Henri David Thoreau

Citation :

Disciple de Ralph Waldo Emerson, il "fut un non-conformiste résolu.
Après avoir vécu seul dans une cabane au bord d'un étang dans les bois, Thoreau publia Walden, récit de cette expérience, dans lequel il prêche la résistance aux diktats de la société organisée. Ses écrits expriment la tendance à l'individualisme fortement enracinée dans l'âme américaine"

presentation par l'encyclopedie de l'Agora qui poursuit :

Citation :

Dans son essai La désobéissance civile ( Civil Desobedience, 1849) Thoreau proclame son hostilité au gouvernement américain, qui tolère l’esclavagisme et mène une guerre de conquête au Mexique.

« Pas un instant, je ne saurais reconnaître pour mon gouvernement cette organisation politique qui est aussi le gouvernement de l’esclave. (…) Je pense qu’il n’est pas trop tôt pour les honnêtes gens de se soulever et de passer à la révolte. Ce devoir est d’autant plus impérieux que ce n’est pas notre pays qui est envahi, mais que c’est nous l’envahisseur. »

L’essai eut une grande influence sur le Mahatma Gandhi et sur Martin Luther King.

On peut ici telecharger gratuitement le texte de la désobeissance civile.

Dans la collection Climats, Micheline Flak traduit et préface très utilement cette oeuvre.

Comment ne pas penser à Thoreau (Walden) avec le film into the wild ?

Thoreau est devenu un mythe, celui de l’anti-Babbitt, le héros de Sinclair Lewis obsédé par les valeurs matérielles.

On voit en lui un trappeur vivant au fond des bois (il fut un naturaliste très averti), et un révolté qui refusait de payer ses impôts pour ne pas financer la guerre.

Le plaidoyer pour John Brown, en faveur d'un Spartacus au service des esclaves noirs, témoigne de l’activité d’un ardent abolitionniste.

Il laisse l’image d’un écrivain engagé, n’écoutant que sa conscience, d’un militant contre le racisme, et d’un homme intègre refusant les contraintes sociales.

A noter la parution d’un ouvrage de Stevenson, sur H.D. Thoreau : Un roi barbare, chez Finitude.

J'ai beaucoup de respect pour ce penseur ayant mis en application ses principes.
Ce n'est pas un de ces moralistes théoriciens frileux, mais bien un activiste dont les actes ont courageusement épousé la pensée.

Quels sont ses suiveurs aujourd'hui ?

Avant de voir les « suiveurs » et les applications, autant rappeler quelques idées fortes de Thoreau 1817-1862 :

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- prise de conscience de la coercition de l’État qui, s’il ne peut rien sur les âmes (encore faudrait-il nuancer ! Son pouvoir d‘intoxication est plus grande qu‘à l‘époque de Thoreau !) s’attaque au corps et aux biens physiques du citoyen (détention, amendes et confiscation de ses biens....)

- refus de toute soumission aveugle à l’État,

Citation :

« cette machine à mettre des bâtons dans les roues de la libre entreprise »

(au sens d'inititiative personnelle.)

Il embrigade ses "sujets", comme l'armée qui mobilise et enregimente des citoyens pacifiques pour en faire des guerriers

Citation :

On peut voir une file de militaires, colonel, capitaine, caporal simple soldat… marcher au combat dans un ordre admirable, contre leur bon sens et contre leur conscience, avec tous au cœur des dispositions pacifiques…

- méfiance envers les élections,
on abdique sa conscience à des gens dont rien ne garantit qu’ils joueront le rôle attendu ; le vote instaure la tyrannie de la majorité, qui n' a pas toujours raison. Au besoin l'Etat fait revoter.

quelques idées fortes de Thoreau

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Comment réagir :

- regard critique sur les lois et désobéissance active.

Citation :

Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien […]

La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et, par l’effet du respect qu’ils lui témoignent, les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice.

