Anna Moï [Vietnam]

Anna Moï, Violon, Flammarion.

Souvenirs en vrac.

Difficile de n’être pas déconcerté par le récit de la narratrice : peu douée pour communiquer, - autiste, elle a en revanche l’oreille absolue, c’est pourquoi elle devient luthière. De son enfance elle garde des souvenirs en vrac, mêlant les époques et les personnages, tentant d’articuler tous ces mots qui lui résistent et tous les faits qu’elle ne comprend pas.

A la fin du roman, même si j’ai lu avec plaisir quelques pages - on écoute jusque dans ses détours une voix qui s‘interroge sur les mots, l’histoire reste en bribes comme avec un violon qui ne saurait pas chanter.

Au jeu des phobies, Adèle continue :

- Es-tu phasmophobe ?
- Non, je n’ai pas peur des fantômes.
- Es-tu leucosélophobe ?
- Oui, j’ai de la feuille blanche.

La Psychodcteure me découvre une syllabophobie.

Adèle dit. Moi je suis alektorophobe. Elle a peur des
poulets.
Des poulet noirs. Alektonérophobe.
Du sang de poulets noirs. Alektonérohémophobe.

Anna Moï est une enfant de la guerre. Son histoire commence à Saïgon (aujourd’hui Ho Chi Minh ville) en 1955 ; elle se prénomme encore Thiên-Nga, qui signifie “ Cygne céleste ”.

Après l’indépendance du Vietnam, en 1954, ses parents avaient émigré vers le Sud. Thiên-Nga, dès la maternelle, est scolarisée en français. Après avoir longtemps vécu à Paris, à Tokyo et à Bangkok, elle retourne vivre au Vietnam en 1992. Un journal francophone local lui commande quelques récits qui, bientôt, deviennent une rubrique régulière.

Rassemblées en 2001 en un recueil, ces chroniques constituent "L’Echo des rizières", le premier livre d’Anna Moï, directement écrit en français.

Après deux romans (1) inspirés par des épisodes sombres de l’histoire du Vietnam, Anna Moï renoue, dans "Violon" - un roman situé dans le Cotentin - avec la veine (en apparence) légère de ses premiers récits. ; elle partage sa vie entre Saïgon et Paris.[ source : étonnants voyageurs]

(1) je précise Riz noir et Rapaces chez Gallimard.

A écouter à la Ducherais la romancière parler de son livre, je me décerne tout de suite une mauvaise note !

Cette manie de jouer sur les mots est de la part de la narratrice une reflexion sur la langue, née de son expérience personnelle. Née à Saïgon, Anna Moï a frequenté en Thailande un lycée français où elle a appris l'anglais et l'allemand, elle a ensuite vécu au Japon et parle donc le japonais, mais elle a choisi d'écrire en français exclusivement.

Le violon l'interesse parce que son fils joue du violon et que toutes les questions musicales dans le livre correspondaient à des intérêts personnels.

Enfin ce livre est un récit initiatique, parsemé d'indices sur le drame qui sera révélé à la toute fin du roman. Il y a en même temps une reflexion sur la creation artistique, puisque la luthière finit par créer son propre violon.

J'ai donc appris beaucoup sur la genèse de ce roman, sur les rapports entre les personnages, à tel point que j'avais envie de le lire (oubliant que je l'avais lu !).

je file tout de suite au piquet.

J'ai lu le début du riz noir chez Gallimard.

L'auteur raconte l'histoire de deux soeurs, arrêtées, enfermées dans le "cages à tigres" de Poulo condor.


En 1968, la guerre du Vietnam bascule. La violence parvient à son paroxysme lors de l'offensive du Têt : Saigon est à feu et à sang.Au-delà de certains faits réels, Anna Moï donne à voir et à sentir le Vietnam de son enfance.
 À travers la mémoire des personnages, jusque dans les cages à tigres de Poulo Condor, les paysages du Vietnam restent vivaces. Odeurs, rites et secrets, couleurs : noir de la soie laquée et des ténèbres de la prison, blanc du riz et de la chaux, jaune de la carambole et des robes de bonzes, rouge des papiers démonifuges ou du sang menstruel...Riz noir est aussi le livre sur la perte de l'innocence, et un hymne aux femmes vietnamiennes, filles de dragon selon la tradition, filles d'eau et de feu, fragiles et invincibles

POULO CONDOR

Le bagne a été créé sous la colonisation française vers 1862, après le traité de Saïgon et est resté en activité jusqu’en 1975^]. Certains prisonniers y étaient enfermés dans des « cages à tigre », ce qui les a rendu paraplégiques, ayant perdu l'usage des membres inférieurs après des années en position accroupie, sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes.
De nombreux opposant à la colonisation y furent emprisonnés, et notamment des membres du Việt Minh.
des photos et un article : les cages à tigres

la première partie de Riz noir décrit l'arrivée et les interrogatoires à Poulo Condor.

Une écriture sobre qui rapporte des atrocités courantes : les "interrogateurs" peuvent être des étudiants en médecine. Le plus "technicien" est celui qui, par expériences et analyses, sait reconnaître le moment où "l'interrogé" est le plus susceptible de craquer, de donner des noms, de faire des révélations.

