Sherman Alexie

La vie aux trousses – (Poche)

Cet auteur Américain n’est pas n’importe qui. Comblé de prix, j’ai fait quelques recherches sur Internet et on peut affirmer qu’il est véritablement le (jeune) chantre de la culture Améridienne.

Le présent ouvrage est un recueil de nouvelles, au style poétique et toutefois bien réaliste. Véritable tour de force stylistique et apparemment paradoxal, il coule pourtant comme du miel…

L’auteur met en scène l’âme Indienne, avec ses rêves, ses errements, ses coutumes, ses terribles désillusions aussi. Et cela, au travers de situations quotidiennes, classiques, qui sont dans le fond, celles qui nous identifient tous.

Le monde contemporain n’épargne en rien les Indiens vivant dans les réserves : mépris poli, ostracisme, volonté d’hégémonie, sous-emplois... Certes, le « tourisme culturel » parle fréquemment de ces riches ethnies, mais l’auteur souligne combien l’Indien – le fier Indien – reste un objet « exotique », qu’on visite comme une verrerie de Murano.

Le grand intérêt des intrigues repose sur l’extrême précision sociologique d’Alexie. Il est lucide et évoque sans vergogne les « faiblesses » d’un peuple opprimé et nié : alcoolisme, mensonges, combines… Point de manichéisme.

Des faits.

Je me permets de citer un passage où un fils accompagne son père aux dernières heures de sa vie :

- « Tu crois en Dieu ? » demandai-je à mon père.
- « Dieu a beaucoup de potentiel », répondit-il.
- « Quand tu pries, qu’est-ce que tu demandes ? »
- « Ca ne te regarde pas », répondit-il.

On a éclaté de rire. On a attendu des heures que quelqu’un nous vienne en aide. Qu’est-ce qu’un Indien ? J’ai pris mon père dans les bras et je l’ai porté pour franchir toutes les frontières.

Livre drôle, tendre, magistralement écrit, fluide et émouvant, je le conseille aux amoureux de cette belle nation…Eh oui ! J’ai bien dit « nation » !

Au passage, ne soyez pas étonnés si les Américains sont ponctuellement étrillés. On récolte ce qu’on sème…

PS : Alexie est un Indien Spokane.

Dix petits indiens

Il est dommage qu’il n’y ait que Crevette pour apprécier cet auteur que je conseille vivement. J’avais déjà lu le très beau Phénix Arizona et les nouvelles de La vie aux trousses. Dix petits indiens est tout aussi intéressant.
Des nouvelles encore. De l’humour, une certaine dérision. Sherman Alexis nous raconte des moments de vie d’indiens ordinaires, de l’étudiante au joueur de basket en passant par des juristes ou le clochard. Loin du folklore et du mythe de l’indien naturel ou chamanique. Loin des clichés où on veut l’enfermer. Des indiens qui vivent leur vie comme ils peuvent avec leurs peines et leurs joies, avec leurs qualités et leurs défauts. De celui qui se bat pour réussir à celui qui sombre dans l’alcoolisme. Mais toujours des gens ordinaires comme vous et moi. Et pourtant le racisme peut éclater à tout moment de façon plus ou moins insidieuse, surtout depuis le 11 septembre, mais cela est vrai pour n’importe quelle minorité. Alexie est sans concession que ce soit envers les Blancs qu’envers ceux de son peuple (ou autres tribus indiennes) ; il n’est jamais condescendant ; il cerne la réalité au plus près et nous offre de beaux portraits.

Je viens d'acheter Thomas Savage, que je ne connais pas mais visiblement à rattacher à la fameuse école du Montana, qu'on a déjà évoquée ici.

Tu l'as lu ?

Crevette a écrit:

Je viens d'acheter Thomas Savage, que je ne connais pas mais visiblement à rattacher à la fameuse école du Montana, qu'on a déjà évoquée ici.

Tu l'as lu ?

Le Pouvoir du Chien, en v'la un bon bouquin sur les cow-boys du Montana.
On en parle ici avec d'autres romans de Thomas Savage...

Je rejoins les louanges. J'ai découvert l'auteur avec Flight, son dernier roman. A peine 200 pages, en caractères bien aérés. La lecture file d’autant plus que le style et l’histoire emportent.

Spots est un ado de quinze ans, de ceux que l’on dit « à problèmes », mais il est aussi un flic du FBI, puis un enfant indien muet, un vieux soldat, un pilote d’avion, un clodo... En fait, Spots a subi un gros choc et se retrouve - dans une sorte de transe, de voyage dans le temps - à faire son expérience à travers différents corps. Ressentir la souffrance, apprendre à comprendre, ne pas toujours juger. Un apprentissage condensé, en quelque sorte, comme si on vous permettait en deux minutes d'avoir une vision globale de la vie. Ca pourrait servir, non ? Le procédé permet à Sherman Alexie de nous parler de la culpabilité, la responsabilité, des guerres et de l’enfance au milieu. Quel crime est justifié ? Lequel ne l’est pas ? Au regard de qui ? Histoire d’un pays et histoire d’un homme, Fligth montre aussi que tout un chacun est libre de changer.

Crevette a écrit:

Je viens d'acheter Thomas Savage, que je ne connais pas mais visiblement à rattacher à la fameuse école du Montana, qu'on a déjà évoquée ici.

Tu l'as lu ?

Non je n'ai pas lu cet auteur, mais je suis tentée par Le pouvoir du chien conseillé par Mouton Sauvage.

Dix petits indiens

Effectivement, je recommande grandement ! C'est incroyablement (et bizarrement) bien écrit, et les histoires sont vraiment intéressantes.

J'aime beaucoup.

