Victor Cohen-Hadria, les trois saisons...

Les trois saisons de la rage de Victor Cohen-Hadria, chez Albin Michel. 460 p.

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je suis étonné de voir la mention prix du premier roman, alors que Isaac était leur nom de Cohen Hadria/Victor (Broché - 29 avril 1997) semble antérieur ?

c'est un roman polyphonique conseillé par les bibliothécaires. Pourtant il semble au début prendre les lecteurs à rebrousse-poil : il est gros et long (458 pages), et c'est un roman épistolaire.

Pendant la guerre contre L'Autriche (chapitre de l'unité italienne, date 1859, 2e Empire) deux médecins correspondent : l'un suit les troupes françaises en Italie, l'autre exerce en Normandie. Ils donnent de leurs nouvelles, mais aussi servent respectivement d'écrivain public pour les soldats, et de lecteur public pour les destinataires du courrier, des paysans qui ne savent ni lire ni écrire.

Ces lettres font pénétrer dans des histoires de familles, des liaisons amoureuses compliquées et contrariées, des embrouilles financières. Il faut un certain temps pour s'y retrouver, mais comme pour la mayonnaise, une fois qu'elle est "prise", on continue

Les trois saisons de la rage de Victor Cohen-Hadria, chez Albin Michel. 460 p.

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Suit un journal personnel du docteur Lecoeur : au jour le jour, il parle de ses travaux sur la rage, mais surtout de la Normandie qu’il parcourt à cheval pour ses visites. Il en connaît toutes les pratiques, magiques et religieuses, les secrets familiaux, les intrigues de voisinage, les habitudes sexuelles auxquelles il sacrifie volontiers.

Il y a du Montaigne humaniste en cet homme-là : son regard sur les prostituées, les victimes de la justice, les mœurs paysannes, traduisent une bienveillance foncière - qui peut parfois se laisser surprendre.

Parmi ses contemporains et amis, des jeteurs de sorts qui lui seront utiles, de prêtres éclairés avec lesquels il résout bien des affaires délicates, des prêtres obtus, des arrivistes de tout poil….

Hadria écrit bien : la clarté du propos crée une proximité avec le lecteur qui apprécie sa franchise et l’honnêteté de ses interrogations. La construction soignée du récit permet de retrouver dans ce journal les intrigues en suspens dans la première partie. On retombe donc en terrain connu, sans lourdeur.

Au cours de la lecture il m’est arrivé de m’impatienter devant des relations sans grande importance. Mais Hadria nous apprend à vivre au rythme de la vie provinciale du second Empire. On le lit donc avec intérêt, sensibles à la valeur humaine du narrateur et à ses qualités d’écriture.

Je mets deux extraits pour montrer que la lecture, pour instructive qu'elle soit, n'est pas aride :

On y assiste à des scènes d’exorcisme,

« Au début, tout s’était bien déroulé, ils avaient fouetté l’air dans la grande salle commune en adjurant le diable de s’éloigner, avec force onctions et projections, mais rapidement les choses s’étaient aggravées [ …]si bien qu’à la fin, ils l’avaient battue en exigeant que le démon ne leur donne son nom ».

La contraception de l’époque était un peu rudimentaire, et on y parle des préservatifs locaux :

« Plus résistants que les caecums de veau que l’on utilisait jadis , [les actuels] présentent une curieuse et amusante image imprimée : une religieuse désigne d’un doigt assuré, parmi trois ecclésiastiques en érection, celui qui porte le condom, son futur amant, et annonce : « Voici mon choix ».