formation de l'identité culturelle..

INTRODUCTION

On peut noter que l’étude scientifique des phénomènes socioculturels découlant des migrations étrangères vers l’Europe s’est jusqu’à présent peu intéressée à un aspect spécifique des réalités de l’après migration, aspect pourtant situé au centre de la vie quotidienne immigrée et placé à l’avant-plan des manifestations populaires et publiques se revendiquant ‘interculturelles’ : l’alimentaire.
Ce domaine de recherche renvoie à des pratiques et des perceptions multiples autour de l’alimentation et du repas en tant qu’éléments patrimoniaux faisant l’objet de transmissions familiales. Ces pratiques et perceptions semblent riches en enseignement lorsqu’elles sont soumises à une certaine objectivation et à une mise en contexte. En effet, le champ alimentaire nous informe non seulement sur les liens internes et externes développés au sein d’une communauté issue de l’immigration, mais également sur le processus complexe de construction d’une identité culturelle.

La notion de communauté :
[…] trouve le principe de son existence dans l’histoire. Cette prévalence du rapport au temps s’exprime à travers la primauté de la consanguinité (la naissance détermine l’appartenance à la communauté), la souveraineté de la coutume […]

Notre intérêt pour ce type de problématique repose sur des motivations diverses. D’abord, une certaine curiosité à l’égard du vécu et du ressenti des personnes dénommées « immigrées », terme revêtant bien souvent une connotation péjorative, avec la sensation parallèle que, confronté à notre propre système culturel (occidental et judéo-chrétien), ce ressenti pouvait constituer un miroir réfléchissant une certaine psyché de nos conduites et éveiller une réflexion sur notre façon d'exister.
A nos yeux, l’Autre est en Soi et nos questions sur nous-mêmes trouvent leurs réponses en l’Autre. La connaissance de l’Autre et de ses univers culturels devrait donc davantage être prise en compte, en tant que véritable ressource de questionnements et non comme un sujet de différentiation et d’affrontement continuels. Ainsi, la mondialisation culturelle contemporaine constitue un outil

fabuleux nous ouvrant aux différentes cultures, mais nous limite la plupart du temps à un contact factice, stéréotypé ou superficiel avec les autres modes de pensée.

Dans ce contexte, nous souhaitions également apporter un regard nuancé qui s’inscrirait à contre-courant de la stigmatisation de l’Islam et des amalgames actuels qui semblent identifier terrorisme et identité culturelle, deux phénomènes aux registres différents. Si l’extrémisme musulman peut cristalliser une remise en question, notamment du Moi et des croyances du sujet, donc de son identité, il ne faut toutefois pas réduire l’explication de cette variable à ce facteur unique.

Nous rêvons, certes un peu naïvement, d’un monde dans lequel l'absence de séparations serait réelle et la multiculturalité vivrait souveraine. Au sein de ce cadre utopique, les uns s’imprégneraient des autres et l’interculturalité serait un enrichissement continuel sur le mode égalitaire. Or, nous vivons dans un monde régi par le jugement et la dévalorisation de la différence (même si elle est en vogue dans ses manifestations anecdotiques, comme la musique et l’art) : proclamer un avis distinct ou porter un emblème distinctif perceptible (par exemple le foulard musulman) signifie encore se percevoir repoussé et même réprouvé.

Une autre motivation a orienté notre choix de sujet de mémoire : nous avons eu la chance d’avoir une expérience professionnelle nous mettant en contact direct avec les Belges d’origine étrangère et nous plongeant dans un univers marqué par les échanges, parfois difficiles, et la communication interculturelle. Notre terrain d'enquête s’est limité géographiquement à Liège (ville et quartiers), un espace citadin qui regroupe parmi sa population et ses quartiers plusieurs foyers d’immigration, et diverses générations. Nos entretiens et observation participante se sont déroulés sur une période de sept mois environ (fin juin à début février) auprès de membres de populations d’origine étrangère partageant des activités collectives au sein d’une ASBL. Cette dernière est une école de devoirs et d’apprentissage du français destinée à notre public cible. Une implication active me fut demandé : l’encadrement et la « main à la pâte », si l’on peut dire, durant les ateliers et à la bibliothèque.
Je fus chargée aussi de la mise sur pied d’activités qui pouvaient permettre de valoriser les femmes et de soutenir une réflexion plus conceptuelle de ces activités. J’ai travaillé moi-même, en tant que responsable à mi-temps à ces projets où ma fonction était d'assister ces projets d'insertion sociale. Le travail à durée déterminée a débuté le 22/11/2007 pour se terminer le 21/12/2007.
Les ateliers de cuisine organisés nous ont notamment permis de poser un regard différent sur l’existence de ces épouses, mères, sœurs et femmes rencontrées dans ce contexte. Celles-ci sont souvent mal perçues par la société belge et considérées comme privées de possibilités d’échange ou d’expression. Ces femmes sont en réalité porteuses de patrimoines inattendus, nous le verrons au fil de cette étude.