Youssef Chahine: Le chaos

Il sort en salles le 5 décembre.

L’intrigue est essentiellement une comédie sentimentale, celle d’un soupirant régulièrement éconduit. Mais ce grotesque, responsable de la police dans un quartier du Caire, relève du pouvoir : si bien que le harcèlement auquel il se livre fait peur.

Ce n’est pas un hasard si le film commence et s’achève sur des manifestations populaires : Chahine est subversif, et au hasard de l’intrigue, il dénonce la tyrannie, les scènes de tortures, l’arbitraire policier et ses pressions sur la justice, les manigances du parti islamiste.

Le jeu des acteurs répond à des attentes qui ne sont pas les nôtres, les caricatures sont lourdes, le comique aussi, mais on appréciera certains acteurs, la présence de femmes qui ne se laissent pas faire, et des mouvements de foule particulièrement bien réglés.

Etonnant de voir comment les cineastes s'adressent à leurs spectateurs pour les faire saliver !

Dans des films americains récents, on multiplie les liasses de billets verts, en veux-tu en voilà dans American Gangster.

Dans Chaos de Youssef Chahine, quelle abondance de mets savoureux ! que d'entrées, les cailles sont à profusion, les viandes en sauce ! que de desserts !

Citation :

Le Chaos est l’allégorie d’un Etat miné par la corruption. Un mal incarné par Hatem, policier véreux qui règne en maître absolu sur le quartier populaire de Choubra, au Caire, et de ses habitants. Exception faite de Nour, jeune femme moderne qu’il convoite et harcèle de ses assiduités.

Citation :

Quelques longueurs, des mièvreries qui font plutôt sourire, participent à un spectacle qui vaut largement le détour. Surtout pour la qualité du message que Le Chaos véhicule. Un vibrant appel à un renouveau de l’Egypte face à un péril clairement identifié.

Afrik.com

Ces réflexions me paraissent justes. Chahine insuffle dans un film très populaire une violence que les Egyptiens ressentent au quotidien.

En même temps ses images de trous de serrure et d'espionnage insistent sur la frustration sexuelle de la population, et notamment du policier qui se venge d'être éconduit en s'acharnant sur des prisonniers tenus au secret.

Le chaos

Mon avis :
Une projection dont on sort secoué, à la fois accablé par le climat d'opppression policière qui règne tout au long du film, mais aussi émerveillé à l'idée que Chahine, à bientôt 82 ans, livre là son oeuvre la plus révoltée, estimant sans doute, avec son co-réalisateur Khaled Youssef, que l'assujettissement du peuple égyptien aux vexations en tout genre, dont l'exemple est donné depuis le plus haut niveau de l'Etat, a atteint un stade proprement intolérable.

La grande force du film est de mettre en scène les relations entre riverains du quartier et les jeux de pouvoir qui s'y nouent (usage de la force, de la menace, de la séduction, appel à la compassion, etc.), mais aussi de ménager des passages de ces petites histoires à la grande Histoire, puisque les exactions de Hatem (dépositaire, à sa petite échelle, du pouvoir officiel) rappellent évidemment celles auxquelles se livrent les représentants suprêmes de l'ordre politique et économique. Le tout est servi par une direction d'acteurs - comme toujours chez Chahine - très sûre (avec notamment un Khaled Saleh, interprétant Hatem, littéralement habité par son rôle). Ce passage trouve son aboutissement concret dans la mise en scène d'un début de soulèvement populaire que le film annonce comme inévitable.

On ne peut toutefois s'empêcher de ressentir un malaise à la vision du film qui met en avant une brochette de personnages plus odieux les uns que les autres et une violence parfois insoutenable (scènes de torture des détenus ou description d'un viol dans ses aboutissants les plus crus) que rien ne vient contrebalancer, si ce n'est quelques rares échappées dans l'émotion (l'affection entre Nour et sa mère), le romantisme (l'histoire d'amour entre Chérif et Nour) ou l'esthétique (la sublime scène de tango entre un danseur de club - interprété par the Ahmad Yehia d'Alexandrie New York - et la fiancée de Cherif). L'effort louable d'expliquer, à défaut de justifier, la personnalité de Hatem est sapé par l'outrance du personnage, de même que la rébellion de Cherif, en procureur-la-vertu, jeune premier prompt à défendre les valeurs, est assez peu vraisemblable. Mais peut-être fallait-il une telle outrance pour que ce cri de colère soit entendu...

Le réalisateur youssef Chahine ne tournera plus.
Auteur du "Sixième jour" et du "Destin"il dénonçait les dérives autoritaires du régime égyptien comme dans Chaos comme le fanatisme islamiste.

Sa filmograhie est abondante et variée

Spoiler:

Il s'était essayé à tous les genres, de la fresque historique à la comédie musicale,
Il avait reçu en 1997 le prix du Cinquantième anniversaire du Festival de Cannes pour l'ensemble de son oeuvre,

j'espère que la télévision va passer un de ses films.

Si vous en entendez parler, faites signe.

rotko a écrit:

j'espère que la télévision va passer un de ses films.
Si vous en entendez parler, faites signe.

pour la télé, je ne sais pas, mais le Reflets Médicis à Paris et le cinéma Opéra à Lyon repassent certains de ses films.

Je viens de voir silence, on tourne le dernier film de Youssef Chahine.

C'est une comedie musicale à grand spectacle, avec parfois de l'humour au 2e degré.

Mais les situations excessives et le surjeu constant des acteurs plombent le film.

silence, on tourne

J'oubliais de mentionner une voix. Celle de Latifa. Star de la chanson au Moyen-Orient.

La Tunisienne installée au Caire y interprète avec brio les musiques écrites par le réalisateur égyptien lui-même.

Pour le reste, le film fait penser à Bollywood qui réussit mieux, me semble-t-il, ses épisodes choregraphiques.