la fin du roman fiction ?

il faut arrêter de "raconter des histoires", dit en substance Philippe Forest

Il n'y a aucune raison de limiter le roman au domaine des petites histoires inventées dont se moquaient déjà si justement les surréalistes. C'est du «roman-roman» comme disait Cendrars. Et même si le genre a encore ses amateurs, cela fait longtemps qu'il est en coma dépassé. Sur le mode mineur (les réussites très relatives de l'actualité récente) ou majeur (certaines des grandes œuvres aujourd'hui en cours), les romans les plus intéressants témoignent d'une même méfiance à l'égard des vieilles formules avec lesquelles, sous couvert d'imagination, l'auteur refourgue au lecteur de façon très peu imaginative les mêmes intrigues stéréotypées avec des personnages de papier-mâché dans des décors en trompe l’œil.

la solution ? chercher et rechercher le VRAI.

S'il faut donner une définition du roman, pour ma part je m'en tiendrai à celle que j'ai déjà donnée dans «Le Roman, le Réel et autres essais» et qui me semble correspondre aux livres que j'ai faits qui sont tous fondés sur l'expérience personnelle, comme dans «L'Enfant éternel», «Le Nouvel Amour», même quand ils entreprennent d'élargir cette expérience du côté de l'expérience collective et de la grande histoire dans «Sarinagara» et «Le Siècle des nuages»: le roman doit répondre à l'appel de l'impossible réel, c'est-à-dire rendre compte de cette part d'impossible (le désir, le deuil) qui définit l'expérience humaine et que, sous la forme d'un récit qui consent à la fiction sans renoncer au vrai, il est seul à pouvoir dire.»

Tout l'article.

Pierre Jourde répond à l'article que tu cites, sur son blog

http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/12/06/pour-le-roman-d-imagination.html

Les deux articles sont très intéressants mais je crois que Jourde a raison quand il reproche gentiment à Forest un avis trop tranché.

Pour ma part, je suis persuadée que le champ offert à la littérature romanesque est sans limites. Nombre d'auteurs ont montré que fiction et autobiographie peuvent d'ailleurs se mêler intimement à des degrés divers. Par ailleurs, j'ai souvent été frappée par le fait que la plupart des auteurs-débutants commencent presque naïvement par se raconter, soit parce qu'ils croient que c'est plus facile que d'inventer (quelle erreur !), soit parce qu'ils s'imaginent avoir vécu des événements exceptionnels qui vont passionner les lecteurs.
Quoi qu'il en soit, je pense également que tout écrivain, consciemment ou non, met une part de lui-même dans chacun de ses personnages, dans chaque lieu décrit ou évoqué, y compris quand il invente ou n'a jamais mis les pieds dans l'endroit en question. De façon symétrique, le lecteur met aussi beaucoup de lui-même dans les personnages qu'il rencontre au fil des pages d'un roman.
Je m'égare peut-être mais ma conviction reste qu'on ne peut pas définir le roman idéal, et c'est heureux. S'il y avait une recette , cela se saurait et les écrivains de talent n'en ont jamais eu besoin !

nicyrle a écrit:

,Quoi qu'il en soit, je pense également que tout écrivain, consciemment ou non, met une part de lui-même dans chacun de ses personnages, dans chaque lieu décrit ou évoqué,

De façon symétrique, le lecteur met aussi beaucoup de lui-même dans les personnages qu'il rencontre au fil des pages d'un roman.

La lecture, c'est justement cette rencontre unique entre deux êtres uniques... ni l'un ni l'autre n'a accès à la façon qu'a l'auteur c.q. le lecteur, d'appréhender le monde, qui est pourtant déterminante du regard que l'on porte sur tout ce qui nous entoure. L'écriture est sans doute une façon de mettre en évidence ce regard. La lecture est un intérêt porté à l'univers de ce tiers qu'est l'auteur, qui comme tout artiste, accepte que "l'autre" accède à son univers, sans toutefois lui permettre de s'y introduire, ni d'en faire partie.

Amarande a écrit:

nicyrle a écrit:

,Quoi qu'il en soit, je pense également que tout écrivain, consciemment ou non, met une part de lui-même dans chacun de ses personnages, dans chaque lieu décrit ou évoqué,

De façon symétrique, le lecteur met aussi beaucoup de lui-même dans les personnages qu'il rencontre au fil des pages d'un roman.

La lecture, c'est justement cette rencontre unique entre deux êtres uniques... ni l'un ni l'autre n'a accès à la façon qu'a l'auteur c.q. le lecteur, d'appréhender le monde, qui est pourtant déterminante du regard que l'on porte sur tout ce qui nous entoure. L'écriture est sans doute une façon de mettre en évidence ce regard. La lecture est un intérêt porté à l'univers de ce tiers qu'est l'auteur, qui comme tout artiste, accepte que "l'autre" accède à son univers, sans toutefois lui permettre de s'y introduire, ni d'en faire partie.

J'aime bien ce que tu dis, Amarande, en particulier l'expession "rencontre unique entre deux êtres uniques" ; il me semble pourtant que l'oeuvre achevée échappe à son auteur et commence une vie nouvelle dans la tête de ses lecteurs avec, parfois, des visions ou interprétations qui peuvent surprendre l'écrivain lui-même. Evidemment, je ne prends pas en compte les contresens qui peuvent également surgir

nicyrle a écrit:

l'oeuvre achevée échappe à son auteur et commence une vie nouvelle dans la tête de ses lecteurs avec, parfois, des visions ou interprétations qui peuvent surprendre l'écrivain lui-même. Evidemment, je ne prends pas en compte les contresens qui peuvent également surgir

oui, moi aussi j'aime bien ce que tu dis, en particulier sur les contresens, dont les adeptes d'une liberté totale du lecteur se gardent bien de parler.

Vous faîtes allusion surtout me semble-t-il de la littérature blanche, mais où la fiction semble épuisée, c'est me semble-t-il principalement dans les polars et la SF.

j'ai déja dit ne plus goûter les histoires de tableaux à secret, de souterrains et d'univers moyen-ageux avec des moines esotériques ou lubriques, tout dépend de leur champ d'activité, les histoires de serial killers noctambules et les pedophiles à caves ne me tentent pas du tout.

Inversement les récits de deuil d'un enfant deviennent une monnaie courante. Fourest a été maladroit en renvoyant à ses propres livres.

J'aime bien qu'il y ait une histoire, dans un cadre différent de l'hexagone, ce qui ne nous éloigne pas de l'humanité, mais semble moins rebattu que le roman linéaire des peines de coeur ou des partenaires intermittents.