Calamity Jane

Lettres à sa fille

On connaît son surnom et l’image que Goscinny et Morris ont donné d’elle ; une femme au menton en galoche et au langage ordurier. Personnage de comédie, sympathique et caricatural.



En 1941, une certaine Jean McCormick, déclare être la fille de Martha Jane Cannary, celle que la légende a surnommée Calamity Jane. Entre 1877 et 1902, elle aurait écrit des lettres destinées à l’enfant qu’elle a eu de son mariage (elle tient à cette respectabilité) avec le célèbre marshal Wild Bill Hickock.



Solitaire par obligation, elle confie sa fille à une famille respectable, afin que la petite puisse recevoir l’éducation à laquelle elle avait droit. Pendant 25 ans, quasiment illettrée, elle écrira péniblement des lettres à sa fille aimée, qu’elle ne rencontrera que deux ou trois fois, sans jamais lui révéler le lien qui les unissait.

« Deadwood, territoire du Dakota, 25 septembre 77.
Ma Chérie, ceci n'est pas censé être un journal, et il se peut même que ça ne te parvienne jamais, mais j'aime penser à toi en train de le lire, page après page, un jour dans les années à venir, après que je serai partie. J'aimerais t'entendre rire en regardant ces photos de moi. Je suis seule dans ma cabane ce soir et fatiguée ».

Nous entrons directement dans la légende de l’Ouest.

On sait peu de chose sur Calamity. L’histoire a fait d’elle une héroïne puis une alcoolique dépravée.



Au cours de la lecture du recueil de lettres, on découvre une femme étonnante, rebelle à toute contrainte sociale, indépendante, solitaire, amoureuse, joueuse de poker, pourfendeuse de l’hypocrisie bien pensante, féministe avant l’heure, alcoolique, libre.

Elle a traversé tous les Etats-Unis à cheval, posé des rails de chemin de fer, servi d’éclaireuse à l’armée, établissant des relations amicales avec les Indiens, participé aux spectacles de Buffalo Bill, recueilli des enfants abandonnés, nourri les Dalton, assisté au carnage de Little Big Horn…

Ces lettres sont-elles bien d’elle ?
Rien ne le prouve, mais rien ne prouve le contraire non plus. Celle qui passait pour sa fille a été largement contestée par les historiens dont l’argument principal était que Calamity était analphabète. Argument contestable, dans le sens où son père était pasteur, et qu’elle avait déjà près de 15 ans quand celui-ci est mort. Elle a donc très bien pu apprendre à lire et écrire avec lui.
Le papier et l’encre utilisés ont été authentifiés comme datant bien de cette époque.

Peu importe cette polémique. Il faut garder en mémoire le fait qu’elle était femme dans un monde d’hommes ; la légende de l’Ouest a habillé de lumière certaines figures, glorifié certains actes refusant d’admettre les défaillances des « héros », tels Buffalo Bill, Jessie James ou Custer. (voir sur ce blog les dessins de Morris comparés à des photos d'époque)

Que pesait la vérité d’une femme libre dans cet univers ?

« Je suis malade et n'ai plus longtemps à vivre. J'emporte de nombreux secrets avec moi, Janey. Ce que je suis et ce que j'aurais pu être. Je ne suis pas aussi noire qu'on m'a dépeinte. »

Le texte publié chez Rivage (édition 2007 augmentée de quatre lettres et d’une préface très « hollywoodienne » de Jane McCormick) restitue les maladresses, les ellipses du récit.

On lit avec beaucoup d’émotion les mots simples qui cherchent à raconter une vie incroyable faite d’aventures, de bagarres, de chevauchées épuisantes, d’espoir.
C’est parfois véritablement naïf, parfois révoltant. Derrière les mots, le lecteur perçoit toutes les faiblesses et les incapacités de cette femme à trouver sa place.

Pour compléter la lecture du recueil, il existe une courte autobiographie de Calamity Jane, qui met en évidence le flou de certaines lettres (date, personnes rencontrées, lieux…).