Au final un livre intéressant, mesuré et même étrangement "pacifié" vu les exactions monstrueuses qu'il raconte. On a des aperçus de la vie vietnamienne civile pendant la guerre, avec des points de repères que nous avons connus seulement par des photos qui ont fait le tour du monde : my lay, une exécution en direct etc.



Les vingt-deux mois à Poulo Condor, dont dix-huit dans les cages à tigres, sont racontés par des sortes d'instantanés faits par les protagonistes, jeunes filles encore mineures dont l'adolescence est brisée par la guerre.



Le rappel des différents épandages d'herbicides et défoliants par l'armée américaine resitue aussi la guerre dans un contexte "humain", si on peut dire.

Synopsis du livre PARFUM DE PAGODE






J'espère que pas mal de grains seront intéressés par ces nouvelles qui nous promettent de belles découvertes

Certaines nouvelles reprennent des épisodes de riz noir. En avant-goût, je propose une nouvelle de 6 pages, donc très courte, et qui, me semble-t-il, aurait été mise en voix par Ysandre.

cette nouvelle s'appelle Jaraï, et je l'envoie contre courriel. Pour la version sonore, voir Ysandre.

tu ne m'as pas encore dit ce que tu pensais de ma version sonore ?

Suis débordé et je veux pas déguster à la sauvette. Je t'en parlerai, mais je sais déjà que tu es en pleine possession de tes moyens et en progrès constant.

je comprends, ton Excellence, et je patiente dans mon coin ! 
je ne peux que constater que tenir un forum est un travail à plein temps ! elles étaient bonnes tes sardines ????
dis toi quand même que nous, les addicts à GDS*, sommes admiratifs pour tout ce que tu fais. 

Rotko
Oui, il te semble... je termine les enregistrements aujourd'hui, Dara et Arundathi me les ont demandé, alors....
et Amadak qui va être obligée de s'armer d'un bâton de chocolat pour lire "la mort du chien Jaraï" !!!

Dis ma p'tite YSANDRE, cela m'intéresse aussi!  

Peux-tu m'expliquer comment atteindre tes enregistrements? Je n'ai jamais fait cela sur le forum     

tu me donnes ton adresse e mail par MP, et je t'envoie ça, tu n'auras qu'à les ouvrir comme n'importe quelle pièce jointe.
ah oui ! n'oublie pas de mettre le son ! 
à tout de suite sur la messagerie GDS*

j'aime beaucoup le regard que porte Anna Moï sur les choses, sur les gens, la nature. Mais pourquoi n'écrit elle pas des romans ? c'est si court, une nouvelle.
Un livre, on l'a plus longtems, on se familiarise avec l'auteur, on le touche presque du bout du coeur, on s'en fait presque un ami......

J'ai lu la nouvelle intitulée JARAI extraite de son livre PARFUM DE PAGODE

Elle nous conte ici une légende du peuple Jaraï, ethnie qui habite les hauts plateaux du Vietnam.
Les Jaraï sont animistes et croient aux démons qui peuplent l'univers.
Elle s'insurge contre les pilleurs de totems qui les revendent aux antiquaires. C'est comme vendre l'âme d'un peuple.

Ecriture chantante, douce où éclate la colère envers ceux qui s'en prennent à leurs valeurs.
Beaucoup de respect pour les croyances de ce peuple qu'elle aime

Parfum de pagode

Il est évidemment très difficile de résumer un tel recueil, si intimiste et personnel. Je m'arrêterai donc sur une nouvelle qui m'a particulièrement touchée : "Le fusil et le violoncelle". L'histoire des deux frères K., violoncellistes tous deux, qui ont fait le choix de la musique dans ces circonstances bien particulières.
De 1978 à 1991, le Vietnam et le Cambodge sont en guerre. Les jeunes gens sont appelés à servir leur pays. "L'exemption militaire est accordée exclusivement à deux catégories d'appelés : les étudiants de la faculté de médecine - car le Viêt-Nam a besoin de médecins -, ou ceux du conservatoire de musique, car le Viêt-nam a besoin de musiciens". Entre le fusil et le violoncelle, le choix ne repose donc pas sur d'éventuels dons artistiques mais sur un critère plus essentiel : sauver sa peau. Et s'il faut payer pour intégrer le conservatoire, qu'importe : c'est le prix de la vie. En quelques pages à peine, toute la fragilité d'un destin est ainsi esquissée, posant du même coup la question essentielle du bien et du mal. Et la musicienne qu'est aussi Anna Moï supplante l'écrivain  pour conclure : "Ils n'éprouvent pas de haine à l'égard de ceux qui n'ont pas eu à choisir entre la guerre et la musique. Il n'y a pas lieu, d'ailleurs. L'injustice n'est pas là. Elle est dans le fait que nous ne sommes pas tous des musiciens".

J'ai repris ici le résumé d'une amie qui est bénévole dans l'association ANGHOR- BELGIQUE
C'est également la nouvelle qui m'a le plus touchée de part son thème et sa vérité historique.
Merci Sylvie