Citation :

« Les gens qui tout en désapprouvant le caractère et les mesures d’un gouvernement lui concèdent obéissance et leur appui, sont sans conteste ses partisans les plus zélés et par là, fréquemment l’obstacle le plus sérieux aux réformes. »

- Le boycott : « je peux me passer de ces produits-là »

- refus de l’impôt qui finance une politique jugée condamnable.

- Pratique du délit de solidarité

Citation :

« Sous un gouvernement injuste qui emprisonne quiconque injustement, la véritable place d’un homme juste est aussi en prison. »

petit intermède musical avec john brown.

john Brown pour qui H.D. Thoreau et Victor Hugo prirent parti.

Crevette a écrit:

J'ai beaucoup de respect pour ce penseur ayant mis en application ses principes.
Ce n'est pas un de ces moralistes théoriciens frileux, mais bien un activiste dont les actes ont courageusement épousé la pensée.

Quels sont ses suiveurs aujourd'hui ?

je crois qu'il y en a beaucoup : rappelons l'affaire des avortements..

de nos jours

les profs des écoles qui pourraient faire ce qu'ils veulent dans leurs classes se proclament desobeissants, à leurs risques et perils,

José Chidlovsky inquiété pour avoir hebergé une sans-papiers :

Citation :

« J'ai reconnu ce qu'ils considèrent comme un délit. J'ai précisé que j'ai hébergé dans le passé et j'hébergerai encore des personnes sans-papiers. » Dans le hall de la PAF, des dizaines de personnes ont alors répondu « nous aussi ».

Pour le boycott, c'est à l'etude : la journée sans achats, la semaine sans télé, les repas sans poulets (sans porc, sans veau ) offrent des perspectives d'actions interessantes pour defendre une qualité des produits.

Je viens de lire Walden. La première partie du livre est bourrée de réflexions très intéressantes, voire capitales. Etant moi-même une asociale misanthrope, je me retrouve totalement dans sa volonté de fuir le monde, ou quand il dit que si on mettait tous les hommes d'une société nus, on serait bien en peine de reconnaître celui qui était riche et puissant. Tout à fait d'accord.
Et il préconise de lire tous les classiques antiques pour connaître l'homme. Qui ne connaît pas son héritage littéraire ne connaît rien de l'humanité. Je suis entièrement d'accord. C'était un véritable humaniste.

J'ai également terminé Walden ou la vie dans les bois et suis aussi en accord avec beaucoup des réflexions et préceptes présentés dans ce livre.

Citation :

Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n'affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu'elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n'avais pas vécu.

Mais, sans être vraiment déçue, je m'attendais à davantage de philosophie encore. De plus, j'ai été quelque peu destabilisée par le style, et j'ai eu du mal à ressentir pleinement l'atmosphère de cette vie dans les bois.

Je viens de terminer Walden, emprunté un peu par hasard à la bibliothèque, et j'ai passé de bons moments avec ce livre.
Thoreau y raconte son expérience de vie dans les bois, non pas solitaire, puisque, même s'il vivait seul dans sa cabane, il recevait de nombreuses visites habitant à proximité d'un village.

Il y détaille ses comptes: il essaie de vivre avec l'essentiel : pas de thé, pas de café, des pois, des pommes de terre, la viande chassée de temps en temps. Il construit sa cabane avec des matériaux de récupération: c'était le premier décroissant.

Dans le livre, il raconte aussi le lac de Walden , les animaux qui vivent autour, les plantes.
S'il recevait beaucoup, c'était apparemment des hommes, il semble avoir ignoré la moitié de l'espèce humaine et n'avoir eu aucune relation féminine, même amicale.

quelques images de sa "cabin" et de l'étang de Walden

A une époque, maintenant assez lointaine, où mon intérêt se portait sur l'histoire de l'Anarchisme, j'ai été amené à lire les ouvrages de Jean Maitron (Histoire du mouvement anarchiste en France - Ravachol et les anarchistes), Daniel Guérin (Ni Dieu ni Maître), Jean Préposiet (Histoire de l'Anarchisme). J'y ai vu apparaître le personnage de Henri David Thoreau et subséquemment celui de Ralph Waldo Emerson. Je me suis bien sûr précipité sur "Walden ou la vie dans les bois" puis sur ses autres ouvrages que je possède quasi tous en bibliothèque.

