David Lodge [Angleterre]

David Lodge, L'homme qui ne voulait plus se lever, Rivages poche. ISBN 2 7436 0194 X

"Fragments issus de l'établi du romancier", les 6 nouvelles de ce petit ouvrage sont "d'été" ou "d'hiver".

Eclate-t-on de rire, comme le prétend la page 4 de couverture ? pas vraiment, mais on sourit sans se forcer car au fond on aime bien celui qui raconte.

"Sous un soleil maussade" présente deux couples d'étudiants bien sages, qui sous le soleil d'Ibizza, sentent les grignoter la morsure du désir que leur éducation, un mélange de puritanisme, d'inexpérience, et de crainte, refoule ou à tout le moins diffère...

Gentiment coquine, "l'hôtel des paires et de l'impair", joue sur le trouble de l'écrivain devant les seins dévoilés par les habituées de la piscine, plus soucieuses de bronzette que de natation.

La nouvelle-titre "l'homme qui ne voulait pas se lever" nous renvoie au dégoût de la vie, mais aussi au plaisir pervers de dire un jour "NON !" à l'activité, qu'elle soit domestique, familiale ou professionnelle. Mais n'est-ce pas la crainte de l'engrenage qui nous retient de franchir le pas ?

air connu :

Citation :

qu'il serait doux de ne plus rien faire et de voir les autres s'agiter

:-).

Il y a du Lucrèce la-dessous...

C'est un texte très court de Lodge, donc frustrant même si savoureux. J'ai tout lu de lui sauf le dernier, L'Auteur, l'auteur. Pas tentée, sais pas pourquoi. Il m'a souvent fait beaucoup rire, particulièrement avec Thérapie et Un tout petit monde. Une vision hilarante du monde des quadragénaires, des universitaires, d'une classe d'"intellos" anglais, souvent catholiques et en proie à des angoisses existentielles que seul l'auteur ne prend pas vraiment au sérieux !

Celui que je prefère, une oeuvre d ejeunesse que lodge a retrouvée dans un tiroir et retravaillé : Hors de l'abri de David Lodge chez Rivages ;
Ce petit roman, je le recommande sans réserves ! il débute sous les bombardements allemands sur l'Angleterre. Le jeune garçon de l'histoire y vit ses premières émotions et ses premiers émois. Puis il suit sa grande soeur dans l' Allemagne vaincue, avec les troupes américaines. Quelle différence d'atmosphère ! et que de choses à découvrir ! on est ému, on rit, on s'interroge. Voila du très bon Lodge .

un petit passage croquignolet de jeux de maux

Citation :

"En novembre 1952, quand the Mousetrap ouvrit dans West End, il fut autorisé à poser une main sur le corsage [d'Angela] à l'endroit de sa poitrine. En 1953, l'année du couronnement, alors que Hilary et Tenzing escaladaient victorieusement l'Everest, Dennis parvint à persuader Angela, quand elle était assise sur ses genoux, de se laisser caresser la jambe, aussi haut que la limite de ses bas. En 1954 [...] Roger Mile courut le mile en quatre minutes. Dans le même temps, Dennis eut le droit de glisser sa main à l'interieur du corsage d'Angela et de la poser sur un des bonnets du soutien-gorge. Puis il y eut un revers. Un jour Angela sortit en pleurant du confessionnal du curé d ela paroisse..."

Violet, au confessionnal, se lance dans des expériences dignes de "que choisir" !! :

Citation :

"Elle confessa les mêmes fautes à différents prêtres et put ainsi comparer les pénitences qu'on lui donnait."

[A suivre]

VUE D'ENSEMBLE David Lodge, Jeux de maux.

On suit les itinéraires universitaires et amoureux de huit étudiants catholiques.

Malgré les extraits cités au début de ma lecture, le livre de David Lodge n'est pas "exactement un roman comique" (p 124). On y suit l'évolution des pratiques sexuelles de nos couples catholiques, en parallèle avec l'évolution des pratiques cultuelles et des revendications des catholiques libéraux.

Le ton allègre et les épisodes cocasses ne manquent certes pas, mais la notion de "péché" inculquée par L'Eglise est trop grave aux yeux de David Lodge pour qu'on n'ait pas pitié des malheurs des personnages.