Vient de sortir chez Futuropolis le premier volume d’une biographie dessinée et écrite par M Blanchin et C Perrissin. Matha Jane Cannary, les années 1852-1869.

Bernique,
voilà un beau sujet et un beau post qui permet un autre regard sur une figure qu'on croyait connue -et que moi tout cas, je croyais totalement imaginaire.

Je ne savais pas trop où placer cet ouvrage. Mais en quelque sorte Calamity Jane est une exploratrice; n'est-elle pas la première femme à avoir pénétré sur les terres sacrés des sioux, entre autres aventures?
Lettres à sa fille par Calamity Jane
Un peu moins de 130 pages qui regroupent les lettres que la légendaire Calamity Jane écrivit à sa fille, dont certaines encore inédites.
Née en 1852, de son vrai nom Martha Canary, cette femme a du apprendre très jeune à se débrouiller seule dans un monde d’hommes. Les éléments de sa biographie sont controversés et certains prétendent même ces lettres inventées. Quoiqu’il en soit celles-ci nuancent quelque peu les jugements intempestifs sur cette aventurière.
Sachant qu’elle ne pourrait pas élever décemment sa fille, elle la confie au capitaine O’Neil et à son épouse, ceux-ci s’occuperont d’elle et lui fourniront un foyer stable. Calamity Jane restera en contact avec eux et en recevra régulièrement des nouvelles et photos de son enfant. A une ou deux au moins occasions elle pourra rencontrer sa fille sans jamais cependant se faire connaître d’elle comme sa mère. Mais dans un ou deux carnets au long de ses pérégrinations elle lui écrit sans lui faire aucunement parvenir ses missives ; elle les confiera après sa mort pour qu’elle parvienne à son enfant.
Pratiquement illettrée elle regrette sa mauvaise écriture. Elle lui raconte les événements plus ou moins importants de sa vie, parfois de façon décousue. Elle lui parle de celui qu’elle dit être son père et qu’on ressent comme l’amour de sa vie. Elle décharge aussi sa colère ou son amertume contre les femmes de l’endroit qui colportent des mensonges sur elle et lui cherchent querelle, on la sent blessée mais aussi fière et vindicative. On a le portrait d’une femme libre, mais obligée de vivre en homme dans ce monde rude, de trouver de l’argent par divers expédients. Avec ses mots, en un discours spontané, elle semble vouloir confier à sa fille une partie de ce qu’elle est, par amour pour elle, pour combler son absence, pour que cette dernière ait une image moins négative de sa mère. Bien qu’elle en ait elle veut rétablir sa réputation. En filigrane on la sent seule.

Nymphéa a écrit:

Je ne savais pas trop où placer cet ouvrage. Mais en quelque sorte Calamity Jane est une exploratrice; n'est-elle pas la première femme à avoir pénétré sur les terres sacrés des sioux, entre autres aventures?
Lettres à sa fille par Calamity Jane.

Elle est ici

Rotko pourra peut-être déplacer ton post.

PS : Elle a été rebaptisée Calamity James dans l'index des auteurs américains.

tout a été rectifié par Nestor, merci

Très belle histoire que celle nous conte la supposée Calamity.
Un petit recueil rapidement lu, difficilement oublié, son indéfectible espoir en une vie meilleure pour sa fille au détriment de l'amour qu'elle lui portait.

Je suis fascinée par ce personnage, avec Butch Cassidy et Jesse James....
Ce récit est pour moi un pied-de-nez au féminisme extrémiste de notre époque. Voilà une femme qui s'est affranchie de ses peurs et de sa sensibilité et a fait le sacrifice de l'abandon... Tout cela dans un monde sauvage et originel, où on pouvait tuer en toute impunité . Elle a sublimée son sexe et sa condition en devenant, non pas masculine, mais honnête et vraie, sans se cacher derrière ses faiblesses.

Sujet à rapprocher de celui de Peter Dexter pour Deadwood, roman dans lequel il est longuement question de Calamity Jane et de son fol amour pour Wild Bill Hickock.
https://grain-de-sel.1fr1.net/litterature-americaine-f2/pete-dexter-t1121.htm