La "Désobéissance civile" a été un temps mon livre de chevet ("Je ne suis pas né pour être contraint. Je veux respirer comme je l'entends" me convenait assez bien). Cependant un passage m'a retenu d'une pleine adhésion :

" Ce n'est pas pour un article particulier de la feuille d'impôts que je refuse de la payer. Je souhaite seulement refuser mon allégeance à l'Etat, me retirer et m'en tenir à l'écart en pratique. Peu me chaut de suivre pas à pas mon dollar, si c'est possible, à moins qu'il n'achète un homme ou une arme pour en tuer - le dollar est innocent mais ce qui m'importe c'est de repérer les effets de mon allégeance. En fait, je déclare tranquillement la guerre à l'Etat, à ma manière, bien que je souhaite continuer d'en retirer les utilités et les avantages que je pourrai, c'est bien naturel."

C'est peut-être naturel mais, selon moi, pas très correct.

eh oui, nobody's perfect et aucun de nous n'est à l'abri d'une idiotie. L'homme avait un côté assez immature aussi: pas de femme, et il laissait tata payer ses impôts à sa place.
Il faut garder ce qui est plaisant à lire et mette le reste sur le compte des imperfections de toute nature humaine....

Citation :

C'est peut-être naturel mais, selon moi, pas très correct.

Citation :

mettre le reste sur le compte des imperfections de toute nature humaine....

voilà bien des considérations morales, à mon avis.

Que le citoyen lambda profite au minimum de l'Etat quand d'autres s'en servent abusivement pour leurs intérêts personnels ne me choque pas. Après tout, ne serait-ce pas récupérer sa donne quand on se sent floué ?

Bien sûr, Albert. Mon "Walden" est surligné, annoté. Plein de bonnes choses.

Dans un genre assez proche, "Nature" d'Emerson. A peine cent délicieuses pages (Editions Allia) :

"Bâtissez-vous par conséquent votre propre monde. A mesure que vous vous conformerez votre vie à la pure idée de votre esprit, il déploiera ses vastes dimensions".

"Dans les bois, nous revenons à la raison et à la foi. Là, je sens que rien ne peut m'arriver dans la vie, ni disgrâce, ni calamité (mes yeux m'étant laissés) que la nature ne puisse réparer. Debout sur le sol nu, la tête baignée par l'air joyeux et soulevée dans l'espace infini, tous nos petits égoïsmes s'évanouissent. Je deviens une pupille transparente ; je ne suis rien, je vois tout ; les courants de l'Etre universel circulent à travers moi ; je suis une partie ou une parcelle de Dieu. Le nom de l'ami le plus cher sonne alors comme étranger et fortuit : être frère ou ami, maître ou serviteur apparaît comme un embarras et un détail sans valeur. Je suis l'amant de la beauté immortelle et sans entraves. Dans la nature sauvage, je trouve quelque chose de plus cher et de plus primordial que dans les rues ou les villages. A travers la tranquillité du paysage, et spécialement sur la ligne lointaine de l'horizon, l'homme contemple quelque chose d'aussi magnifique que sa propre nature."

rotko a écrit:

Que le citoyen lambda profite au minimum de l'Etat quand d'autres s'en servent abusivement pour leurs intérêts personnels ne me choque pas. Après tout, ne serait-ce pas récupérer sa donne quand on se sent floué ?

L'emploi du terme "citoyen" en tête de phrase me semble disqualifier l'appréciation. Le citoyen a des droits mais aussi des devoirs. H. D. Thoreau refuse d'assumer les devoirs au nom de sa liberté mais ne se gène pas pour profiter des droits. En gros, il prétend bénéficier de la sécurité sociale sans payer de cotisation. Pas terrible quand même.