Pudibonderie, intolérance, hostilité contre la contraception masquée par la célèbre méthode des temperatures, la responsabilité de l'Eglise officielle est lourde. L'auteur précise p 139 que les personnages de ce roman représentent des personnages de la vie réelle.

Pour qui souhaite une lecture divertissante, je conseillerais donc de lire les trois premières parties, environ 125 pages. Moi qui suis curieux des comportements catholiques, j'ai lu avec intérêt ce livre souvent drôle, généralement bien mené, peut-être un peu longuet sur la fin.
Certes tous les catholiques de cette époque n'ont pas été aussi "coincés", voire victimes d états dépressifs,- ou de troubles psychiatriques !, mais on reste songeur devant des doctrines religieuses - le catholicisme n'est pas seul en cause, qui font du mépris de la chair un solide pilier de leur fondement moral.

David Lodge, Pensées secrètes, Rivages.

La libido sur le vif.

Ralph Messenger s'occupe à l'université de Gloucester de l'intelligence artificielle, et son laboratoire conçoit des robots sophistiqués auxquels il rêve de donner des capacités quasi humaines. Il fait la connaissance d'Helen Reed, écrivain chargée d'animer pendant un an un séminaire de création littéraire.

Tous deux ont en commun le souci d'approcher la "conscience" humaine, avec ce qu'elle comporte d'initiatives, d'émotions, ou de sentiments.

Ralph capte sur un dictaphone à reconnaissance vocale ses pensées immédiates, tandis qu'Helen consigne dans un journal de bord ses pensées du jour. A quoi peut penser un séducteur invétéré comme Ralph ?
On sait dès le départ que Ralph veut séduire Helen, jeune veuve appétissante, et si le récit est agréablement conduit, l'entreprise n'offre guère de surprise. Disons qu'on préfère nettement les scènes de stratégie amoureuse aux développements abstraits sur la robotique et la nature des émotions.

David Lodge, Pensées secrètes

Toutefois trois faits relancent l'intérêt : des révélations sur Martin, le mari défunt d'Helen, des soucis de santé pour Ralph, et d'éventuels scandales au laboratoire d'intelligence artificielle.

Heureusement, car les préoccupations sexuelles tant des éléves que de leurs encadrants frisaient l'overdose.

David Lodge mène l'intrigue à trois fils : les monologues intérieurs respectifs de Ralph et d'Helen encadrent le récit "objectif" du narrateur omniscient. Se reférer à Virginia Woolf n'était pas vraiment nécessaire.
Ce n'est pas le meilleur Lodge mais ça se lit agréablement.

Je l'ai lu cet été. Très léger en effet, nullement indispensable.

Shlass a dit:

Citation :

Je l'ai lu cet été. Très léger en effet, nullement indispensable.

Rotko a dit:

Citation :

Disons qu'on préfère nettement les scènes de stratégie amoureuse aux développements abstraits sur la robotique et la nature des émotions.

Je suis assez d'accord avec cous mais les points qui sont faits rapidemment sur les sciences cognitives quoique un peu lourds dans le roman demeurent intéressants car ils correpondent ou correspondaient à des travaux en cours.

Ralph Messenger est ce pendant comique quand il va manger clandestinement du boeuf à Londres, nourriture interdite pour des raisons de santé et en raisons de la vache folle... soupçonné d'adultère par son épouse alors qu'il mange des steaks...

C'est léger mais moins aride que la chute du British Museum, il vrai que je l'ai lu en anglais, des nuances ont dû m'échapper.

pensées secrètes aura été le premier lodge que j'ai lu mais pas le dernier, j'ai apprécié la technique de l'auteur pour mener son lecteur jusqu'à la dernière page, sans ennui.

Citation :

pensées secrètes aura été le premier lodge que j'ai lu mais pas le dernier, j'ai apprécié la technique de l'auteur pour mener son lecteur jusqu'à la dernière page, sans ennui.

Eh bien dans ce cas je ne peux que te conseiller "Un tout petit monde", qui se déroule également dans les milieux universitaires mais relève davantage de la satire.

