ceux qui l’admirent pour ses œuvres, mais aussi pour ceux qui le connaissent à travers de vagues références journalistiques.

Sábato, l’homme et l’intellectuel
La Nacion.

à suivre un intéressant reportage en 2007

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Mario Sabato, mi padre

Un article de Ernesto Sábato
Publié dans un magazine important de Buenos Aires

Hier j’avais raconté le film sur ses cent ans ; aujourd’hui un reportage intéressant, mais beaucoup d’années auparavant. C’était à l’occasion de ses 90 ans.
L’un des Argentins les plus vénérés a accepté une longue conversation avec le Magazine « Gente » dans laquelle ont défilé ses obsessions : le chaos, la douleur du monde, le néant, la crise
de l’esprit. Mai il a aussi haussé le ton contre le désespoir et défendu la nécessité de résister.

« Après bien des années je viens d’arriver à mes Quatre-vingt-dix ans ; mais je ne plie pas. Je pense déranger quelques années encore, je crois qu’on devra m’emmener avec la force publique…
Je continue à écrire parce que les gens sont avides de trouver un chemin, un sens au milieu de cette catastrophe que nous vivions. C’est très dur de supporter la pauvreté, l’injustice, le mensonge le chaos et la violence.

En outre je ne peux pas renoncer à être qui je suis ; j’ai toujours écrit poussé pour les urgences de l’âme. D’ailleurs lorsque on arrive à un certain âge, on sait qu’il ne reste plus beaucoup de temps en avant pour le gaspiller en des choses superficielles´
Pour cela dans tout ce que je dis et j’écris ces jours là, il y a une certaine sensation testamentaire, je dirais….

A suivre

J’ai subi deux terribles pertes qui ont brisé ma vie : la mort de Matilde, la femme de toute ma vie, et celle de mon fils Jorge
Dès lors je n’ai pu retrouver le calme, ni être celui que j’étais.

Si j’ai continué en avant c’est par gratitude pour les gens qui me témoignaient leur affection ; et à l’art, surtout à la peinture, que j’exerce depuis des années et qui est presque mon unique activité

Bien entendu, j’aurais pu devenir un physicien d’une certaine renommée, mais j’ai quitté cette discipline à Paris, quand j’ai découvert l’immoralité de la science face à la guerre.
C’était l’un de ces moments oú la vie d’un homme se joue sur un coup de dés….. Essais ou romans ? Dilemme éternel, je crois que si quelque chose perdure, ce seront mes trois romans et pas les essais, parce que l’art est supérieur au rationalisme.

On me tient pour un lutteur obsessif et je ne le nie pas, je n’ai jamais mis en berne le drapeau de la lutte, bien qu’à l’époque cette lutte ait eu diverses facettes.

Alors que l’essentiel a toujours été le même : l’engagement d’un homme face aux autres
Si je ferais don de ma vie pour une cause ? bien sûr, pour la justice et la liberté., jusqu’à la dernière goutte de mon sang !!!

Je vous avoue quelque chose, malgré mes doutes et mes contradictions, j’ai toujours ressenti en moi un esprit religieux : comment avoir des doutes si LE MAL est évident. ?
J’avais pensé aussi à me suicider

Mais comme Albert Camus j’ai considéré que c’était le moment de décider si la vie mérite ou non d’être vécue, et j’ai décidé qu’elle est sacrée. Voilà pourquoi vous m’avez ici, sans capituler.

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Ernest Sabato né à Rojas, dans la province de Buenos Aires le 24 juin 1911 et mort à Buenos Aires, le 30 avril 2011.

"Le tunnel" (1948), salué par Albert Camus et Graham Greene, "Héros et tombes" (1961, publié en français sous le titre "Alejandra") et "L'ange des ténèbres" (1974).

Il ne cessera plus de publier tout au long de sa vie, obtenant le Prix Cervantès de Littérature en 1984, la plus haute distinction de la littérature en langue espagnole.

Son essai "Avant la fin" (1999), considéré comme son testament spirituel, balance entre la foi et le scepticisme.

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