Journal : Volume 1 : octobre 1837- décembre 1840 de Henry-David Thoreau et Thierry Gillyboeuf

253 p. Finitude Editions

présentation détaillée par matthieu Lindon

Thoreau est le penseur du sublime de la nature en même temps que l'acteur de sa vie dépouillée. Il vise l'autosuffisance, la liberté absolue, veut disposer de soi et de son temps.

Il ne pense pas avec les livres, mais en mettant son corps en contact avec la nature: il s'allonge dans une barque et se laisse aller à la dérive du courant, il cherche les pointes de flèches des Indiens qui lui en apprennent plus que n'importe quelle bibliothèque, il s'allonge sur le lac gelé qu'il aime d'amour pour y surprendre la vie qui continue... Comment ne pas aimer un pareil rejeton de Diogène en plein siècle industriel?

un article de michel onfray

rotko a écrit:

Thoreau est le penseur du sublime de la nature en même temps que l'acteur de sa vie dépouillée. Il vise l'autosuffisance, la liberté absolue, veut disposer de soi et de son temps.
Il ne pense pas avec les livres, mais en mettant son corps en contact avec la nature: il s'allonge dans une barque et se laisse aller à la dérive du courant, il cherche les pointes de flèches des Indiens qui lui en apprennent plus que n'importe quelle bibliothèque, il s'allonge sur le lac gelé qu'il aime d'amour pour y surprendre la vie qui continue... Comment ne pas aimer un pareil rejeton de Diogène en plein siècle industriel?

un article de michel onfray

Encore une fois, je trouve que le gars Onfray n'est pas brillant. Car :

Mile a écrit:

L'emploi du terme "citoyen" en tête de phrase me semble disqualifier l'appréciation. Le citoyen a des droits mais aussi des devoirs. H. D. Thoreau refuse d'assumer les devoirs au nom de sa liberté mais ne se gène pas pour profiter des droits. En gros, il prétend bénéficier de la sécurité sociale sans payer de cotisation. Pas terrible quand même.

Je suis tout à fait d'accord. J'ai éprouvé de l'agacement en lisant Thoreau. On a fait de lui un chantre de la liberté absolue, mais sa "retraite" était située juste à côté de ses proches et il savait les solliciter si besoin. Une cabane au fond du jardin, en somme. Nous sommes loin de la démarche d'un Jon Krakauer, qui en est mort.

nouvelle édition de Walden, traduit par Brice Matthieussent,
préface de Jim Harrison, Le Mot et le reste, 370 p.

l’ermite de Walden dénonce tour à tour les préjugés de son époque, le monde de l’argent et des banques, les compromissions politiques ou les premiers ravages de la technologie dans un pays en passe de devenir le plus industrialisé de la planète. Mais, en contrepoint, ces pages radieuses sont surtout un éloge de la vie sauvage sur une terre encore vierge dont Thoreau ne cesse de déchiffrer «la grammaire mordorée», au bord d’un lac translucide qui ressemble à une fontaine de jouvence.

Elégie, confidence, révolte, extase, méditation à ciel ouvert, tout cela se brasse dans ce livre culte dont plusieurs générations d’écrivains se sont copieusement abreuvées. Jusqu’à Jim Harrison qui, dans sa préface, dit «avoir grandi dans une profonde admiration pour Thoreau, l’un des trois géants du XIXe siècle avec Whitman et Melville».

Citation :

«Je désirais vivre à fond, sucer toute la moelle de la vie, vivre avec tant de résolution spartiate que tout ce qui n’était pas la vie serait mis en déroute.»

source, le Temps.

malgré son côté un peu profiteur (!) j'aime Thoreau. Edward Abbey l'admire beaucoup et se réfère souvent à lui dans Désert solitaire

On trouve toujours des reproches mesquins à faire à ces penseurs qui remettent en cause l'ordre établi et les pensées admises. Ca ne va pas loin.

non, ça ne va pas loin... il lui était reproché de profiter de la sécurité sociale sans payer de cotisation. pfuit !