ça risque de me plaire ! merci !

je n'ai pas trouvé non plus que Pensées secrètes était d'anthologie (je crois même me souvenir que je n'ai pas fini le bouquin )mais j'ai jusqu'alors beaucoup apprécié David Lodge, ses romans, je n'ai pas lu ses essais sur les techniques d'écriture.
Le dernier de ma liste est "l'auteur, l'auteur", une biographie sur Henry James, écrivain de romans qui s'essaie au théâtre. Ses pièces sont accueillies assez froidement et son égo, son inspiration, sa côte en prennent un coup. C'est un livre très bien écrit, instructif et plaisant , moins original que ses premiers romans mais une pointure reste une pointure

La chute du British museum rejoint les préoccupations de Jeux de maux
Adam Appleby, 25 ans,étudiant-chercheur préparant sa thèse est marié, catholique respectueux des commandements de l'Eglise, doté d'un appétit sexuel normal , donc déja père de 3 enfants .

Ce matin là, en se réveillant, il de demande comment il arrivera à subvenir aux besoins de sa famille l'an prochain si il n'a pas de poste....

D'autant que Barbara,sa femme, craint d'être enceinte à nouveau :

Citation :

"Les mots de Barbara s'alignèrent soudain et avec fracas :"Peut être que tu fais autre chose en dormant."
Etait ce possible, se demanda-t-il, et tu ne t'en souviendrais pas ? Ce serait l'ironie suprême que de concevoir un autre enfant et de ne même pas être assez conscient pour y prendre plaisir. "

Bien entendu, ses compatriotes non catholiques ne comprennent pas :

Citation :

"Elle (la propriétaire), avait pris Barbara à part et lui avait laissé entendre qu'il existait des Choses qu'On Pouvait Utiliser, et qu'elle avait entendu courir le bruit qu'il existait des Cliniques où l'on vous donnait ces Choses-là"

La propriétaire étant persuadée qu'Adam est doté d'un"irrépressible appétit sexuel" , dont Barbara est"la victime innocente"

"

Citation :

Par la suite Adam avait dû supporter que sa propriétaire le jaugeât du regard, ce ce regard mi-fasciné, mi-craintif que l'on réserve d'habitude aux taureaux primés aux concours agricoles"

Nous suivrons Adam tout au long de la journée.Il croisera des personnages hauts en couleurs, des situations épiques, tout en continuant à se tourmenter.

Lodge a utilisé le modèle d'Ulysse de Joyce: une seule journée, des styles différents, et même le monologue intérieur de l'épouse, à la fin du livre.

Pour les styles différents, les lecteurs anglophones sont plus à même que moi pour juger .Lodge cite Golding, Woolf, Lawrence ,Conrad, Greene, Snow...

J'avais lu ce livre il y a une douzaine d'années, et en avais gardé un bon souvenir. Je n'ai pas été déçue, Lodge est toujours aussi mordant..

J'ai fini Thérapie.
J'ai beaucoup aimé ce livre, il est écrit sous la forme d'un journal intime dont l'auteur a mal au genou entre autres. Le ton est assez humoristique, léger et je trouve le personnage principal, attachant. Lawrence Passmore raconte ses mésaventures, mais sans jamais se plaindre dans le genre "bouh, pauvre de moi, je veux mourir".

David Lodge est plaisant à lire, sauf son dernier livre "la vie en sourdine" qui m'a semblé décevant, beaucoup moins drôle que les autres, probablement trop autobiographique. Il lui manque la distance et la transformation du travail de fiction.
Pour les autres livres, j'ai passé de bons moments en sa compagnie.

Perso, je n'ai lu de lui qu' "un tout petit monde", et " La chute du british museum".
Le premier: génial ! Pour qui a fréquenté le monde universitaire, il sera pas déçu ! Et les autres non plus !

En revanche, j'ai moins aimé le second, qui se veut, je crois, à certains moments dans le style, un pastiche de grands auteurs anglophones.
A partir de là, j'imagine qu'on doit apprécier en V.O, et bien sur en connaissant bien ses classiques.