Edgar Mint a écrit:

Dix petits indiens

Effectivement, je recommande grandement ! C'est incroyablement (et bizarrement) bien écrit, et les histoires sont vraiment intéressantes.

J'aime beaucoup.

Pourquoi "incroyablement (et bizarrement) bien écrit"? Que veux-tu dire par ces mots?

Nymphéa a écrit:

Edgar Mint a écrit:

Dix petits indiens

Effectivement, je recommande grandement ! C'est incroyablement (et bizarrement) bien écrit, et les histoires sont vraiment intéressantes.

J'aime beaucoup.

Pourquoi "incroyablement (et bizarrement) bien écrit"? Que veux-tu dire par ces mots?

En fait, j'ai eu le même sentiment qu'avec Paul Auster ou Tristan Egolf. L'écriture parait "simple", car ça se lit assez facilement, il n'y a pas de phrases avec des constructions grammaticales à dormir debout, mais il y a quelque chose d'intrigant dans la manière d'écrire, qui fait qu'on est plongé dans l'histoire dès la première phrase.
Ca paraît simple, ça se lit bien, mais ça reste de la grande littérature, avec beaucoup de maîtrise de la langue.

Je ne suis ni critique littéraire, ni enseignante en lettres, mais je crois que se cache derrière une certaine simplicité d’écriture un grand travail et du talent. Il faut une grande dextérité pour manier le langage ; avoir un style fluide et garder la cohérence du discours, agencer les mots pour exprimer avec justesse et finesse les situations et la diversité des personnages, choisir les vocables exacts, rester concis et précis face à des imbroglios complexes surtout lorsqu’il s’agit de nouvelles. J’apprécie aussi chez Alexie l’humour et la dérision qu’il manie avec virtuosité. Et ses « héros » sont toujours crédibles psychologiquement.
Je préfère cela à de grandes phrases alambiquées ou à un vocabulaire superfétatoire qui cachent parfois le vide de la pensée ou la minceur de l’histoire. Mais il en faut pour tous les goûts…

Je suis ravie que cette lecture t'ait plu, Edgard Mint

D'ailleurs, je tire mon chapeau au traducteur !
Retranscrire un texte dans une autre langue en essayant de laisser le style tel qu'il était en langue originale, c'est vraiment du bon travail.

Dix petits indiens de Sherman Alexie Traducteur : Michel Lederer
Albin Michel collection Terres d'Amérique.
ISBN : 9782226154965

Présentation de l'éditeur.
« Une voix irrévérencieuse, sardonique, mais sentimentale et rebelle (...) Imprévisible, inclassable, Sherman Alexie nous rappelle le jeune Philip Roth. » Joyce Carol Oates

« Quel genre d'Indien est capable de perdre la raison devant un livre de poèmes ? Eh bien, elle était ce genre d'Indien, exactement ce genre d'Indien, et le seul genre d'Indien qu'elle savait être » : la première nouvelle, dans laquelle une jeune femme part à la recherche d'un poète disparu, donne le ton de ce recueil audacieux. Dans une Amérique désormais fragilisée par la menace terroriste, tout peut être source de divisions : les sexes, les races ou les classes sociales. À la fois drôle et grave, mais toujours radicale dans son exigence de justice et de liberté, la voix de Sherman Alexie, récemment récompensé avec Richard Ford par le Bernard Malamud Award for Excellence in Short Fictio n, puise à la source même de l'expérience humaine. C'est la voix d'un irréductible, d'un magicien de la langue qui nous offre, avec Dix petits Indiens, son livre le plus étonnant.

Mon commentaire.

Neuf nouvelles, une seule à la barre : Y a-t-il un témoin ?

Avant l'action, l'histoire est d'une banalité déconcertante. Elle ressemble à celle que vivent des millions de cons citoyens d'une ville grande ou petite. Le mot terroriste fout la trouille dès qu'il franchit la porte de notre univers proche. L'action du terrorisme est de saborder notre navire qui, même s'il prend l'eau, un peu, a le mérite de naviguer en tout lieu par tout temps. Quelqu'en soient les raisons, l'acte est cruel, car meurtrier. L'onde de choc provoque les dégâts non visibles en partie ceux que nous relate l'auteur.

Seconde lecture, apparait forte, la présence de l'Indien dans ce monde américanisé. Issus d'un peuple exterminé, luttent vaillant, debouts et obstinés les rares résistants diffuseurs d'une culture abandonnée voire gadgétisée. La comptine dix petits indiens nous le révèle, n'en resterait qu'un seul représentant, le cycle de survie se veut perpétuel : tu cultives, tu sèmes, tu récoltes, image idoine, même si chez Sherman, son rapport avec la nature est très urbanisé (pour ne pas dire inexistant.)

Je ressens à la lecture de cette nouvelle comme un besoin de la part de l'auteur de donner un peu de lui-même suite aux attentats du onze novembre. Chaque Américain s'est senti blessé au sortir de ce drame, et il me semble que Sherman se devait de participer à son niveau en publiant ce récit.
La peur rapproche les êtres au point de se toucher, se caresser, s'aimer, juste le temps de se rendre compte que d'autres individus vivent à proximité. Sans l'écoute ni le voir, ton voisin demeure indifférent. Sherman rend l'Homme responsable de toutes ses actions aussi minimes soient-elles,
Personne n'est innocent,
mais nous sert un discours défaitiste :
Alors, pourquoi s'étonner que des hommes précipitent des avions sur des immeubles.
L'auteur se livre à conjuguer les déraisons d'un fatalisme affligeant. Avec cette allégorie des bienfaits du vivre ensemble, l'héroïne secouée par les effets de la bombe arrivera-t-elle à convaincre son hôte ? Oui, mais pas assez longtemps.