Je me suis procuré "Hors de l'abri",et j'ai toujours pas réussi à m'y mettre, refroidi par la chute du museum.
Apparemment Rotko le recommande, j'vais donc le mettre dans la liste de mes prochaines lectures.

Sinon, ces trois là étant cités, lesquels conseilleriez-vous ?

De jonathan Coe, j'ai lu "la Maison du sommeil".
Et passablement déçu.

Je crois que ceux que j'ai préférés étaient thérapie et changement de décor, dans l'ordre!
J'ai bien aimé hors de l'abri également, mais dans mes souvenirs c'était un roman un peu différent de son style habituel. mais lu il y a quelques années déjà.....

Faraday a écrit:

Perso, je n'ai lu de lui qu' "un tout petit monde", et " La chute du british museum".
Le premier: génial ! Pour qui a fréquenté le monde universitaire, il sera pas déçu ! Et les autres non plus !

En revanche, j'ai moins aimé le second, qui se veut, je crois, à certains moments dans le style, un pastiche de grands auteurs anglophones.
A partir de là, j'imagine qu'on doit apprécier en V.O, et bien sur en connaissant bien ses classiques.

Je rejoins ton opinion, sinon que, même en VO, il est difficile d'apprécier les pastiches, s'agissant souvent d'auteurs oubliés voire inconnus. Lodge en a lui-même pris acte dans une préface rédigée quelques années plus tard.

Les embarras du narrateur sont difficiles à apprécier pour une personne de ma génération. Très daté. Bref, un Lodge mineur, plutôt un exercice d'écrivain qui fait ses gammes.

Un tout petit monde est bien plus ambitieux et réussi, et conserve son intérêt (publié en 84). Bien qu'assez long, on ne s'y ennuie pas une seconde, et la satire des milieux universitaires, leurs modes, leurs rivalités, leurs petits arrangements, est brillante et savoureuse. Ceci dit la plupart des personnages secondaires sont stéréotypés : le Japonais vivant dans un cagibi et son sérieux imperturbable; l'Allemand au volant de sa grosse BMW; l'Italienne élégantissime, marxiste, libertine et pétrie de contradictions; l'Américain pragmatique et entiché de tendances, etc.

Ceci me fait douter qu'il lui soit possible de verser dans un registre autre que la satire, de construire des personnages réellement complexes et de susciter de l'émotion auprès des lecteurs. Je vérifierai en lisant une de ses oeuvres plus récentes.

J'ai bien aimé "La vie en sourdine" (lu assez récemment en anglais) mais pas trop Thérapie (lu il y a longtemps en français). Dans "la vie en sourdine", la façon dont il racontait ses déboires en comprenant ce qu'on lui disait de travers lors des cocktails m'avait bien fait rire

Je viens de terminer en anglais Changing places (changement de décor en français.)

Un professeur d'université de Rummidge, une ville du centre de l’Angleterre, se voit proposer un échange avec un professeur d'une prestigieuse université américaine.

Il accepte l'aventure qui lui rappelle sa lune de miel avec sa femme Hilary, et trouve là un prétexte pour échapper à une vie de famille et une vie professionnelles monotones et sans passion.
De l'autre côté de l'Océan, Morris zapp, sommé par sa femme de vider les lieux pendant 6 mois pour réfléchir à sa demande de divorce, voit là l'opportunité de répondre à l'ultimatum de sa femme, sans perdre la face vis à vis de son entourage.

Le changement de décor va entraîner des changements dans leur attitude face à la vie, sur fond de révolution hippie et de libération des mœurs.

J'avais déjà lu le livre en français (plusieurs fois!) la lecture en anglais en a donc été facilitée. C'est un livre de détente, type livre de vacances, qui mérite d'être lu pour son humour et ses rebondissements.

La VO n'apporte rien, à mon avis de plus que la traduction, mais pour des personnes ayant un niveau moyen en anglais, c'est une lecture assez aisée, le style étant proche de la langue parlée.

Je suis étonnée que le fil David Lodge soit si restreint !
Etant une inconditionnelle de cet auteur , je compte bien lui faire honneur.
Lodge reste l'auteur contemporain le plus clairvoyant pour décrire l"hypocrisie d'une amérique puritaine , le tout avec un cynisme inégalable !